Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHÂTAIGNIER

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 480-481).

CHÂTAIGNIER. s. m. Prononcez châtaignier sans faire sentir l’r. Castanea sativa. Arbre qui a pris son nom du pays d’où il a été apporté. Castanea à Castanide terrà. Les vieux piés des châtaigniers sont fort gros : on en a vu en France de si gros, que quatre personnes auroient eu peine à les embrasser. Ce tronc jette plusieurs grosses branches, qui sont divisées en une infinité d’autres plus petites. Elles sont toutes ordinairement un peu longues, couvertes d’une écorce lisse, brune & tachée. Son bois est un peu dur & blanc. Ses feuilles sont longues de quatre à cinq pouces sur deux pouces environ de largeur, dentelées en manière de scie sur leurs bords, rides, d’un vert gai, & relevées en dessous d’une côte qui partage en deux toute sa force, & qui jette par ses côtés plusieurs nervures transversales, qui vont aboutir à la marge. Ses fleurs sont très-petites, à cinq pétales, jaunâtres, & à cinq étamines un peu plus jaunes ; ces fleurs sont stériles, & sont attachées en forme de chaton à un filet long de trois pouces. Ses fruits naissent sur le même pié, mais dans des endroits séparés de ses fleurs en forme de hérissons gros comme de petites pommes, divisés en trois loges, dans les jeunes fruits, parce que la châtaigne ou semence d’une ou de deux de ces loges avorte quelquefois. L’écorce de ces fruits est d’un vert clair d’abord, & charnu ; mais dans sa maturité, elle ressemble à du cuir par sa tissure & par sa couleur. Elle est toujours chargée de piquans pointus & bruns. Elle s’ouvre d’elle-même vers la fin de Septembre.

La châtaigne qu’elle renferme est couverte de deux peaux, dont l’extérieure est lisse en dehors, velue en dedans, de couleur châtain, comme on dit communément ; l’intérieure est plus mince, rougeâtre, & est très-âpre au goût. La substance de la châtaigne est douce, farineuse, bonne à manger lorsqu’elle est cuite. Il y en a de différentes grosseurs. Celles qui sont carrées & grosses comme le pouce se nomment marrons. Elles viennent dans le Vivarais, d’où on les transporte à Lyon. A Paris on dit, marrons de Lyon, parce qu’on les reçoit de Lyon. Celles qui sont moins grosses que les marrons sont les châtaignes ordinaires ; & les plus petites viennent des sauvageons. Les Cévennes & le Vivarais fournissent beaucoup de châtaignes. Le peuple vit en ce pays-là, une partie de l’année, de ce seul fruit. On fait cuire les châtaignes tantôt dans l’eau simplement, tantôt sous les cendres chaudes ; ou l’on les fait rissoler à la poële percée. Les châtaignes sont fort incrassantes. On laisse des châtaigniers en taillis ; le bois en est bon pour des perches, & pour différens ouvrages. Le charbon du châtaignier pétille trop au feu, & ne peut être employé qu’à la forge. Il n’y a guère de Province dans le Royaume qui n’ait des bois & taillis de châtaigniers. On se sert quelquefois des châtaignes en Médecine, pour faire un look pour la toux. Le marronier d’Inde, quoique son fruit donne des châtaignes, n’est point du genre de cet arbre. Voyez Marronier. Les plus belles charpentes, celles de la plupart des anciennes Eglises, sont de châtaignier. Il sert aussi à faire des cercles de cuves & futailles, ou des perches pour les treilles & espaliers. Il y a une Ordonnance de Henri III, de 1580, qui veut qu’on les coupe de six à sept ans.

Kaftanie & keften en allemand, châtaigne en françois, sont tirés du celtique keften. Pezron. Kaftanie vient évidemment du latin caftanea, & keften en vient aussi.

Châtaignier, est aussi le nom d’une espèce de pommes. Les châtaigniers, qu’on appelle martanges en Anjou, sont blanches, rousses, avec un coloris assez sale & obscur. La Quint.