Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHÛTE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 581-582).
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☞ CHÛTE. s. f. Mouvement d’un corps qui tombe. Lapsus, lapsio.. Il a fait une chûte dangereuse. Il est incommodé d’une chûte de cheval. Chûte sur un escalier. Scalarum lapsus.

☞ En Physique, c’est le chemin que fait un corps pesant, en s’approchant du centre de la terre. Le mouvement des corps graves augment dans leur chûte dans une certaine proportion qui a été inconnue aux Anciens. Galilée est le premier qui ait observé la loi de cette accélération ; & il a prouvé qu’un corps qui tombe, fait trois fois autant de chemin dans second instant de sa chûte, que dans le premier ; cinq fois autant dans le troisième, & ainsi de suite, suivant l’ordre des nombres impairs : 1, 3, 5, 7, 9, &c. Acceleratio motûs gravium juxta seriem numerorum imparium.

☞ On appelle chûte des feuilles, la saison où les feuilles tombent. Il mourut à la chûte des feuilles.

Chûte signifie figurément, le péché. Casus, lapsus, lapsio, prolapsio. S. Pierre pleura amèrement après sa chûte. Une femme s’affermit dans le crime, lorsqu’au lieu de l’épargner sur ses premières chûtes, on lui ravit le reste de honte qui la pouvoit retenir. De Vill. Dieu a permis la chûte infortunée du premier homme, quoiqu’il eût pû l’empêcher.

Chûte se dit encore pour décadence, disgrace, malheur. Casus, ruina. La chûte de Sejan est un exemple redoutable pour les favoris. Les Perses abattus par la mollesse & par les délices, ne purent s’opposer à la chûte de leur empire. Vaug. Quand les grands hommes tombent, leur chûte ne diminue rien de leur grandeur ; on les respecte comme des temples démolis. Bouh. L’Empire Romain, courant à sa ruine, entraîna les Sciences qui se trouvèrent accablées sous le poids de sa chûte. Bail.

Une aveugle terreur
Précipite la chûte, au lieu de l’empêcher. Quin.


Dans sa ruine, même il peut m’envelopper.
Il me peut, en tombant, écraser sous sa chûte. Corn.

☞ Cette façon de parler, accablé sous le poids de la chûte d’une chose, est absolument mauvaise. On est accablé sous le poids, sous les ruines d’une chose, mais non pas sous le poids de sa chûte. Une chûte ne pèse point, & ne sauroit accabler.

Chûte, en Littérature, se dit de la fin qui termine une petite pièce de poësie, un sonnet, un rondeau, un madrigal, de même que de la cadence & de l’harmonie qui termine une période : on le dit de même en musique, de celle qui termine un air. Clausula. La chûte de cette épigramme est heureuse. La chûte de cette épigramme est agréable. La chûte de cette période se précipite trop. La chûte d’un sonnet doit être noble & ingénieuse. S. Evr.. La chûte de cette période est brillante.

Mais n’imite jamais, par de burlesques tours,
De ces Prédicateurs l’éloquence fleurie,
Qu’une chûte de mots jette aux piés de Marie. Vill.

M. Rousseau parle ainsi de la chûte en musique, dans son Traité de la Viole. La chûte se fait lorsque, descendant par intervalle de tierce, on touche en passant du second coup d’archet la note dont la situation est entre les deux qui font la tierce. On peut sur une même note faire la chûte & la cadence sans appui. La chûte se peut faire quelquefois sur des notes en même degré. On ne doit jamais faire de chûte, lorsque la première note de la tierce est la fin d’une période de chant, & lorsqu’entre les deux notes qui font la tierce, il y a quelque pause. Toutes les tierces en descendant qui sont majeures, demandent une chûte : la chûte se fait quelquefois, lorsqu’on descend par intervalle de quarte. La chûte, au lieu de la cadence, sur les notes marquées d’un diêze & autres feintes, fait un bel effet. Dans les pièces où le mouvement veut être beaucoup marqué, il ne faut point faire de chûte. Pour pratiquer exactement la chûte, il faut observer les mêmes règles que pour l’appui de la cadence. La chûte est propre pour tous les différens jeux de la viole ; elle rend le jeu plus lié & plus doux. Dans les chants tendres & languissans, on la doit faire souvent au lieu de la cadence,pour rendre le chant plus pathétique. Dans les pièces qui expriment quelque chose d’épouvantable & terrible, elle se doit faire d’une manière brusque & précipitée.

Chûte, en fait de pièces dramatiques, & mauvais succès sont termes synomymes. Voyez Tomber dans cette acception.

On appelle chûte d’humeurs, un débordement des humeurs qui tombent du cerveau. Acad. Franç.. Effluentia.

Chûte de l’uvée. Terme de Médecin Oculiste. C’est un nom général que l’on donne à toutes les différentes espèces de staphyleme. Uveæ tunicæ procidentia. Demours.

Chûte de fondement, en Chirurgie, accident qui consiste en ce que l’intestin, appelé rectum, sort considérablement quand on va à la selle.

Chûte de matrice, c’est la descente de cette partie causée par le relâchement des ligamens qui la retiennent.

Chûte de la luette. On donne ce nom au relâchement de cette partie ou des amygdales.

Chûte, en Astrologie, est le signe où une Plan§te a moins de vertus & d’influence. Defectio. On l’appelle autrement, le signe de dejection.

Chûte, en termes de Jardinage, est le racordement de deux terrains inégaux, qui se fait par des perrons, ou par des gazons en glacis.

Chûte, terme d’Horlogerie. On s’en sert pour expliquer les effets d’un engrenage. Chûte est le synonyme de choc.

Chûte de festons & d’ornemens, en Architecture, ce sont des bouquets pendans de fleurs, ou de fruits, qu’on met dans des ravalemens de montans, pilastres & panneaux de compartiment de lambris. Implexi pendentesque encarpi. La chûte d’un toît, c’est la pente, ou l’égoût d’un toît. Fastigii declivitas.

Chûte d’Eau, en Méchanique, c’est la pente d’une conduite depuis son réservoir jusqu’à l’élancement d’un jet d’eau, qui ne monte jamais si haut que sa source. Aquarum devexitas, lapsus.

Chûte de Voiles, terme de Marine, c’est la longueur des voiles.