Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAM

La bibliothèque libre.
Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 402-403).
◄  CHALYBÉ
CHAMADE  ►

CHAM. s. m. Cham, Chamus. Prononcez Cam. Cham est l’un des trois fils de Noé qui repeuplèrent la terre après le déluge, & qui fut maudit de son père pour l’avoir insulté d’une manière peu séante, pendant le sommeil que lui causa l’ivresse, dont il est parlé dans la Genese, IX. Il étoit l’aîné des deux autres : Sem est appelé l’aîné de Japhet seul, non pas de Japhet & de Cham, Gen. X, 21. Et parce que Noé eut l’un de ses trois fils à 500 ans, ce ne fut point Sem, car il ne naquit que l’an 502 de son père Noé, puisqu’il n’avoit que 100 ans, deux ans après le déluge, qui arriva la 609e année de Noé, Gen. XI, 10. Ce fut encore moins Japhet, puisqu’il étoit cadet de Sem. Il faut donc que Cham ait été l’aîné des trois. Sa postérité occupa l’Afrique, l’Egypte, l’Arabie heureuse & la Palestine, ou terre de Chanaan, & régna même à Babylone, comme on le voit par les noms des peuples qui les habiterent, & qui sont les enfans de Cham, Gen. X, 6, 7, 8. L’Egypte même est appelée dans l’Ecriture, les Tentes de Cham, Ps. LXXVII, 51 ; & Terre de Cham, Ps. CIV, 23, 27, CV, 22 ; & dans Plutarque Chemie. De-là encore, selon Bochart, Phaleg, L. IV, c. 1, les noms de Chemmis, Psochemmis, Psittachemmis, donnés à des cantons ou contrées d’Egypte. De-là les noms d’Hammon ; & celui d’Ἡρμοχύμιος, dans Etienne de Byzance. Le P. Lubin s’est trompé, quand il a cru que la terre de Cham dans les Pseaumes n’étoit que la terre de Gessen, petite partie de l’Egypte où habitèrent les Israëlites. C’est toute l’Egypte. Voyez de Muis, Piscator, Gejerus & Bochart, à l’endroit cité ; & en effet David, Ps. CIV, 23, prend ces deux mots מצרים, Egypte, & ארץ חם, Terre de Cham, comme synonymes. Le prétendu Bérose dit que Cham est le même que Zoroastre, l’inventeur de la Magie. L’Arabe Abenephius dit que c’est aussi l’Osiris des Egyptiens, & le feu que les Perses adoroient. Voyez le P. Kirker, Œdip. Ægypt. Tom. I, p. 84.

CHAM. s. m. est le titre qu’on donne aux Princes souverains de Tartarie. Prononcez Kam. Plusieurs même l’écrivent ainsi, comme les Auteurs des Relations de Crimée qui se voient dans les nouveaux Mémoires des Missions du Levant, imprimés en 1715. Chamus Scytharum ad Orientem, Scythiæ ad ortum Imperator. Le grand Cham des Tartares. Le Cham des petits Tartares. Cingis a été le plus fameux des Tartares. Il vivoit du temps de Saint Louis, & est l’auteur de la race des Rois de Perse & des Mogols d’aujourd’hui.

Quand le Cham de Tartarie a dîné, un héraut crie que tous les Princes de la terre peuvent aller dîner, si bon leur semble ; & ce Prince, qui ne mange que du lait, qui n’a pas de maison, qui ne vit que de brigandage, regarde tous les Rois du monde comme ses esclaves, & les insulte régulièrement deux fois par jour. Montesq.

Ce mot, en langue sclavonne, signifie Empereur, comme le dit Vincent de Beauvais. M. Sperlingius, dans sa Dissertation sur la majesté du nom Danois Koning, qui signifie Roi, croit qu’on pourroit tirer de-là le nom de Cham des Tartares, & qu’on a dit dans le Septentrion Kan, Konnen, Konge, Konning.

Cham est aussi le nom que l’on donne en Perse aux grands Seigneurs de la Cour, & aux Gouverneurs des Provinces.