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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAMP

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 413-415).
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CHAMP. s. m. du latin Campus. ☞ Espace plus ou moins grand de terre propre à être labourée : c’est proprement une certaine étendue de terre bornée par des limites naturelles ou artificielles, pour la distinguer des champs voisins. Ager. Champ cultivé. Cultus ager. Champ en friche. Ager incultus.

Hésiode à son tour, par d’utiles leçons,
Des champs trop paresseux vint hâter les moissons. Boil.

Champ. Terme d’Histoire ancienne. Campus. Nom donné par les Latins à certaines plaines de Rome, dans lesquelles il n’y avoit point de maisons, destinnées pour les spectacles, les assemblées du Peuple, & plusieurs autres usages, comme le Champ de Mars, Campus Martius. Le champ de Flore. Campus Floræ, &c.

Le champ de Mars étoit une place ainsi nommée à cause d’un temple du Dieu Mars qui y étoit : on y tenoit les assemblées appelées comices. Dans la suite, Tarquin le superbe prit cette place pour son usage particulier : mais après qu’il eut été chassé de Rome, les Consuls Brutus & Collatinus firent du champ de Mars le lieu des assemblées & des élections. Le champ de Mars n’étoit au commencement qu’un pré au bord du Tibre où l’on faisoit paître les chevaux, & où la jeunesse s’exerçoit à la guerre : on en fit depuis une place magnifique, qu’on orna d’une grande quantité de statues & d’une belle horloge enrichie d’or. Voyez Aulu-Gelle, Denys d’Halycarnasse, Strabon, Pline, Barthélemi Marlianus dans sa Topographie de l’ancienne Rome, &c. Le champ de Flore est une place à Rome où l’on fait la publication des Bulles, des Constitutions, &c. ☞ C’étoit autrefois un lieu consacré à cette Déesse, où se représentoient les jeux appelés Floralia, institués en son honneur.

Champ criminel. (le) Campus sceleratus. Place dans Rome, près de la porte Colline, où l’on enterroit toutes vives les Vestales qui n’avoient pas su conserver leur virginité.

Champ du Rire, (le) Campus Ridiculi. Place où Annibal avoit campé pendant le siège de Rome, qu’il eût pu prendre aisément, s’il n’eût point levé le siège, épouvanté par de vaines terreurs & de certains fantômes qui le troublèrent. Ce qui fut cause que les Romains, voyant Rome délivrée par la retraite d’Annibal, se mirent à faire de grands éclats de rire, & élevèrent là un temple au Dieu du Rire. Antiq. Grecq. & Rom.

On appeloit anciennement en France Champ de Mars, les assemblées de toute la nation, que le Roi convoquoit tous les ans, ou pour dresser de nouvelles loix, ou pour décider des grandes affaires du Royaume. On les nomma ainsi, soit parce qu’elles se tenoient d’ordinaire au mois de Mars, soit à l’imitation du champ de Mars qui étoit destiné à Rome pour de pareilles assemblées. On le nomma depuis le champ de Mai, parce qu’on transporta & qu’on tint ces assemblées au mois de Mai. Dans Grégoire de Tours il est appelé Campus Martius, dans Frédégaire, Part. IV, c. 125 & 130. Campus Madius, & dans les Annales de Metz, Campus Magius. C’est Pépin qui le fit nommer Campus Maius, d’où l’on a fait par erreur ou par corruption, Madius & Magius.

Le P. Daniel prend le Champ de Mars, non pas pour l’assemblée, mais pour le lieu où se faisoit la revue générale des Troupes ; & on le nommoit ainsi, dit cet Historien, non pas que ce fût le nom particulier de quelque champ ; ces revues se faisoient tantôt en un endroit, & tantôt à un autre ; mais, ou à cause que Mars chez les Païens étoit le Dieu de la guerre, ou plutôt, à cause que la revue se faisoit ordinairement à la fin du mois de Mars : d’où vient que dans la suite on l’appela le Champ de Mai, parce que la coutume étant venue de se mettre plus tard en campagne, on ne faisoit la revue qu’au mois de Mai. P. Dan. Tome I p. 7. Voyez aussi M. de Marca, Hist. de Béarn, Liv. I, c. 28, & M. Le Gendre, Mœurs des François, page 12. Ailleurs, Tome I, page 409, il dit comme les autres, que ce sont ces diètes ou assemblées générales des François qu’on avoit appelées d’abord le Champ de Mars, & qui s’appellèrent depuis le Champ de Mai, parce que Pepin en changea le mois. Pepin tenoit actuellement l’assemblée ordinaire, ou le champ de Mai. P. Dan. Sous la troisième race, ces assemblées ont pris le nom d’Etats Généraux. Regni comitia. Voyez les Articles relatifs.

Champ de bataille, en termes de Guerre, signifie le lieu où se donne quelque bataille ou combat. Pugnæ, prælii locus. Ce Général est demeuré maître du champ de bataille. Coucher sur le champ de bataille.

On dit figurément qu’un homme a bien pris son champ de bataille, pour dire, qu’il a pris ses avantages pour réussir en quelque chose. Et que le champ de bataille lui est demeuré, pour dire, qu’il a été supérieur dans une dispute, & qu’il a réduit son adversaire à céder, ou à ne rien dire.

On dit, prendre mal son champ de bataille, d’une personne qui ne prend pas bien le temps & le lieu propre à cela : ce qui se dit encore d’un homme qui, dans une dispute, auroit proposé un objet qu’il lui seroit difficile de soutenir, une difficulté à résoudre qu’il auroit de la peine à éclaircir. Vous prenez mal votre champ de bataille ; ce n’est guères ici le temps ou le lieu propre à cela. Me du Noyer.

On appeloit autrefois champ clos, ou camp clos, l’espace fermé de barrières, où les Chevaliers faisoient des joutes & tournois, ou des combats à outrance. Septus ad certamen locus, arena. Le champ est demeuré à un tel Chevalier. On disoit : prendre du champ, pour dire, faire un tour, une caracole, pour mieux fournir sa carrière.

☞ On dit pourtant le Juge du camp, & non le Juge du champ.

☞ Dans les Arts, ce terme est employé, dans un sens figuré, pour désigner un fond sur lequel on peint, on grave, on représente quelque chose.

Champ, en termes de Blason, se dit du fond de l’écu, qui est chargé des diverses pièces dont se composent les armoiries. Area scuti. La bannière de France est un champ d’azur fleurdelisé. On dit plus ordinairement Ecu & Ecusson.

Le champ d’un tableau, d’une tapisserie, c’est le fond, lequel est d’ordinaire obscur, & où il n’y a rien de peint. Area. Il faut rembrunir le champ de cette tapisserie, pour en relever davantage les couleurs ; le champ de ce tableau, pour en détacher les figures. Le champ, le fond & le derrière d’un tableau, signifient la même chose. On appelle aussi le champ d’une médaille, le fond où il n’y a rien de gravé. On dit encore qu’une draperie, ou un morceau de bâtiment sert de champ à une figure, quand la figure est peinte sur la draperie ou sur le bâtiment.

Champ, chez les Orfèvres. C’est le fond sur lequel sont distribués les ornemens.

On dit, mettre des solives de champ, pour dire, les poser sur la partie la moins large ; Tignum quâ parte angustius est collocare ; en sorte qu’une solive qui a six pouces d’un sens, & quatre de l’autre, est mise de champ, si elle est sur la partie de quatre. Il en est de même de toutes les autres pièces de bois équarries, que l’on doit mettre de champ, pour leur donner plus de force, & pour empêcher qu’elles ne plient.

Champ est aussi un terme de Peignier. C’est le milieu du peigne d’où sortent les dents de chaque côté.

Champ, en termes de Méchanique, se dit de ce qui est posé horisontalement, latu horisonti ad libellam respondente collocatus. Les sablières se couchent de champ.

☞ On appelle roue de champ, celle qui est horisontale, & dont les dents sont perpendiculaires. Celle qui fait l’échappement, s’appelle roue de remonte.

Champ, chez les Opticiens, se dit de l’étendue qu’embrasse une lunette d’approche. Cette lunette n’a pas assez de champ.

Champ se dit, dans un sens figuré, pour sujet, matière. Campus, materies, argumentum. Les Poëtes Païens avoient un beau champ à s’exercer, à cause de la liberté de leurs fictions. Les louanges du Roi sont un beau champ pour exercer les Historiens. Voilà un beau champ pour étaler votre éloquence. Amplissima materia ad dicendum.

Il faut, pour démasquer ce superbe hypocrite,
Flater de son amour les désirs effrontés,
Et donner un champ libre à ses témérités. Mol.

On dit de ceux à qui on donne permission de dire ou d’écrire quelque chose ; vous le pouvez, le champ vous est libre.

Champs, au pluriel, se dit par opposition à ce qui est enfermé dans les villes. Rus. Aller aux champs, à la maison des champs.

Pour réparer les maux pressans
Que le tonnerre a fait à ma maison des champs,
Ne pourrois-je obtenir, Sire, avant que je meure,
Un quart d’heure de votre temps ?

Sanguin, dans le Recueil de Vers fait par le Père Bouhours, I. édit. pag. 215.

☞ Maison des champs n’est pas une façon de parler noble ; il faut dire Maison de campagne. Les Vocabulistes auront soin de faire entrer cette remarque dans la seconde édition de leur Dictionnaire, quoiqu’elle ne se trouve point dans celle de l’Académie. Il faut distinguer les termes bourgeois, des autres.

Champs, au pluriel, signifient aussi toutes sortes de terres, tant labourables que prés, bois, bruyères, &c. pris tout-ensemble. Mener les vaches, les brebis aux champs. Acad. Franç.

☞ En Poësie, les champs de Mars, c’est la Guerre ; les champs de Neptune, la Mer.

{{|Quand par-tout dans les champs de Mars ou de Neptune, Sous tes heureux drapeaux combattait la Fortune.}}

On dit, en termes de Guerre, battre aux champs, signum profectionis indicere, pour dire, battre la marche pour décamper, pour partir. On dit aussi qu’on bat aux champs, pour dire que l’armée se met en marche.

Les Païens ont appelé les Champs Elysées, le lieu des Enfers où ils croyoient que les âmes des gens de bien & des Héros alloient après leur mort, pour y être heureux. Campi Elysii. Quelques-uns ont cru qu’ils étoient dans les îles Canaries. Virgile fait la descrinion des Champs Elysées, dans le sixième de l’Enéïde. On dit aussi Champs Elysiens.

Quand Segrais, affranchi des terrestres liens,
Descendit plein de gloire aux Champs Elysiens,
Virgile en beau français lui fit une harangue ;
Et comme à ce discours Segrais parut surpris,
Si je sais, lui dit-il, le fin de votre langue,
C’est vous qui me l’avez appris.

On appelle à Paris Champs Elysées, un lieu agréable hors de Paris, planté d’arbres qui forment des allées en tout sens. Ce nom a été donné à ce lieu-là par allusion aux champs Elysées des Anciens.

Les Champs Elysées étoient aussi des cimetières où les Païens enterroient leurs morts séparément & dans des tombeaux de pierre. On en peut voir quelques restes dans la ville d’Arles. Les Turcs imitent ces sortes de cimetières : & ce grand nombre de tombeaux élevés fait un aspect qui ressemble à une ville.

Champ se dit adverbialement en ces phrases. A travers champ, pour dire, hors des chemins. Passim, extrà viam. A chaque bout de champ, quocumque tempore, quâlibet datâ occasione, pour dire, à toute heure, à tout propos. Sur le champ, pour dire, présentement, à l’instant. Extemplo, illicò, continuò, statim, ipso temporis articulo.

On dit aussi, parler sur le champ, discourir sur le champ, pour dire, parler, discourir sans préparation, ex tempore dicere. Un discours fait sur le champ, extemporalis oratio. Facilité à parler sur le champ, extemporalitas. M. de Harlay, Archevêque de Paris, avoir une facilité merveilleuse à parler sur le champ.

Champ, se dit en ces phrases proverbiales. Il y a assez de champ pour faire glane ; pour dire qu’il y a assez de besogne pour tout le monde, ou de quoi se contenter. On dit qu’un homme a un œil aux champs & l’autre à la ville, pour dire qu’il est fort vigilant, & qu’il sait ce qui se fait auprès & au loin. On dit aussi qu’un homme court les champs, court les rues, pour dire qu’il est fou ; qu’il se met aux champs, quand il s’emporte de colère ; & qu’on lui donne la clef des champs, quand on lui donne la liberté de s’en aller de s’enfuir, de faire tout ce qu’il voudra.

A champ, à plein champ. Termes de Jardinage. Semer à champ, à plein champ ou à volée, se dit proprement des graines, qui, au lieu d’être mises dans des trous préparés, sont semées indifféremment, sans rayons ni allignement, soit sur une couche, soit en pleine terre, comme les grains en plein champ. Indiscriminatim serere, terræ mandare. On seme à plein champ les choux, les laitues, les raves, les navets, &c.