Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHANGER

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 426-427).
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☞ CHANGER. Ce verbe, quelquefois actif, quelquefois neutre, dans une signification générale, fait naître l’idée d’une chose qui cesse d’être ce qu’elle étoit, qui passe d’un état à un autre ; mais cette idée générale est différemment modifiée dans les différentes acceptions du verbe. Voyez Changement.

Changer, v. a. Convertir une chose en une autre, transmuer, faire changer de nature. Mutare, convertere, transmutare. Aux noces de Cana, Jésus-Christ changea l’eau en vin. La femme de Loth fut changée en statue de sel. Dans le sacrement de l’Eucharistie, le pain & le vin se changent au corps & au sang de Jesus-Christ. Les Alchimistes prétendent changer les métaux en or.

Changer se dit aussi activement dans la signification de quitter une chose pour une autre, se défaire d’une chose pour en prendre une autre à la place. Changer une chose pour une autre, contre une autre. Aliquid mutare aliquâ re. Il a changé son chapeau vieux pour un neuf. Il a changé ses tableaux contre des meubles. Ici il a quelque chose de la signification de troquer.

Changer se dit dans un sens à peu près le même, pour, substituer une chose à une autre. Cette femme a changé son Amant pour un autre. Sufficere aliquem alteri, in locum alterius. On nous a changé notre vin.

Changer signifie encore donner une nouvelle forme, un nouvel arrangement aux choses. Faire prendre de nouveaux sentimens, de nouvelles inclinations aux personnes, en sorte que ces choses & ces personnes cessent d’être ce qu’elles étoient auparavant. Cet homme a changé toute sa maison. Cet Auteur a changé le plan de son Ouvrage. Cet événement a changé la face de l’Etat. On dit en proverbe, que les honneurs changent les mœurs. Honores mutant mores.

Le temps, qui change tout, change aussi les humeurs. Boil.

Changer, v. n. terme relatif au passage d’un état à un autre, se dit des choses dont l’identité est altérée, ou qui cessent d’être les mêmes. Changer d’humeur, de caractère, de conduite : changer d’état, de profession. Changer de vie ; changer de bien en mal, de mal en bien. Mutari in pejus, in melius. Changer de pays, d’air. Changer de place. Mutare locum, ou mutare se loco. Changer de dessein. Mutare animum. Platon ne trouvoit rien plus dommageable à la société, que d’accoutumer les jeunes gens à changer, même dans leurs amusemens ; parce qu’ils viennent ensuite à mépriser les anciennes constitutions. Mont.

Jamais un Affranchi n’est qu’un Esclave infâme ;
Quoiqu’il change d’état, il ne change point d’ame. Corn.

Changer s’emploie quelquefois absolument. Le temps changera, si le vent vient à changer. Les modes changent ; tout change dans ce monde.

On le dit de même pour changer de conduite, de sentimens. Vous changerez un jour.

Sa flamme à tous momens peut prendre un autre cours ;
Et qui change une fois, peut changer tous les jours.

Changer & varier, considérés dans une signification synonyme. Varier, c’est être tantôt d’une façon, & tantôt d’une autre. Changer, c’est cesser d’être le même. C’est varier dans ses sentimens, que de les abandonner & de les reprendre successivement. C’est changer d’opinion, que de rejeter celle qu’on avoit embrassée pour en suivre une nouvelle. Ceux qui n’ont point de volonté déterminée, sont sujets à varier ; changer est le propre des inconstans. On n’a point de peine à changer de doctrine, quand on est plus attaché à la fortune qu’à la vérité.

☞ Les Vocabulistes en font aussi un pronominal réfléchi, au propre & au figuré. Au propre : son teint ne s’est pas changé. Au figuré : ses idées ne se changeront plus. Nous observerons, en passant, que ces façons de parler sont très-mauvaises, & plus que surannées.

Changer, en termes de Marine, a plusieurs significations. Changer les voiles, c’est mettre un côté de la voile au vent, au lieu que l’autre côté y étoit avant ce changement. Changer les voiles de l’avant & les mettre sur le mât, c’est brasser tout-à-fait les voiles du mât de misaine du côté du vent ; ce qui se fait afin qu’il donne dessus, & que le vaisseau étant abattu par-là, on puisse le mettre en route. Changer de bord, ou virer de bord, c’est mettre un côté du vaisseau au vent pour l’autre, afin de changer de route. Changer l’artimon, c’est faire passer la voile d’artimon avec sa vergue d’un côté du mât à l’autre. Changer le quart, c’est faire entrer une partie de l’équipage en service, en la place de celle qui étoit de garde, & qu’on relève. Changer la barre, c’est mettre la barre du gouvernail du côté opposé à celui où elle est.

Changer de main, changer un cheval, termes de manége. C’est porter la tête d’un cheval d’une main à l’autre, la tourner de gauche à droite, ou de droite à gauche.

On dit proverbialement, il a changé son cheval borgne contre un aveugle, pour dire, changer une chose mauvaise contre une plus mauvaise encore.

On dit aussi, il change comme un caméléon, à cause d’une vieille opinion, qui faisoit croire que le caméléon changeoit souvent de couleur. On dit aussi d’un enfant qui ne ressemble point à ses parens, qu’il a été changé en nourrice. On dit aussi que le temps changera, quand on voit quelqu’un faire une chose fort contraire à son genre de vie ordinaire.

On dit aussi proverbialement & figurément, changer de note, pour dire, changer de façon de faire ou de parler. Ac. Fr,

Changé, ée. part. Mutatus, immutatus, commutatus, permutatus. Selon les diverses significations du verbe changer.

On dit qu’un homme est bien changé, qu’il n’est pas reconnoissable ; pour dire, qu’il a été fort malade, qu’il est fort défiguré. On le dit aussi en morale de celui qui a changé de genre de vie, soit en bien, soit en mal.