Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHAUSSURE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 493).
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CHAUSSURE. s. f. Couverture du pié ou de la jambe. Calceamentum, calceamen. Les chausses, souliers, bottes, pantoufles, brodequins, sont compris sous le nom de chaussure. Les noms françois des chaussures sont, chausse, chaussette, chausson, bas, botte, bottine, brodequin, cothurne, escarpin, pantoufle, soulier, sandale, galoche, soque, sabot.

Les chaussures des anciens Romains furent d’abord de cuir cru, & même avec le poil. Encore aujourd’hui le peuple d’Espagne, au moins en bien des endroits, n’a point d’autre chaussure qu’un morceau de peau ou de cuir qui s’envelope autour du pié & du bas de la jambe. Cela s’appeloit chez les Romains Carbatinæ crepidæ. Voyez Catule, Ep. XCIX. Ils faisoient aussi des chaussures de genêt ou de jonc, spartei & juncei calcei ; de même qu’on fait quelquefois en France de grosses pantoufles de paille ou de nattes, pour tenir les piés chauds pendant l’hiver. On en faisoit aussi de toile de lin : le fer même & l’airain, l’argent & l’or y étoient employés. Ils avoient aussi l’usage des sabots de bois. On se servoit aussi de liége pour mettre sous les souliers, & rendre la chaussure plus haute. C’étoit l’usage des Perses, & Auguste, dit-on, en usoit aussi.

Benoît Baudouin, natif d’Amiens, fils d’un Cordonnier, & Cordonnier lui-même dans la boutique de son pere, a fait un Traité de la Chaussure des Anciens, De Calceo Antiquo ; & Nigronius, De Caliga Veterum ; & Antoine Bynæus, De Calceis Hebræorum, Lib. II, Dordraci 1683. voyez aussi la Dissertation de Dodwel, De Parma Equestri Wordwardiana, à la fin. Le petit Traité de Nigronius est fort estimé ; il le divise en quatre chapitres, où il montre qu’elle étoit particulière aux Soldats, & que ce n’étoit autre chose que ce que nous nommerions des sandales, garnies de clous par-dessous, & attachées avec deux ou trois courroies au-dessus de la cheville du pié. M. Nilant le fit imprimer il y a quelques années pour la cinquième fois à Leyde. Albert Rubeus a fait une Traité De Calceo Senatorio, de la Chaussure des Sénateurs.

Nos anciens François, dit le Moine S. Gal, avoient des chaussures dorées par dehors, & ornées de courroies ou lanières longues de trois coudées. Telle étoit la chaussure de Charlemagne & de Louis-le-Débonnaire, comme il paroît par les Notes de M. Baluze sur les Capitulaires de nos Rois, pag. 1280. Jean-Pierre Puricelli, dans ses Monumens de la Basilique Ambrosienne, décrit la chaussure de Bernard, Roi d’Italie, & fils de Pepin, dont le corps y fut trouvé, & levé de terre. Ses souliers, dit-il, étoient encore entiers. Ils étoient de cuir rouge, & la semelle étoit de bois. Ils étoient si justes, si bien faits à chaque pié, & aux doigts de chaque pié, que le soulier gauche ne pouvoit servir au pié droit, ni le droit au pié gauche, finissant en pointe du côté du gros doigt. Voyez M. Du Cange, au mot Armiger & au mot Fasciola. Nous remarquons la même figure dans les anciens tombeaux. M. Nilant, dans ses Notes sur Baudouin, De Calceo, dit que les Dames Vénitiennes se donnent une chaussure fort élevée, & qu’il en a vu montées sur des souliers hauts de trois piés.

Pline rapporte, Liv. VII, c. 56, qu’un Tibus de Bœotie fut le premier qui se chaussa. Baudouin prétend que Dieu donna des souliers de peau à Adam & à Eve. Bynæus rejette cette conjecture.

On dit, qu’un homme a trouvé chaussure à son pié, pour dire, qu’il a trouvé une chose qui lui convient, une personne qui est de même humeur, de même génie. Cet homme est pacifique, il a épousé une femme fort douce ; il a trouvé chaussure à son pié. On le dit aussi d’un ennemi, quand on l’a trouvé d’égale force. Cet homme est un grand chicaneur, mais il a trouvé chaussure à son pié. Il a affaire à un homme qui en fait autant que lui. Tout cela est familier.