Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHEZ

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 530).
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CHEZ. Proposition qui signifie, en la maison, en la demeure de quelqu’un. Apud, lorsqu’il n’y a point de mouvement : ad, lorsqu’il y a du mouvement. Venez dîner chez moi. Il est allé chez le Roi, chez les Dames. Il est chez son Rapporteur.

Chez est quelquefois employé comme equivalent de parmi ou dans, quand on parle d’un peuple, par exemple, & quand on cite des Auteurs : inter, apud. Ainsi, l’on dit, c’étoit une coutume chez les Romain ; les Druides exerçoient une grande autorité chez les Gaulois. On trouve chez les Auteurs grecs des exemples de… &c. Des gens délicats condamnent l’usage de ce mot dans ce sens, mais mal-à-propos, puisqu’on en trouve des exemples dans les meilleurs Ecrivains. On croit pourtant qu’il ne faut pas s’en servir pour citer un Auteur en particulier. On ne diroit pas, par exemple, on trouve chez Homère, hæc canuntur apud Homerum. Chez n’est propre qu’à dénoter la demeure de quelqu’un, ou quand on parle de toute une nation. On dit, dans Homère, parce qu’on sous entend dans les livres d’Homère. C’est le sentiment de Vaugelas & de Corneille.

Chez s’emploie encore avec grace pour dire, dans l’intérieur, dans l’esprit. C’est ainsi que Montaigne dit, nous ne sommes jamais chez nous ; nous sommes toujours au de-là. Mont. Pour vivre tranquille dans la retraite, il faut avoir réglé bien des choses chez soi, dont on a bien de la peine à venir à bout. Font. Il vaut mieux se soucier que l’on est chez soi, que ce que l’on est chez les autres. Mont. On dit, vous êtes mal chez lui, c’est-à-dire, dans son esprit.

☞ Cette même proposition, jointe à un pronom personnel, devient un nom substantif. Il a un chez soi. Vous avez un chez vous. Quand j’aurai un chez moi, j’y recevrai mes amis. J’ajouterai à ce petite article du Dictionnaire de l’Académie & du Vocabulaire, une chose qu’ils n’auroient pas dû oublier, c’est que cette expression est des plus bourgeoise. Quelques-uns croient que ce mot vient de casa, à cause que le mot de ca se change aisément en notre langue en ché, comme Chézal-benoist vient de Casa Benedicti. Ménage dit qu’il vient du latin apud ; mais il ne dit point par quel chemin il est venu : il est difficile de le deviner.