Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHILMINAR ou CHEMINAR

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 541).
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CHILMINAR ou CHEMINAR, ou, comme prononcent les voyageurs, TECHELMINAR, terme de Relation, est le plus beau morceau d’Architecture qui nous reste de l’antiquité. Ce sont les ruines de ce fameux Palais de Persepolis, auquel Alexandre, pris de vin, mit le feu, par complaisance pour la Courtisane Thaïs. Il y en a une description exacte dans l’Ambassade de Dom Garcias de Silva Figueroa, & une autre dans Piétro della Vale. Voici en abrégé ce que c’est que Chilminar. On voit les restes de près de quatre-vingt colonnes dont les fragmens ont au moins six piés de haut ; mais il n’y en a que dix-neuf qu’on puisse dire entières, avec une autre toute seule éloignée des autres d’environ cent cinquante pas. Une roche de marbre noir fort dur servoit de fondement à cet édifice. Quatre-vingt-quinze marches portent au premier plan du Palais elles sont taillées dans le roc. L’entrée du Palais, a environ vingt piés de large ; d’un côté est la figure d’un éléphant, & de l’autre celle d’un Rhinocéros haut de trente piés, & tous deux d’un marbre luisant. Proche ces animaux, il y a deux colonnes, & pas loin de là la figure d’un Pégase. Après avoir passé cette entrée, on rencontre quantité de fragmens de colonnes de marbre blanc, dont les reste font voir la magnificence de l’ouvrage. Les moindres de ces colonnes ont quinze coudées de haut, les plus grandes en ont dix-huit : elles ont quarante cannelures larges chacune de trois grands pouces, d’où l’on peut juger de toute leur grosseur, & des autres proportions. Assez proche de l’entrée, on voit une inscription gravée sur un carreau de marbre noir, uni comme une glace ; elle a environ douze lignes, les lettres sont d’une figure extraordinaire, elles ressemblent à des triangles, ou à des pyramides. Ces restes précieux de l’antiquité, où les oiseaux font aujourd’hui leur nid, sont si beaux & si magnifiques, qu’ils attirent l’admiration de tous ceux qui les voient. Antiquités de Persepolis. Il y a encore beaucoup d’autres inscriptions en caractères tous différens de ceux qui sont formés en triangles ; quelques-uns approchent des caractères hébreux, chaldaïques ou syriaques ; d’autres ressemblent aux caractères arabes ou persans ; d’autres enfn sont grecs. Voyez les Transactions Philosophiques, les voyages du Chevalier Chardin, & le livre intitulé Les beautés de la Perse. M. Hyde, qui a expliqué l’inscription qui est en grec, en suppléant quelques mots qui sont effacés, dit que ces inscriptions sont gravées avec beaucoup de négligence, & peut-être par quelques soldats ; ou si elles l’ont été par un Graveur, il croit qu’il étoit de Palmyre, & qu’ainsi les inscriptions de Persepolis sont en langue phénicienne ; il ajoute que puisqu’elles sont à la louange d’Alexandre, elles n’ont été faites que depuis le temps où ce Conquérant a vécu.

Ce mot vient du persien Tcheleminar, c’est-à-dire, quarante tours, ou colonnes, à cause des quarante colonnes d’une grosseur prodigieuse que l’on voit parmi ces ruines.