Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHOCOLAT

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 550).
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☞ CHOCOLAT, s. m. Espèce de Tablette composée de différens ingrédiens, dont la base est la noix de cacao, de laquelle on fait une confection ou breuvage. Chocolatum. On le boit chaud. Il est tenu des Espagnols, qui l’ont apporté des Mexicains, chez lesquels ce mot de chocolat signifie simplement confection. D’autres disent que c’est un mot indien, composé de latté, qui signifie de l’eau & choce, mot fait pour exprimer le bruit avec lequel on le prépare, comme témoigne Thomas Gage. La base est le cacao, fruit d’un arbre du même nom : la vanille y entre aussi principalement pour donner de la force & du goût au chocolat. Antoine Colménéro de Lédesma, Chirurgien Espagnol, en a fait un Traité : voici comment il en fait la composition.

Sur un cent de cacao, on mêle deux grains de chise ou de poivre de Mexique, ou en sa place du poivre des Indes ; une poignée d’anis de ces fleurs qu’on appelle petites oreilles, ou dans les pays vinacaxtlides, & deux autres qu’on nomme mecachusie ; ou, au lieu de celles-ci, la poudre de six roses d’Alexandrie, appelées roses pâles, une gousse de campêge, deux drachmes de canelle, une douzaine d’amandes, & autant de noisettes d’Indes, & la quantité d’achiotte qu’il faudra pour lui donner couleur. Toutes ces plantes sont décrite par De Laët. On broie le tout, on en fait une pâte, ou conserve, avec de l’eau de fleur d’orange, qui le durcit fort ; & quand on en veut prendre, on le délaie dans de l’eau bouillante avec un moulinet.

☞ On a depuis perfectionné cette composition brute, & on l’a rendue plus agréable par l’addition du sucre, d’un peu de vanille & de quelques autres ingrédiens.

Il n’en faut pas boire durant les jours caniculaires, ni de celui qui est fait depuis un mois. Quelques Casuistes, & entr’autres le Cardinal François-Marie Brancaccio, qui en a fait un Traité particulier, ont prétendu que le chocolat pris en liqueur ne rompoit point le jeûne, quoique Stabe, Médecin Anglois, ait fait un Traité, où il soutient qu’on tire plus d’humeur nourrissante d’une once de cacao, que d’une livre de bœuf ou de mouton. Les raisons du Cardinal parurent si fortes à Calera, Médecin Espagnol qui avoit soûtenu le contraire dans son Tribunal-Médico-Magicum, qu’il abandonna son sentiment. Ce sentiment n’a point encore prévalu, au moins en France. Le cacao est si commun en la Nouvelle Espagne, qu’il consomme par an plus de douze millions de livres de sucre. Les Espagnols estiment que la dernière misère où un homme puisse être réduit, c’est de manquer de chocolat ; car c’est leur boisson ordinaire : ils ne la quittent que quand ils peuvent avoir quelqu’autre boisson qui enivre. On dit qu’il aide à la digestion, qu’il rafraîchit les estomacs trop chauds, & qu’il échauffe ceux qui sont trop froids. Chaque livre de chocolat vaut au Mexique cinquante-deux sous.

Le Cardinal de Lyon, Alphonse de Richelieu, est le premier en France qui ait usé de chocolat. Il s’en servoit pour modérer les vapeurs de sa rate, & il tenoit ce secret de quelques Religieux Espagnols qui l’apportèrent en France. Ceux qui en ont écrit, sont Thomas Gage, Voyageur Anglois, Barthélemi Marradon, qui en condamne l’usage, & Antoine Colménéro, deux Médecins Espagnols, dont René Moreau, Professeur en Médecine à Paris, a traduit & commenté les Livres. Philippe Silvestre Dufour, Marchand de Lyon, a ramassé dans son Traité du Caffé, du Thé & du chocolat, tout ce que ces Auteurs en avoient dit.

Chocolat est aussi une sorte de petite pâtisserie délicate où il entre du chocolat. Chocolatœum libum.