Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CHRIST

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 563-564).

☞ CHRIST. Ce mot, suivant sa propre signification, veut dire oint, qui a reçu quelque onction. Il s’applique par excellence au Sauveur du monde, & c’est un nom qui lui est devenu propre. On le fait presque toujours précéder du nom de Jesus. Nous avons été rachetés par le sang de J. C. Alors l’s du mort Jesus et l’st du mot Christ ne se font point sentir, & l’on prononce Jesus-Christ. Il n’en est pas de même quand le mot Christ est seul.

☞ On dit, en parlant de tableaux, un Christ ; pour dire, une figure de J. C. attaché à la croix, Crucifix. Christi effigies, imago. Voilà un beau Christ. Quelquefois on distingue entre Crucifix & Christ. Le Crucifix est le total, composé de l’image de la croix & de celle du Sauveur ; le Christ est l’image seule du Sauveur, détachée ou indépendante de la Croix. Le Christ de cette Croix est d’une grande beauté.

Quelquefois on se sert du mot Christ seul par antonomase ; pour dire, celui qui est envoyé de Dieu, qui est oint, comme Jesus-Christ, David, un Roi, un Pontife, un Prophète, &c. Alors les paroles du discours doivent déterminer ce mot, & lui faire signifier ce que celui qui parle veut faire entendre.

La Congrégation du Corps de Christ. Nom d’un Ordre Religieux fondé en 1328, par D. André Paolo d’Assise, Clerc régulier, avec la permission d’Alexandre Vincioli de pérouse, Evêque de Nocéra en Ombrie, qui lui accorda une petite Eglise proche Gualdo, dans un lieu appelé la Bonne Mere. Il donna à cette Eglise le nom de Corps de Jesus-Christ, & lui fit bâtir un Monastère qui devint chef d’une Congrégation de Religieux qui faisoient profession de la règle de S. Benoît, & avoient des constitutions particulières, qui leur furent données par la Fondateur, & approuvées par cet Evêque de Nocera. Il les obligea à porter le Saint Sacrement dans les processions solemnelles, & à célébrer la fête du Corps de Jesus-Christ avec beaucoup de piété & de pompe, pour exciter les Fidèles au culte de cet adorable Sacrement. Urbain IV, & Martin V, donnèrent beaucoup d’indulgences à la même fin. Grégoire XI approuva cet Ordre le 5 Juillet 1377. Boniface IX le confirma en 1393, & lui accorda les privilèges & les indulgences de l’Ordre de Cîteaux. Le P. Hélyot, T. VI, c. 25.

Il y a eu aussi des Religieuses du Corps de Christ. Elles commencèrent l’an 1379 à Foligny. Boniface IX leur accorda beaucoup d’indulgences & les confirma les années 1398, 1399 & 1410. En 1404, elles embrassèrent les observances de l’Ordre du Corps de Christ, ce qui fut confirmé par l’Evêque de Foligny, & approuvé par Boniface IX. L’an 1461 le Général de l’Ordre de Christ ayant renoncé à sa juridiction sur ce Monastère, Pie II le soumit à l’Evêque de Foligny. P. Hélyot, ibid.

L’Ordre de Christ est un Ordre militaire fondé l’an 1318 par Denis I, Roi de Portugal, pour animer sa Noblesse contre les Maures. Ordo militaris à Christo dictus. Le Pape Jean XXII le confirma en 1320, & donna aux Chevaliers la règle de S. Benoît. Alexandre VI leur permit de se marier. Il a été depuis inséparablement réuni à la Couronne, & les Rois de Portugal ont pris le titre d’administrateurs perpétuels de cet Ordre. Les Chevaliers de l’Ordre de Christ sont vêtus de blanc ; ils portent sur la poitrine une croix patriarchale de gueules chargée d’une autre croix d’argent : ce sont les armes de l’Ordre. Ces Chevaliers, qui faisoient autrefois leur résidence à Castro-Marin, la transférèrent dans la ville de Thomar, comme étant plus voisine des Maures d’Andalousie & de l’estramadoure. Le Quien de la Neuv. Histoire de Port.

Christ. Ordre militaire en Livonie. Christi Sacer Ordo in Livonia. L’Ordre militaire des Freres de Christ fut institué en 1205 par Albert Evêque de Riga : ils portoient sur leur manteau une épée, & une croix par dessus, ce qui les fit aussi nommer les freres de l’épée. La fin de leur institut fut de défendre les nouveaux Chrétiens, qui se convertissoient tous les jours en Livonie,& que les Payens persécutoient ; comme il paroît par une lettre d’Innocent III, qui ordonne une Croisade contre eux. Voyez l’établissement de cet Ordre dans Longin. Hist. de Polon. L. VIII.

Il y a aussi un Ordre militaire de Christ ou de J. C. en Italie, institué par Jean XXII à peu près dans le même temps que celui de Portugal commença. Ces Chevaliers ne font point preuve de noblesse : ils ont cependant été agrégés à ceux de Portugal, mais sans pouvoir prétendre à leurs Commanderies. Ils ont les mêmes statuts, & sont seulement appelés Chevaliers à brevet. P. Hélyot. Ibid.

Outre les Chevaliers, il y a des Religieux de l’Ordre de Christ établis sous le regne de Jean III, Roi de Portugal. Antoine de Lisbonne, Religieux de l’Ordre de S. Jérôme, ayant été nommé Commissaire Apostolique, pour faire la visite du Couvent de Thomar, première Maison de l’Ordre des Chevaliers de Christ, établit la réforme dans ce Couvent. Il déposa Didaque de Régo, qui en étoit Prieur, & obligea tous les Clercs de cet Ordre à vivre en commun, & à porter un habit Monachal avec la croix de l’Ordre de Christ sur la poitrine. Il fit bâtir des lieux réguliers, & reçut des novices, auxquels, après l’année de probation, il fit faire les vœux de pauvreté, de chasteté & d’obéissance. Il dressa des statuts, & cette réforme, à la priere du Roi, fut approuvée par le Pape Jules III qui permit au réformateur de quitter l’Ordre de Saint Jérôme, & de passer à celui de Christ. Il l’établit en même temps Prieur du Couvent de Thomar. Cette réforme s’établit en plusieurs droits, & le réformateur obtint de Pie V la confirmation de tous ses Couvens par une Bulle de l’an 1567. Comme, en vertu de cette Bulle, ces Religieux prétendirent être indépendans des Chevaliers, le Roi Sébastien voulut les détruire, & s’adressa pour cela à Grégoire XIII l’an 1576. Le Pape ne les détruisit point, mais il les soumit au Roi, comme Grand-Maître de l’Ordre. P. Hélyot, T. VI, c. 8.