Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CICOGNE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 585-586).
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☞ CICOGNE. s. f. On prononce, & même on écrit cigogne. Ciconia. Oiseau de passage qui a les pattes, le cou & le bec fort longs, ce dernier rouge, & qui vit d’insectes. Son pennage est blanc, excepté l’extrémité des aîles qui est noire. Elle a aussi un peu de noir aux cuisses & à la tête. Elle a le tour des yeux garni de plumes, & la peau fort noire en cet endroit. Elle choisit les plus hauts arbres dans les lieux marécageux pour y faire ses petits ; elle couve l’espace de trente jours, & ne pond que quatre œufs. On dit que la cicogne nourrit son pere & sa mere, lorsque la vieillesse leur ôte le moyen de chercher leur vie, ce qui fait croire qu’elles vivent long temps.

Il y a deux espèces de cicognes, la blanche, de laquelle nous parlons ici, & la noire, que les Egyptiens appeloient ibis, dont nous parlerons à ce mot. La noire n’est pas oiseau de passage, mais demeure toujours dans le même pays. La blanche se plaît particulièrement dans les prés & dans les étangs. Il y en a en quantité en Allemagne & en Suisse. Elles s’en vont à la mi-Août, & reviennent au Printemps. Bellon dit que la dernière qui arrive au lieu où elles s’assemblent pour partir, est tuée. Aldrovand dit que c’est proche du Tésin qu’elles font leurs assemblées ; & qu’après avoir tenu conseil entr’elles, elles partent la nuit.

Il y a dans le Cabinet de la Société Royale de Londres une tête d’une cicogne des Indes, que personne n’avoit décrite avant Grew, qui l’a fait dans le Musœum Regalis Societatis.

On dit que c’est la cicogne qui a appris aux hommes l’invention des clystères. La cicogne tient l’aîle baissée en volant. On croit que le bruit qu’elle fait vient de son bec dont les deux parties frappent l’une contre l’autre avec beaucoup de violence. La cicogne est le symbole de la reconnoissance. Le Roi de la Chine, pour marque de sa Royauté, porte deux cicognes en broderie sur la poitrine, avec une perle au haut du bonnet ; ce qui n’est permis qu’à lui seul. Elle est appelée ciconia, quod sit cicuris & benignæ naturæ, dit Martinius ; parce qu’elles est d’un naturel doux & tout-à-fait apprivoisé, demeurant volontiers parmi les hommes. Junius rapporte dans son Histoire de Hollande, qu’on a vu une cicogne revenant à son nid qui alloit être consumé par les flammes d’un incendie, qui en étoit tout près, faire de grands efforts pour retirer ses petits du danger où ils étoient, & ne l’ayant pû faire à cause qu’ils n’avoient point de plumes, s’étendre dans son nid, & le laisser brûler en les couvrant de ses aîles. On trouve dans le troisième Livre de Vossius, de Idol. c. 82, 84, 85, 93, 96, 97, à peu près tout ce que l’antiquité a dit des cicognes.

Une cicogne qui nourrit son pere & sa mere vieux, avec ce mot, dulci pro munere vitæ, est une devise de Lucarini, pour exprimer la reconnoissance. Et avec ce mot, Par pari ferunt, elle est de Scipion Bargagli. On donna pour devise à Ranution I, Duc de Parme, une cicogne qui tue des serpens, avec ce mot Servat & prostigat ; & à Philippe III, Roi d’Espagne, Donec conficiam ; pour marquer sa piété & son zèle à exterminer les Mores d’Espagne. Celle-ci est d’Emmanuel Thesauro.

Sur les médailles, la cicogne qui nourrit le pere & la mere durant leur vieillesse est le symbole de la Piété ; elle se met ordinairement à côté de cette Déesse, ou des enfans qui ont singulièrement honoré leurs parens. J. Jobert.

On appelle proverbialement des contes à la cicogne, des contes faits à plaisir, des contes de vieilles, dont on amuse les petits enfans. Fabulæ.

Cicogne est aussi une certaine machine à tirer de l’eau. Tolleno. Tachard.