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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CIERGE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 588-590).
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CIERGE. s. m. Bougie ou chandelle de cire plus ou moins longue, qu’on pose sur des chandeliers, & qu’on brûle dans les cérémonies de l’Eglise. Morceau de cire étendu en long, & en forme de cône autour d’une mêche de coton, & percé par sa base pour pouvoir entrer dans le bout d’un chandelier. En Italie les cierges sont d’une même grosseur dans toute leur longueur ; en France ils se terminent en pointe forte alongée par en haut. Ils marchoient deux à deux un cierge en main. À la Chandeleur on porte des cierges à la Procession. Le Cierge béni, est celui qu’on brûle auprès des agonisans.

Les Payens se servoient de flambeaux dans les jours de cérémonies, comme dans les sacrifices, & dans les mystères de Cérès. On en mettoit aussi devant les statues des Dieux. Il y avoit aussi des illuminations à la porte des maisons où l’on célébroit quelque fête. Quelques-uns soûtiennent que les Chrétiens ont imité cette cérémonie payenne. D’autres prétendent qu’ils ont appris des Juifs à tenir des cierges allumés dans les Eglises. Apparemment comme dans les commencemens du Christianisme l’on s’assembloit dans des voûtes souterraines, il falloit nécessairement se servir de cierges & de flambeaux. On en eut même besoin depuis que l’on eut la liberté de bâtir des Eglises. Elles étoient construites d’une manière qu’elles recevoient peu de jour, afin d’inspirer plus de respect par l’obscurité. Ensuite l’on conserva cette coutume, qui ne contribue pas peu à rendre plus augustes les cérémonies des sacres mystères ; cette origine de l’usage des cierges est plus naturelle & plus vraie ; mais il y a long temps que les cierges, que la nécessité avoit introduits, sont devenus un ornement, & une chose de cérémonie. Saint Paulin, qui vivoit au commencement du cinquieme siècle, dit que les Chrétiens faisoient peindre les cierges. Le quatrieme Concile de Carthage, tenu vers la fin du quatrieme siècle, ordonne que quand on donnera l’ordre d’Acolyte à quelqu’un, l’Archidiacre lui mette entre les mains un chandelier avec un cierge. Saint Jérôme, contre Vigilance, C. 3, marque que l’usage étoit dès lors d’allumer des cierges dans l’Eglise, mais qu’on ne le faisoit cependant point le jour. Que si quelques séculiers, ajoute-t’il, ou quelques femmes le font par ignorance, ou par ignorance, ou par simplicité, quel mal y a-t’il ? Godeau remarque dans son Histoire Ecclés. L. III, C. 19. p. 282, que les Fidèles enterrant le corps de S. Cyprien martyrisé au milieu du troisieme siècle, allumèrent des cierges, quoiqu’ils lui rendissent les derniers devoirs en public. Voyez sur les cierges, & leur usage, Vossius, de Idolol. L. IV, C. 92.

Cet mot, cierge, vient de cerium, pour cereum. Ménage. Et Cereum, ou Cerium, vient de cera, cire.

On dit proverbialement, qu’un homme est droit comme un cierge, quand il se tient debout avec quelque affectation & quelque contrainte. On le dit aussi de toutes les autres choses qui sont droites, & posées perpendiculairement. Cette plante pousse ses jets, droit comme un cierge.

Cierge paschal. C’est un cierge qu’on porte le Samedi-Saint pour faire l’eau bénite, qui est béni par le Diacre, & allumé avec le feu nouveau. Cereus paschalis. Le Pontifical dit que c’est le Pape Zozime qui est l’Auteur de cette cérémonie ; mais Baronius remarque que l’usage en est plus ancien, comme il paroit par un hymne de Prudence. Ainsi il croit seulement que ce Pape en établit l’usage dans les Paroisses ; jusques là on n’en avoit usé que dans les grandes Eglises. Le P. Papebroch nous en a expliqué plus distinctement l’origine dans le Conatus Chronico-historicus, qui est dans le Propilæum ad Acta Sanct. Maii, p. 9, & dans les Paralypomena ad Conatum, qui sont à la fin du septieme tome des Saints du mois de Mai, p. 19, & voici ce qu’il en dit.

Quand le Concile de Nicée eut réglé le jour que l’on célébreroit la Pâque, il chargea le Patriarche d’Alexandrie d’en faire faire tous les ans le canon, & de l’envoyer au Pape. Toutes les autres fêtes mobiles se régloient sur celle de Pâques ; & l’on en faisoit chaque année un catalogue, que l’on écrivoit sur un cierge, cereus, que l’on bénissoit solemnellement dans l’Eglise. Ce cierge, selon M. l’Abbé Chastelain, n’étoit point une chandelle de cire faite pour brûler, il n’avoir point de mêche ; c’étoit seulement une colonne de cire faite pour écrire cette liste des fêtes mobiles, & qui suffisoit pour cela durant un an ; car dans l’Antiquité, quand on vouloit que quelque chose durâte toujours, on la gravoit sur le marbre, ou sur l’airain ; quand on vouloit qu’elle durât long temps, on l’écrivoir sur le papier d’Egypte, ou sur de l’écorce d’arbre ; mais quand on vouloit qu’elle durât seulement quelque temps, on se contentoit de l’écrire sur de la cire. Dans la suite on écrivit les fêtes mobiles sur du papier, ou sur un tableau ; mais on ne laissa pas d’attacher toujours l’un ou l’autre au cierge paschal ; ce qui se pratique encore à Notre-Dame de Roue, & dans tout l’ordre de Cluni, comme le P. Papebroch dit l’avoir appris de M. l’Abbé Chastelain. Telle est l’origine de la bénédiction du cierge paschal ; cérémonie qui ne commença pas néanmoins si-tôt à Rome, comme il paroît par l’Ordo Romanus, dans l’Office du Samedi-Saint, où il est dit que cette bénédiction se fait seulement in forensibus civitatibus, mais non pas dans Rome.

Deux choses prouvent l’antiquité de cette cérémonie. 1°. C’est que la formule d’invitation qui la précède, est la même qui se voit dans le Bréviaire Ambroisien, & qu’il semble, par deux Missels très-anciens, que S. Augustin la porta de Milan en Afrique. 2°. C’est que l’Auteur du Traité du cierge paschal, qui se trouve parmi les Ouvrages de S. Jérôme, étoit contemporain de ce Pere & de S. Augustin ; ou même plus ancien, puisqu’il écrivoit l’année que Gratien fut trahi par son armée, mis dans les fers, & enfin tué ; c’est-à-dire l’an 383 de J. C. Ces preuves sont bien plus solides que celles que l’on prétend tirer de l’hymne de Prudence, dont le titre étoit, Ad incensum lucernæ, qui signifie, Pour allumer la lampe, & que l’on a changé dans la suite, mal-à-propos en celui-ci, Ad incensum cerei paschalis, c’est-à-dire, Pour allumer le cierge paschal ; car il n’y a pas un mot dans cet hymne qui concerne le cierge paschal.

Au reste le P. Papebroch croit que ce que M. l’Abbé Chastelain pensoit de cette colonne de cire, peut s’être observé à Rome ; mais il juge avec raison qu’ayant été instituée pour être une figure de J. C. ressuscité, & apparoissant à ses disciples, & afin que pour représenter ce mystère, elle brûlât pendant les Saints mystères, jusqu’au jour de l’Ascension qu’on l’éteint ; cela suppose qu’elle avoit une mèche, & que c’étoit véritablement un cierge. Saint Ennode, Evêque de Pavie, au commencement du sixieme siecle, nous a laissé parmi ses œuvres deux bénédictions du cierge paschal. La forme de cette bénédiction n’étoit pas la même par tout ; la plus généralement reçue étoit celle que nous avons retenue, & qui commence par Exultet jam Angelica turba. Elle est ancienne ; mais on ne voit pas sur quel fondement on l’attribue à Saint Augustin, ou à S. Léon. C’étoient les Diacres qui faisoient cette bénédiction, même en présence de l’Evêque ou du Prêtre Officiant. Voyez Baillet, T. IV, p. 274.

Cierges d’eau se dit en hydraulique, dans la décoration des jardins, de plusieurs jets d’eau, menus & perpendiculaires, fournis sur la même ligne, par le même tuyau dans des maisons de plaisance, & dans des bassins de fontaine, ou dans des cascades. Expressa salientibus in aquis cereorum forma, ac dispositio, aqua saliens cereum imitans, referens. On les nomme grilles d’eau, quand ils sont près les uns des autres, cancelli.

Cierge se dit encore d’une espèce de gros chardon que les Caraïbes appellent akoulerou. Il croît comme un gros buisson touffu garni de toutes parts d’épines fort pointues & déliées. Il pousse en son milieu neuf ou dix tiges, sans branches ni feuilles, qui sont hautes de neuf à dix piés, & cannelées comme de gros cierges. Ces tiges sont aussi munies d’épines piquantes comme de fines aiguilles, qui étant extrêmement perçantes, ne permettent point qu’on puisse toucher cette plante de quelque côte que ce soit. Le dedans, ainsi que l’écorce, est assez mollasse & spongieux. Chaque cierge porte en une saison de l’année des fleurs jaunes, ou violettes, entre les tiges cannelées de sa tige. À ces fleurs succède un fruit en forme de grosse figue. Il est assez délicat & bon à manger. Les oiseaux en sont fort friands ; mais ils ne peuvent le béqueter qu’en volant, à cause que les aiguillons qui le conservent de toutes parts, ne leur permettent pas de s’arrêter, ni sur le buisson, ni sur les tiges. Les Indiens ont l’adresse d’en détacher le fruit avec de petites perches fendues par le bout. Le lendemain, nous fîmes encore six lieues entre des collines chargées de ces arbrisseaux, que les Espagnols nomment organum, & que les Françoise appellent cierges épineux. On diroit, à les voir de loin, que ce sont une infinité de flambeaux de cire verte. Let. cur. et édif. T. XI.

On cultive, depuis quelques années, au jardin Royal des plantes à Paris, une espèce de cierge épineux qu’on nomme cierge du Pérou, Cerus Peruvianus. Il est haut de plus de 23. piés, & a demi-pié de diamètre ; il est droit, & a cinq à six pans ou côtés qui sont garnis à leur marge, & par intervalles, de quelques toupets d’épines fort affilées, & longues d’environ un pouce. Les fleurs qu’il a données sont sorties au dessus de ses toupets, & étoient longues de près d’un demi-pié, composées d’un calice fait en forme d’entonnoir vert, écailleux, creux, pour laisser passer le style qui surmonte l’embryon qui est vert, & sur lequel toute la fleur pose ; ce calice soûtient deux rangs de pétales blanchâtres, & un peu lavés de pourpre, & qui sont étroitement unis avec ce calice par leur base ; ses étamines étoient en grand nombre. Cette fleur passe fort vîte, & étant épanouie, elle a plus de cinq pouces de diamètre. Du Tertre parle des cierges épineux des Iles d’Amérique. Le P. Plumier a rangé sous les Melocactus plusieurs espèces de cierges qui s’y trouvent. Ces plantes sont pleines de suc, & servent aux animaux pour désaltérer leur soif.

CIERGE, en conchiliologie. Nom d’un coquillage de mer, qu’on appelle autrement Onyx. Cereus, concha, Onyx. Le cierge ou onyx est une espèce bien rare. Gersaint. Un grand cierge ou onyx des plus blancs. Cette coquille est difficile à trouver. Id.