Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CLAMEUR

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 622-623).
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☞ CLAMEUR. s. f. Du Latin clamor, oris, clamare, crier, κλαζῶ (klazô) clamo. Ce mot signifie un grand cri. Clameur publique, clameur universelle. Cela excita la clameur publique, de grandes clameurs, les clameurs de la populace. Il se soucioit peu des murmures impuissans & des vaines clameurs d’une populace désarmée. S. Evr.

Clameur, en termes de Jurisprudence, a différentes significations.

C’est quelquefois demande, quelquefois saisie, exécution, contrainte.

Clameur de haro, est une complainte ou réclamation par laquelle on implore le secours de la Justice, contre la force & l’oppression d’autrui. Appellatio ad Principem ad opem il lite ferendam. Du Moulin l’appelle Quiritatio Normannorum. Elle est expliquée par le titre second de la Coutume de Normandie. Le haro a la même force que l’interdit Retinendæ possessionis : celui sur lequel on a crié le haro, est obligé de cesser l’entreprise ; alors le demandeur mene le défendeur devant le Juge, particulièrement en matiere possessoire & provisoire ; & là ils donnent respectivement caution, l’un de poursuivre le haro, & l’autre de le défendre : & cependant la chose est sequestrée en main tierce, & le Juge ne peut vider la clameur de haro sans amende. Cette clameur de haro est en usage en Normandie depuis la conquête de Raoul, que l’on prononçoit Roul & Rou, ou comme écrit Du Moulin dans son Histoire de Normandie, Rhou, de sorte que haro s’est formé de Hal-Rhou, qui étoit le cri par lequel on réclamoit ce Prince. Voyez Du Moulin cité Liv. I, c. 9. Il semble qu’on a dit autrefois Clameur de harou, au lieu de haro ; car le même Historien rapporte, Liv. VII, c. 20. n. XXII, qu’aux funérailles de Guillaume le Conquérant, un nommé Ascelin, fils d’Artur, Maréchal, d’autres disent, soldat, se leva, & à haute voix fit cette plainte contre le Roi défunt. Cette place en laquelle vous voulez maintenant donner sépulture à ce corps, a jadis été celle de la maison de mon pere, laquelle ce Prince pour lequel vous priez, lui ôta par force… C’est pourquoi je querelle & reclame publiquement cette terre, & vous défends à peine de clameur de Harou d’enterrer le corps de cet usurpateur dans mon héritage. L’amour que ce Raoul avoit pour la justice, faisoit reclamer son nom par ceux qui se sentoient opprimés par la violence. Mais tout ceci n’est pas sans difficulté. Voyez Haro. Dans les Lettres de Chancellerie on met, Nonobstant clameur de haro, Chartre Normande, & autres Lettres à ce contraires.

Clameur au ciel. Plainte autrefois contre les usurpateurs du bien d’autrui. Clamor, querela, provocation ad Deum ; expostulatio ad Deum, cœlestis auxilii, ou vindictæ inclamatio. Quelquefois ceux qui usurpoient le bien des particuliers étoient des Seigneurs si puissans, qu’il étoit inutile d’user contre eux des voies ordinaires de la Justice. Alors on se contentoit de les citer devant Dieu, avec des cérémonies qui ne manquoient guère de leur donner de la terreur, & de les engager à la restitution. Ce fut ainsi que Thomas de S. Jean, ayant usurpé quelques terres du Mont S. Michel, les Moines firent une Litanie contre lui, & la chantèrent publiquement pendant la Messe, jusqu’à ce que l’usurpateur, effrayé, vint se jeter à leurs piés, pour leur demander miséricorde. Lobineau, T. I, p. 202. C’est là ce qu’il appelle Clameur au ciel.

Clameur est aussi un vieux mot très-fréquent dans la Coutume de Normandie, & dans les loix d’Angleterre. La clameur féodale, & la clameur lignagère, sont la même chose que le retrait lignager. Denuntiatio prærogativæ ad retinendum prædium gentilitium. L’une & l’autre clameur peut être intentée par le Seigneur, ou par le plus proche parent, dans l’an & jour du contrat de vente. On appelle aussi clameur révocatoire, l’action qui naît de la Loi 2. G. de res. vend. pour la résolution d’un contrat pour lésion d’autre moitié de juste prix. Voyez Retrait.