Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COCU

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 661).
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COCU. s. m. Terme injurieux & un peu libre, qui se dit de celui dont la femme est infidelle, & viole la foi conjugale. Les jaloux sont plus souvent cocus que les autres. Le jaloux souffre plus que le cocu. Mont.

Être cocu en herbe, c’est-à-dire, être un petit commencement de cocu, être taillé pour être un maître cocu. Richelet. Jean Névizan, Auteur italien du commencement du seizième siècle, a parlé des cocus en herbe (cornuti in herbis) dans la Foret Nuptiale. Ce qui fait conjecturer qu’il y a long temps que cette expression est en usage, même en d’autres pays qu’en France. Charron, en sa Sagesse (ô le beau livre ! il vaut mieux que des perles & des diamans) a dit quelque part ; qu’un avare est plus malheureux qu’un pauvre, & un jaloux qu’un cocu. Il me semble que ce grand homme a dit vrai-là, aussi-bien qu’ailleurs. Gui Patin. Lucullus, César, Pompeius, Antonius, Caton, & d’autres braves hommes furent cocus, & le furent, sans en exciter tumulte. Il n’y aut en ce temps-là qu’un sot de Lepidus (pere du Triumvir) qui en mourut d’angoisse. Montagne. Il mourut, dit Plutarque, de maladie qui lui vint, non tant du regret de la ruine de ses affaires, comme de la douleur qu’il reçut d’une lettre qui tomba entre ses mains, par laquelle il connut que sa femme avoit forfait à son honneur : Vie de Pompée de la version d’Amyot.

Auguste faisoit des cocus ; plutôt par raison d’Etat, que par volupté. Rochefort. Dictionnaire.

Ménage croit que ce mot vient de cuculus, à cause que le coucou va pondre dans le nid des autres oiseaux. Pasquier, en approuvant l’étymologie, ajoûte : nous faisons faute d’appeler cocu, celui dont la femme va en dommage ; il y auroit plus de raison de l’adapter à celui qui agit, qu’à celui qui pâtit. C’est pourquoi les Latins appeloient curruca dans le même sens, celui dont la femme étoit infidelle ; car c’est dans le nid de la fauvette que va pondre le coucou. Ménage. Spelmannus le dérive de cucurbita & cucurbitare, qui signifie débaucher la femme d’autrui. Mais Du Cange dit plus vraisemblablement, que c’est le mot de cous redoublé, qu’on disoit aussi pour cornard : d’où vient qu’on a appelé aussi ces gens-là coupeaux. Car on appeloit anciennement cos, ou cous, les maris malheureux. Cette injure étoit un outrage si sanglant, qu’on pouvoit tuer impunément l’offenseur. Beaumanoir rapporte, que Cil, à qui telle vilainie fut dite, sacca un coutel, & occit cel qui le fait ; & fut délivré par jugement par le bon Roi Philippe & son Conseil.