Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPAGNON

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 738).
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☞ COMPAGNON se dit généralement de celui qui en accompagne un autre, soit en voyage, soit dans un travail, soit dans quelqu’action ou circonstance. Socius, comes.

☞ On appeloit autrefois compagnons d’armes les Chevaliers qui se promettoient réciproquement de se secourir, & de ne se point quitter. Commilito.

☞ COMPAGNON de fortune. Celui qui court les mêmes risques, qui est intéressé dans la même fortune. Les Aventures d’Usysse & de ses compagnons sont racontées dans l’Odyssée d’Homère.

Est-ce Apollon, & Neptune,
Qui sur ces rocs sourcilleux
Ont, compagnons de fortune,
Bâti ces murs orgueilleux ? Boil.

Les Capitaines disent à leurs Soldats, pour les exciter à les suivre en quelqu’expédition, courage, Compagnons.

COMPAGNON est un terme propre au Corps des Chevaux-légers, & à celui des Gendarmes de la Garde. Lorsque les Officiers des Chevaux-légers écrivent à un Chevau-léger, ils mettent, Monsieur, mon compagnon : ce que font aussi les Officiers des Gendarmes. Commilito.

On dit en Médecine, que le lait ne veut point de compagnon, pour dire, que quand on ordonne le lait par médecine à un malade, il ne faut point lui donner d’autre aliment. On dit aussi en Morale, que l’ambition & l’amour ne veulent point de compagnon.

Compagnon d’étude, Condiscipulus ; de débauche, compator ; de jeu, collusor.

☞ COMPAGNONS, en parlant des Religieux. Ceux qui habitent ou qui marchent ensemble. Contubernalis, socius. Un moine dans certains Ordres ne doit point sortir de son Couvent sans que son Supérieur lui donne un compagnon. Quand on nomme un Prieur Régulier à un Bénéfice dépendant d’un Ordre, on lui donne quelquefois un ou plusieurs compagnons pour habiter avec lui.

Compagnon, signifie aussi celui qui est dans une même charge, & sur-tout quand il n’y en a que deux. Dioclétien avoit Maximien pour son compagnon, son associé à l’Empire. Collègue vaut mieux. Collega. On dit des Consuls, Jurats, Présidens en même Chambre, que ce sont des compagnons d’Office. On le dit aussi des Offices de nouvelle création, de même nature. On a donné des compagnons à ces Officiers, on a créé des alternatifs & triennaux.

☞ On dit qu’un homme ne peut souffrir ni compagnon ni maître. On dit de même, traiter de pair à compagnon. Dans ces phrases, compagnon signifie égal.

Compagnon signifie, particulièrement dans les Arts, celui qui a fait son apprentissage en quelque métier, & qui n’ayant pas moyen de se faire passer Maître, va travailler chez les autres, soit à la journée, soit à ses pièces. Operarius, mercenarius, conductitius. C’est un compagnon Tailleur, Maréchal, Charpentier, &c.

On appelle compagnons de rivière, ceux qui travaillent sur les ports à charger, décharger & à serrer les marchandises. On appelle sur Mer compagnons de Marine, les Matelots de l’Equipage. Convictores.

Compagnon est aussi une épithète ou qualité qu’on donne sur tout aux jeunes gens en différentes occasions. Ce soldat est un brave, un hardi compagnon. Ce Financier étoit, il y a dix ans, un pauvre gueux, un fort petit compagnon. Vous avez été autrefois un bon compagnon. Mol. On dit aussi, qu’un homme fait le compagnon, lorsqu’il est glorieux, insolent, qu’il parle ou agit autrement, que ne souffre sa condition. Qui a compagnon, a maître ; c’est-à-dire, que quand on est associé avec quelqu’un, on ne peut rien faire sans son consentement. On dit aussi qu’un homme se bat en duel à dépêche compagnon ; pour dire, à outrance, & à qui aura plutôt tué son homme.

On dit, travailler à dépêche-compagnon ; pour dire, travailler vîte & diligemment, ne chercher qu’à finir, sans se mettre en peine de la perfection de l’ouvrage. Acad. Fr.

Ce mot, à ce que dit Henri Etienne, vient d’un vieux mot gaulois, benna, qui étoit une espèce de charriot dont parle Festus. Ceux qui étoient ensemble dans ce même charriot, s’appeloient, combennons, quasi in eâdem bennâ sedentes, & depuis, par le changement assez ordinaire du b en p, on a dit compennon ; ensuite on a dit compaignons, & à la fin compagnons. Nicod & Ménage, après Pasquier, le dérivent de compain ; comme qui diroit, qui mange de même pain, qui se dit encore en langage Picard. Quelques-uns l’ont dérivé de compagnus. Il y a plus d’apparence qu’il vient de compagnun, vieux mot celtique ou bas-breton, qui signifie la même chose.

Compagnons. Ce mot au pluriel signifie une sorte de fleur qui ressemble à l’œillet, si ce n’est qu’elle est beaucoup plus petite, & que sa tige est beaucoup plus basse. On les appelle compagnons, parce qu’ils viennent par touffe, en sorte que plusieurs ne semblent composer qu’un seul bouquet.