Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/COMPLAINTE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 746).
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COMPLAINTE. s. f. Plainte & doléance d’une personne qui souffre. Querela, querimonia. Dans les Pastorales il y a d’ordinaire des complaintes de Bergers. On entendit cette triste complainte. Ce mot vieillit. Il est demeuré dans le style des Monitoires. Cor. Je ne le rejeterois point si absolument. On ne le dit guère qu’au pluriel. De grandes complaintes.

Complainte, en termes de Palais, en matière prophane, se dit des actions possessoires, qui appartiennent à un propriétaire pour se maintenir en possession de son héritage d’un droit réel quelconque. Vindiciarum petitio, postulatio. On forme une complainte en cas de saisine & de nouvelleté ; ce qui signifie en vieux langage, en cas de trouble de possession, comme quand un autre usurpe un héritage dont on est en possession depuis un an & jour. Alors on forme une complainte possessoire, & il faut juger la réintégrance avant que de plaider au fond. Ce fut M. Simon de Bucy, Président au Parlement de Paris, qui inventa, & mit en usage la complainte en cas de saisine & de nouvelleté. Il faut intenter la complainte dans l’an de la possession du détenteur. On dit matière de complainte, cas de complainte ; former, intenter, exécuter, prendre complainte. Ramener la complainte sur les lieux, se dit, lorsque le Juge ou un Commissaire se transporte sur un héritage contentieux, & entend les parties.

Pour intenter légitimement une demande en complainte, il faut un trouble, une entreprise, un attentat, de la part de celui contre qui cette demande est dirigée. Aubry, Mém. pour le Chap. de Reims.

Complainte, en matière bénéficiale, se dit d’une action qu’on forme pour être maintenu en un Bénéfice après en avoir seulement pris possession, en vertu des provisions du Collateur. Vindiciarum postulatio in beneficio ecclesiastico. On peut intenter Complainte dans l’an du trouble contre celui qui a un titre coloré. ☞ Comme cette action est une action possessoire, il n’y a que les Juges séculiers qui en puissent connoître ; le possessoire étant une affaire de fait qui regarde la puissance séculière,

☞ Mais la connoissance du pétitoire des bénéfices appartient de droit au Juge d’Eglise, à l’exception des affaires de régale dont le Parlement de Paris connoît au pétitoire, privativement à tous autres Juges.

☞ Celui qui a perdu sa cause au possessoire, ne peut plus se pourvoir au pétitoire par devant le Juge d’Eglise ; parce que les Juges laïques ne jugent pas le possessoire sur le fait de possession seulement, mais par le mérite du fonds & des titres des contendans, dont ils examinent la validité, d’où il s’en suit qu’il seroit inutile de les faite examiner de nouveau par les Juges d’Eglise, avec risque de voir réformer quelquefois par eux les arrêts de la Cour ; ce qui seroit absurde. Ferriere.

☞ Les complaintes pour les bénéfices doivent être poursuivies par devant le Juge Royal, qui ressortit nuement au Parlement ; auquel la connoissance en appartient privativement aux juges inférieurs & des Seigneurs Haut-Justiciers, quand même ils seroient fondateurs, collateurs ou présentateurs des bénéfices.

Les complaintes se jugent le maltin, & ne sont pas des procès de Commissaires. La complainte n’a pas lieu contre le Roi, parce que la complainte est une espèce d’accusation contre celui par lequel nous prétendons avoir été injustement troublés ; & cette accusation ne convient point à un sujet à l’égard de son Roi.

Ces mots viennent du verbe latin plangere, dont on a fait complangere.