Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONSTANCE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 839-840).
CONSTANT  ►

CONSTANCE. s. f. qualité, force de l’ame que les circonstances ne font point changer de disposition. Voyez Fermeté.

M. de La Chambre dit que la constance est une passion simple, qu’il définit un mouvement de l’appétit, par lequel l’ame s’affermit, & se roidit pour résister aux maux qui l’attaquent. Constantia, animi firmitas. La constance des Stoïciens les empêchoit d’avouer que la douleur fût un mal. Un coup si capable d’abattre les plus grands courages, n’ébranla point sa constance. P. d’Orl. Il y a plus de constance à user sa chaîne, qu’à la rompre. Mont. Possidonius, que Cicéron appelle le plus grand des Stoïciens, souffrit aussi impatiemment qu’un homme du Vulgaire, & la goutte fut l’écueil de sa constance. S. Evr. Le mépris de la mort dans Pétrone n’étoit point la constance forcée de Sénèque, qui a besoin de s’animer par le souvenir de ses préceptes. S. Evr. La constance de ces illustres Payens qui sembloient mépriser la mort, venoit non d’une force vertueuse, mais d’un stratagême de l’amour propre, qui occupoit leur esprit de toute autre chose.

Redoublez vos efforts ; le temps, votre constance
De vos profonds ennuis vaincront la violence.

Les anciens avoient fait de la constance une Divinité qu’ils représentoient sur leurs médailles sous la figure d’une femme en habit militaire, le casque en tête, une pique à la main gauche, & portant la droite jusqu’à la hauteur du visage, en élevant un doigt, ou bien elle tient la pique de la main droite, & une corne d’abondance de la gauche.

Constance signifie, persévérance dans le bien, dans quelque attachement, dans l’exécution d’un dessein ou d’une résolution. Ce n’est pas assez que d’entreprendre de grands desseins, il les faut poursuivre avec constance ; & ne se point rebuter par les premiers revers. Cette femme n’a pas accoutumé de lasser la constance de ses Amans, ni de les faire mourir de désespoir. Balz. L’attachement à la Religion qui prend le nom honorable de constance pour la bonne cause dans un parti, s’appelle opiniâtreté dans le mauvais parti. Vous avez éprouvé ma constance par vos rigueurs, & vous m’avez fait faire mes preuves de fidélité. B. Rab.

La constance, & la foi, ne sont que de vains noms
Dont les laides, & les barbons,
Tâchent d’embarrasser la jeunesse crédule. Des-Houl.

La constance est une chimère
Qui ne fait qu’amortir les plus ardens désirs. Vill.

☞ La constance, dit M, l’Abbé Girard, empêche de changer, & fournir au cœur des ressources contre le dégoût & l’ennui d’un même objet : elle tient de la persévérance & fait briller l’attachement.

☞ La stabilité empêche de varier, & soûtient le cœur contre les mouvemens de légèreté & de curiosité, que la diversité des objets pourroit y produire : elle tient de la préférence & justifie le choix.

☞ La fermeté empêche de céder, & donne au Cœur des forces contre les attaques qu’on lui porte : elle tient de la résistance, & répand un éclat de victoire.

☞ Les petits maîtres se piquent aujourd’hui d’être volages, bien loin de se piquer de stabilité dans leurs engagemens. Si ceux des femmes ne durent pas éternellement, c’est moins par défaut de constance pour ce qu’elles aiment, que par défaut de fermeté contre ceux qui veulent s’en faire aimer.

Constance est aussi un nom propre de femme, que plusieurs Princesses ont porté, non-seulement de la famille de Constantin, mais en France & en Espagne. Constantia. On retient aussi souvent le mot latin Constantia. L’Impératice Constantia étoit femme de Licinius, & sœur de Constantin, fille de Constantius Chlorus. La bonne Reine Constance pensoit être bien obligée au Roi Robert son mari, de ce qu’il avoit fait mention d’elle en l’hymne qui commence, O Constantia Martyrum ! Mascurat.

Constance, ville du Cercle de Suabe en Allemagne. Constantia. Quelques Géographes prétendent que Constance est l’ancienne Gannodurum, que d’autres placent à Zurzachou, à Lausenbourg. Constance est une ville grande & riche, sur le Rhin : elle porte les titres de ville Impériale & de ville libre. Il y a à Constance un Evêché suffragant de Mayence. Il y a été transféré de Windisch ou Windinissa, ruiné en 594 par Childebert II, Roi de France. De tous les Conciles de Constance, le plus célèbre est celui qui fut assemblé en 1414 & dura jusqu’en 1418. On l’imprima à Francfort l’an 1700 en six petits volumes in-folio, avec l’Histoire, & d’autres pièces qui le concernent. L’Evêché de Constance, Constantiensis Episcopatus, est un des États du Cercle de Suabe, aux environs des lacs de Constance & de Zell, & aux confins de la Suisse. L’Evêque de Constance, Prince de l’Empire, Souverain dans son Evêché, ne l’est plus de la ville de Constance, & réside dans le fauxbourg, nommé Peterlingen ou Petershaufen, de l’autre côté du Rhin. Voyez Imhoff Not. Imp. L. III, c. 9. Le lac de Constance, qu’on nomme aussi, mais rarement en France, Bodenzée, s’étend du sudest au nordouest, entre la Suabe & la Suisse.