Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CONVERSATION

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(2p. 884).
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☞ CONVERSATION. s. f. discours mutuels entre deux ou plusieurs personnes sur les objets qui se présentent. L’entretien roule sur un objet déterminé, & se dit ordinairement de supérieur à inférieur. Sermonis communicatio, colloquium, conversatio. Voyez Entretien. La conversation est le lien de la société, c’est par elle que s’entretient le commerce de la vie civile, que les esprits se communiquent leurs pensées, & que les cœurs expriment leurs mouvemens. S. Evr. La communication de pensées & de sentimens, qui se fait par le commerce de la conversation, est le plaisir le plus doux de la vie raisonnable. Val. Comme les livres ne parlent pas d’ordinaire comme on parle en conversation, il ne faut pas aussi parler en conversation comme les livres. M. Scud. C’est dans la conversation que naissent d’ordinaire les termes nouveaux : ils y demeurent Jusqu’à ce qu’un long usage leur fasse perdre entièrement le caractère de la nouveauté. Bouh. Il faut user avec beaucoup de réserve, dans la conversation même, des termes qui ne font que de naître ; les mots & les phrases d’une langue étant à peu près comme les fruits, qui ne valent rien ni trop mûrs, ni trop verds. Id. La conversation a du rapport au gouvernement populaire, où chacun a droit de suffrage, & jouit de la liberté. Balz. La conversation toute seule peut donner l’agrément du langage. M. Scud. L’agrément de son esprit le rendoit maître de la conversation dans tous les lieux où il étoit. P. de Cl. L’art de la conversation consiste moins à y montrer de l’esprit, qu’à en faire trouver aux autres. La Bruy. La conversation est un commerce où chacun doit contribuer du sien pour le rendre agréable. Bell. Il y a des malices ingénieuses qui rendent la conversation plus piquante & plus enjouée. S. Evr. Dans la conversation ordinaire, comme il ne faut rien dire avec étude, il ne faut aussi rien dire par hasard. S. Evr. Il faut que la conversation soit un peu flatteuse avec les femmes, & qu’il y ait je ne sai quoi de retenu. Ch. de Mer. L’étude augmente les talens de la nature ; mais c’est la conversation qui les met en œuvre, & qui les polit. S. Evr. ☞ Le ton de la bonne conversation est coulant & naturel, il n’est ni pesant, ni frivole, il est sans pédanterie, gai sans tumulte, poli sans affectation, galant sans fadeur, badin sans équivoque. Ce ne sont ni des dissertations, ni des épigrammes ; on y raisonne sans argumenter ; on y plaisante sans jeux de mots ; on y associe avec art l’esprit & la raison, les maximes & les saillies, l’ingénieuse raillerie & la morale austère. On y parle de tout, pour que chacun ait quelque chose à dire ; on n’approfondit point les questions, de peur d’ennuyer ; on les propose comme en partant, on les traite avec rapidité, la précision mène à l’élégance ; chacun dit son avis, l’appuie en peu de mots, & n’attaque point avec chaleur celui d’autrui ; nul ne défend opiniâtrement le sien ; on dispute pour s’éclairer, on s’arrête avant la dispute, chacun s’instruit, chacun s’amuse, tous s’en vont contens ; & le sage même peut rapporter de ces entretiens des sujets dignes d’être médités en silence. R. Est-ce là votre ton ? Voyez Caquet.