Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CUIRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 53).
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CUIRE. v. a. Je cuis, tu cuis, il cuit, nous cuisons, je cuisis, j’ai cuit, je cuirai ; que je cuise, que je cuidisse, je cuirois. Donner aux alimens une préparation convenable par le moyen de la chaleur, pour les rendre plus faciles à digérer. Coquere, concoquere. On le dit tant de ce qui se cuit dans le pot avec de l’eau, que de ce qu’on rôtit à la broche, dans le four, sous la cendre, ou d’autre manière ; & tant des choses solides, comme le pain, les viandes, les fruits, que des liqueurs, comme le vin, les syrops, &c.

Cuire, se dit aussi dans la signification de faire cuire. On cuisoit du pain dans tous les environs pour l’armée.

On le dit quelquefois absolument pour cuire du pain. Cuire au four bannal. Les Boulangers ne cuisent point demain. Tel Boulanger cuit deux fois, trois fois par jour.

Cuire, signifie aussi Digérer ; & se dit de cette seconde préparation des alimens qui se fait dans l’estomac pour les rendre propres à être convertis en notre substance. Il y a des alimens que l’estomac a peine à cuire.

On le dit à peu-près dans le même sens de l’action de la chaleur naturelle sur les humeurs. Telle chose est bonne pour cuire les humeurs, il faut que la chaleur naturelle cuise les humeurs, cuise le rhume. On le dit encore de l’action du Soleil sur les fruits ; le soleil cuit les fruits, la chaleur du soleil n’est pas assez grande chez nous pour bien cuire les melons. Voyez Suc, fruit, maturité.

Cuire, dans différens arts & métiers, se dit en général de la préparation qu’on donne par le moyen du feu ou de la chaleur à certaines choses pour les rendre propres à l’usage auquel on les destine, soit en leur donnant plus de consistance, soit en faisant sortir tout-à-fait l’humidité. Ainsi on dit cuire du fil, de la soie, de la colle ; cuire de la chaux, du plâtre. En Orient les briques se cuisent au soleil, en France dans des fourneaux.

Cuire, Terme de Doreur, c’est mettre une pièce rougir sur le feu pour la rendre plus maniable & plus douce. Encyc.

Cuire des cheveux, terme de Perruquier. C’est mettre des cheveux au four, roulés autour des moules ou bilboquets, & enfermés dans de la pâte, pour leur faire prendre la frisure.

Cuire, se dit aussi au neutre. Le souper cuit, cela doit cuire dans son jus. On dit que des légumes, des pois, des fèves &c. cuisent bien, ou ne cuisent pas bien, pour dire qu’ils sont faciles, ou difficiles à cuire.

Cuire se dit hyperboliquement d’une chaleur ou douleur excessive qu’on souffre. Uri. Le soleil est si ardent en cette saison, qu’on cuit dans cette campagne. Ceux qui souffrent une grande migraine, disent que la tête leur cuit.

Cuire, se dit aussi en passant des plaies, des excoriations, fluxions, inflammations, &c. pour causer une douleur semblable à celle que cause le feu qui touche quelque partie. Urere, dolorem afferre, creare. Une plaie qui est exposée à l’air cuit davantage, que quand elle est bandée. Quand le pus se forme dans une plaie, cela cuit beaucoup. Les yeux cuisent quand ils sont rouges & enflammés. Dans ces cas il est aussi neutre.

Cuire, se dit figurément dans le style simple & enjoué, des mauvaises suites des affaires, qui causent de la douleur & du repentir. Dolore. Il a dit une parole, il a fait une société ; il lui en cuira long-temps. Oh ! qu’il vous en cuira. Bens.

On appelle un boute-tout-cuire, un homme qui mange, qui dissipe tout. Expression populaire.

On dit proverbialement & par menace, Vous viendrez cuire à notre four : pour dire, vous aurez quelque jour affaire de moi.

Cuit, ite. part. Il a toutes les significations de son verbe. Coctus. Du pain cuit. De la viande cuite. On dit, en parlant des choses bouillies, qu’elles sont pourries de cuire, pour dire, excessivement cuites. Du vin cuit. De la crème cuite. Son rhume n’est pas encore cuit. Les humeurs ne sont pas cuites.

On dit proverbialement, Il est trop cuit, ou assez cuit, pour manger cru, quand on a une telle impatience de manger, qu’on ne veut pas donner le loisir à la viande de cuire. On dit qu’un homme est cuit, qu’il est fricassé, pour dire, que sa fortune est ruinée, que son crédit, que sa réputation sont perdus. On dit, qu’il n’a pas la tête bien cuite, pour dire, qu’il est un peu extravagant ; qu’il n’est pas assez mûr. On dit, qu’un homme a du pain cuit, pour dire, qu’il a beaucoup de bien, qu’il se peut passer de travailler. On dit aussi qu’un homme a du pain cuit, pour dire, qu’il a une bonne provision de ce qui lui est nécessaire. Ce prédicateur a deux ou trois Carêmes, il a du pain cuit. Acad. Fr.

On dit encore, Trop gratter cuit, trop parler nuit ; pour dire, qu’il faut s’abstenir de se gratter, & de parler. On dit d’une place mal fortifiée, qu’on la prendroit avec des pommes cuites ; & aussi de celui qu’on menace de battre, Je lui rendrai le visage plat comme une pomme cuite. On dit aussi Liberté & pain cuit ; pour dire, que les deux plus grands biens sont d’être libre, & d’avoir ce qui est nécessaire pour la vie. On dit populairement & bassement : Je fais où il m’en cuit : c’est-à-dire, je fais ce qui me grêve, ce qui me fait peine. Il a cuit & moulu, pour dire, qu’on ne veut plus entendre parler de quelqu’un, dont on a lieu d’être mécontent.