Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CURÈTES

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 66).
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CURÈTES. s. m. pl. Peuple de l’Île de Crète, qu’on appeloit autrement Corybantes. Ils étoient, disent quelques Auteurs, originaires du mont Ida en Phrygie, & on les nommoit encore pour cela Idæi Dactyli. Pour le nom de Curètes, on le leur dona, dit Strabon, parce qu’ils se coupoient les cheveux par devant, afin de ne point donner de prise à leurs ennemis, car ce nom en Grec, Κουρῆτες, & vient de Κουρά, qui signifie l’action de couper les cheveux, de κείρω, tondeo. D’autres disent que ce nom leur fut donné de Κουροτροφία, qui signifie nourriture d’un enfant, parce qu’ils furent les nourriciers de Jupiter, selon la fable. Ovide dit qu’ils naquirent d’une grande pluie. Lucien & Diodore de Sicile sont les seuls qui disent qu’ils avoient l’art de lancer des flêches ; tous les autres ne leur donnent pour armes, que des boucliers & des piques. Tous leur donnent aussi des tambours de basque, & rapportent qu’ils avoient coutume de danser au bruit des armes & de leurs tambours. Quelques-uns prétendent qu’ils étoient Etoliens d’origine. On dit encore qu’ils quittèrent l’Île de Crète, & qu’ils allèrent s’établir dans la Grèce au-dessus du fleuve Achéloüs, où, parce qu’ils avoient les cheveux coupés par devant, on les appela Acarnanes.

Autre opinion. Les Curètes, si fameux parmi les Titans, & qui eurent soin de l’éducation de Jupiter, & du corps desquels fut Crès son frere, les Curètes n’étoient autre chose du temps de Saturne, de Jupiter & des autres Titans, que ce qu’ont été dans les siècles suivans les Druides & les Bardes si célèbres parmi les Gaulois. C’étoient les Prêtres & les Sacrificateurs, qui avoient soin de ce qui regardoit la Religion & le culte des Dieux. Et, comme on s’imaginoit alors que l’on communiquoit avec les Dieux par l’art des divinations & des augures, & par les opérations de la Magie, cela étoit cause que tous ces Curètes étoient Magiciens, Devins, & Enchanteurs, comme on l’a fort bien reconnu. Ils joignoient à cela la science des Astres, de la Nature & de la Poësie ; ainsi ils étoient encore Astronomes, Physiciens, Poëtes & Médecins. Voilà quels ont été les Curètes, & après eux les Druides ; avec cette différence, que les Curètes, du temps des Titans, ne manquoient pas d’aller à la guerre : c’est pourquoi ils étoient armés ; ils sautoient même, & dansoient si habilement avec leurs armes, frappant leurs boucliers de leurs javelots, que c’est de ce frappement, si j’ose ainsi parler, qu’ils ont été appelés Curètes ; car curo, en langue Celtique, est la même chose que le κούρω des Grecs, qui en a été formé par la transposition d’une lettre. Pezron. Selon le P. Kirker les Curètes sont dans Orphée ce que sont les Puissances dans Saint Denis, le רוחות, ou Esprits chez les Cabalistes, les Anges chez les Platoniciens, & les Génies chez les Egyptiens.

Vossius distingue trois sortes de Curètes ; ceux d’Étolie, ceux de Phrygie & ceux de Crète, qui étoient originaires de Phrygie, & une espèce de colonie, de ceux-ci, que Rhéa fit venir de Phrygie dans l’île de Crête, lorsqu’elle fut prête d’accoucher de Jupiter. Le nom de ceux d’Étolie vient de κουρά, tonsure, & il leur fut donné parce que, depuis que dans un combat leurs ennemis les prirent par leurs cheveux qu’ils portoient fort longs, ils se les coupèrent. Ceux de Phrygie & de Crète furent appelés Curètes, de κοῦρος, jeune homme, parce qu’ils étoient jeunes, ou parce qu’ils élevèrent Jupiter encore jeune. Vossius, De Idolat. L. II. C. 53. au commencement.