Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/CYGNE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 75).
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CYGNE. s. m. Gros oiseau aquatique, agréable à voir, qui a le cou long & fort droit, & qui est fort blanc, excepté quand il est jeune. Cygnus. Son cou est long, & composé de 28 vertèbres. Ses jambes, ses pieds & son bec sont noirs ; son bec approche de celui de l’oie ; mais il est un peu plus rond, & un peu crochu en bas par le bout, & a sur le sommet une bosse noire proche de la tête. Les deux côtés du dessous de ses yeux sont noirs & éclatans comme de l’ébene. Cet oiseau étend ses ailes à la manière des voiles, afin que le vent le pousse quand il est dans l’eau. Le cygne n’a que l’aigle pour ennemi, mais l’on assure qu’il en est toujours vainqueur. Michel Glica dit qu’il mange des grenouilles pour se garantir d’une maladie qui le tourmente quelquefois. Il s’apparie au printems, & fait plusieurs petits. Il vit d’herbes à la manière des oies, & de quelques grains, & se plaît dans les lacs, dans les étangs fangeux, & dans les lieux écartés & solitaires, plus que dans les rivières. Les cygnes vont en troupe peur l’ordinaire. Willoughby, dans son Ornithologie, parle d’un cygne qu’on dit avoir vécu 300 ans.

Il y a une espèce de cygne qui a le pied droit comme les serres d’un oiseau de proie. Il en prend & arrête sa proie en plongeant. Son pied gauche est comme celui des autres cygnes, & il ne lui sert qu’à nager. Il y en a beaucoup de cette espèce en Amérique. On en tua un en 1654 dans l’étang de l’Abbaye de Sully près de Dammartin. Cette espèce ne se plaît que dans l’eau, & ne peut être apprivoisée.

M. Rédi, Médecin de Florence & Académicien de la Crusca, sur ce qu’Horace appelle les cygnes qui traînent le char de Vénus, Purpurei, observe qu’il y a véritablement une race de cygnes dont personne n’a encore parlé, & qu’il a souvent vue dans les Chasses de M. le Grand-Duc, lesquels ont toutes les plumes de la tête, & du cou & de la poitrine, marquées à l’extrémité d’une pointe jaune comme de l’or, tirant sur le rouge.

On dit que les cygnes ne chantent que quand ils sont prêts de mourir, & qu’alors ils chantent fort mélodieusement. C’est une erreur populaire. Le cygne étoit consacré à Apollon, comme au Dieu de la Musique, par la raison de l’opinion, ou du conte dont ont vient de parler.

Ce mot vient du Grec κύκνος, cygnus : Cygnus, un cygne, est pris du Celtique Cyn, ou cin. Pezron.

On appelle figurément les Poëtes, les cygnes du Parnasse. On appelle chant du cygne, les derniers vers qu’un Poëte a faits peu de tems avant sa mort.

On dit d’un homme fort vieux, qu’il est blanc comme un cygne, quand il a les cheveux blancs, & la barbe blanche.

Un de nos Poëtes a pris ce nom dans le même sens que nous prenons oison, pour dire un homme sans esprit, une bête.

Orcan prête au Génois des oreilles avides ;
Car malgré le bonheur qui le mit sur les rangs,
C’étoit un cygne des plus francs,
Qui fût jamais sorti des Palus Méotides.

Nouv. choix de Vers.

On dit proverbialement, faire un cygne d’un oison, c’est-à-dire, louer quelque chose excessivement.

Un Cygne, avec ce mot cutis nigerrima subter, seroit une bonne devise pour un hypocrite.

CYGNE. Ordre de Chevalerie institué, dit-on, au VIIIe siècle dans les Etats de Clèves. Beatrix, fille unique de Thierry, Duc de Clèves, qui lui avoit laissé ses Etats en mourant, injustement persécutée par ses voisins, qui vouloient la dépouiller de les biens, se retira dans le Château de Nieubourg, où elle fut défendue par un Chevalier nommé Elie, qu’elle épousa. Les armes de ce Chevalier étoient un Cygne peint sur son bouclier. C’est de là que fut pris le nom de l’Ordre dont nous parlons, & qui fut alors institué par Beatrix & par Elie. Favyn, Théat. d’hon. & de Chev. T. I. L. I. p. 1373. Ménénius, Jos dei Michieli, & J. L. Godefroi, dans son Archontol. Cosmica, écrivent que cet Ordre fut institué par Salvius Brabon, qu’ils appellent aussi Charles, Duc de Brabant, & qui, selon eux, donna son nom à cette Province, qu’il gouvernoit 50 ans avant Jesus-Christ, selon la Chronologie du P. Riccioli. Voyez l’Abbé Justiniani, Hist. de tutti gli Ord. milit. C. 7. T. 1 p. 86 & suiv. Cette opinion est fondée sur les Antiquités de Flandre de Vassembourg. Voyez encore Michieli, Thesoro Milit. fol. 62. Caramuel, Théolog. Regul. Cette antiquité de cet Ordre est fabuleuse.

Cygne, ou la poule, est un nom que les Astronomes donnent à l’une des 21 constellations septentrionales. Les étoiles des ailes du cygne, celle de sa queue, & la petite rougeâtre de son bec, font une espèce de grande croix.