Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/D

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 83-84).
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D Substantif masculin & indéclinable, que nous prononçons , tant au pluriel qu’au singulier. Quatrième lettre de l’Alphabet, & la troisième des consonnes. M. l’Abbé de Dangeau appelle le d une lettre palatiale : les autres regardent communément cette lettre comme une lettre de la langue, c’est-à-dire dont la langue est le principal organe, ou à la prononciation de laquelle la langue concourt plus que les autres parties de la bouche ; car, pour prononcer cette lettre, il faut que le bout de la langue frappe contre le palais vers l’endroit où les dents d’en-haut sortent de la gencive.

Le d conserve sa prononciation dans la plupart des mots, lors même qu’il est devant une consonne ou un j & un v consonne, comme dans adjectif, admettre, adverbe, &c. Il faut pourtant excepter quelques mots de cette règle générale, comme advis, advocat, &c. mais aussi l’usage aujourd’hui retranche presque toujours dans l’orthographe le d, lorsqu’il est retranché d’ans la prononciation, & l’on écrit comme on prononce, avis, Avocat, &c.

Le d à la fin des mots ne se prononce pas quand il n’y a point d’autre mot qui suive, comme grand, second, fécond, fond, &c. excepté dans les mots des langues étrangères que la langue Françoise a adoptés sans y rien changer, comme iod, lamed, Galaad, Aod, David, &c. Le d final dans les mots François ne se fait point sentir, si le mot suivant commence par une consonne, comme grand bonheur, second chef, &c. mais, quand le mot qui suit le d final commence par une voyelle, le d se prononce comme un t ; exemple, grand esprit, prononcez grant esprit : il en est de même du d final devant un mot qui commence par une h qui n’est point aspirée, comme grand homme, on prononce grant homme ; quand l’h est aspirée le d se perd dans la prononciation, comme grand héros, prononcez gran héros. Le d final se perd aussi dans quelques monosyllabes devant un mot qui commence par une voyelle, comme dans les exemples suivans, sourd animal, fond inepuisable, on prononce sour & fond ; mais, dans cette phrase, de fond en comble, l’usage change le d en t & on prononce de font en comble ; on prononce aussi froid avec un t, froit épouvantable. Il faut encore remarquer que dans quelques mots, comme grand & fond, lorsqu’on retranche le d dans la prononciation, on allonge la syllabe, ce qui ne se fait pas dans les autres mots, comme second, fécond, sourd.

Dans les noms féminins l’e final se retranche dans la prononciation devant une voyelle, mais le d qui précède cet e conserve sa prononciation, & ne se change point en t. Il arrive alors que le d est prononcé dans le temps même que l’e muet va se perdre dans la voyelle qui suit. Ainsi l’on prononce Grand’ame, second’observation, & non pas Grande ame, seconde observation.

La raison qui fait qu’on change en certaines occasions dans la prononciation le d en t, est qu’en François il faut soutenir beaucoup plus les consonnes finales devant les voyelles qu’ailleurs. Voyez les remarques de Vaugelas, & les observations de M. Ménage sur la langue Françoise, la Grammaire de M. l’Abbé Régnier, & le discours de M. l’Abbé de Dangeau sur les consonnes.

Cette lettre d en Hébreu, en Chaldéen, en Samaritain, en Syriaque, en Grec & en Latin, est la quatrième de l’Alphabet. Dans les cinq premières langues elle a le même nom, énoncée cependant différemment, en Hébreu & en Chaldéet daleth : en Syriaque dolath, en Grec delta. Les Arabes ont trois d dans leur langue, le premier se nomme dal, c’est la huitième des vingt-huit lettres de leur Alphabet. La neuvième, qu’ils nomment dhfal, ne se distingue de la précédente pour la forme que par un point que l’on met dessus, mais quant au son, il est mêlé de celui du z. Le troisième d des Arabes qui tient la dix-septième place de leur Alphabet, se nomme da ; il a le son de notre d, mais la figure du Ta Arabe, dont il ne diffère que par un point que l’on met dessus.

La forme de notre D, est celle du D des Latins, comme il paroît par toutes les médailles & les inscriptions anciennes. Le D des Latins n’est autre chose que le Δ des Grecs arrondi, en le faisant plus vîte, & en deux traits seulement. Le Δ des Grecs est pris du daleth de l’ancien caractère Hébreu, tel qu’il se conserve encore sur les médailles Hébraïques, appelées communément médailles Samaritaines, comme on le peut voir dans la première des Dissertations du P. Soucier, Jésuite, qui est sur les médailles Samaritaines, & sur les premières lettres Hébraïques, p. 13. & p. 242. Seulement les Grecs en ont retranché une petite ligne, & l’ont penché. Il seroit aisé de montrer que le dolath Syriaque, & le dal Arabe viennent aussi de cet ancien Hébreu, comme le ד, daleth du nouvel Hébreu ou de l’Hébreu carré, c’est-à-dire du caractère Chaldéen ou Assyrien.

Quelques-uns néanmoins prétendent que le Δ, delta des Grecs, leur est venu des Egyptiens, qui marquoient cette lettre par trois étoiles mises en triangle ; hiéroglyphe qui chez eux désignoit Dieu, l’Etre Souverain, comme s’ils avoient connu la Trinité des personnes en Dieu, & qu’il l’eussent ainsi exprimée. Tout cela est sans apparence ; mais c’est le réfuter mal, que de dire que l’ancien Δ, delta Grec, étoit rond, & non pas en triangle : car comme on l’a dit ci-dessus, c’est le triangle du daleth de l’ancien caractère Hébreu. Les médailles, tous les plus anciens monumens, & en particulier les suscriptions tirées d’Athenes par les soins du Marquis de Nointel, Ambassadeur de France à la Porte, ont le Δ en triangle. Il est vrai que sur deux colonnes qui sont au Palais Farnese il est arrondi ; mais ces colonnes sont fort postérieures, faites à Rome & pour l’Italie, mises dans le chemin d’Appius, tout près de Rome. Ainsi il n’est par extraordinaire qu’il y ait un D Romain pour un Δ Grec, comme il y a beaucoup d’autres choses peu conformes à l’usage Grec. Vossius croit que ces colonnes n’ont été faites que sous Antonin Pie, ou Marc Aurèle, & le P. Montfaucon, tout au plus sous Trajan.

Le D & le T se changent souvent l’un en l’autre ; ce qu’il importe de remarquer pour les étymologies. Les Bretons les confondent aussi dans la prononciation, & n’y mettent presque point de différence.

☞ Le D est la foible du T, & le T est la forte du D ; ce qui fait que ces lettres se trouvent souvent l’une pour l’autre.

Le D mis seul en notre langue signifie Dom. Le Roi D. Pedre ; c’est-à-dire, le Roi Dom Pedre ; mis après un N, il veut dire Dame N. D. Notre-Dame ; c’est-à-dire la Sainte Vierge.

☞ Cette lettre avoir différentes significations dans les inscriptions. D. M. se prenoit pour Diis Manibus. D. pour Divus. D. N. pour Dominus Noster, en parlant des Empereurs Romains.

D, est aussi un caractère de chiffre Romain, qui signifie cinq cens : ce qui vient de ce que le D est la moitié d’une M en caractère Gothique, qui a signifié mille : sur quoi on a fait ce Vers.

Littera D velut A quingentos significabit.

Si on met au-dessus du D une barre, elle signifie cinq mille.

Le D majuscule dans les basses continues marque le dessus ou le bas-dessus. C’est un caractère de Musique en cette occasion.

D. C’est la quatrième lettre des sept Dominicales.

D. C’est par ce caractere qu’on distingue la monnoie de Lyon.

D, dans l’Alphabet Chimique, dénote le vitriol.