Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉCRET
☞ DÉCRET. s. m. Ce mot dans sa signification la plus étendue signifie la même chose que jugement, ordonnance d’une puissance supérieure pour en régler une inférieure. Decretum. Les causes secondes ne font qu’exécuter les décrets de la Providence éternelle. Le commerce éternel entre l’ame & le corps n’a point d’autre lien que l’efficace des décrets divins. Maleb. Les décrets des Conciles sont les loix qui réglent la doctrine & la police de l’Eglise.
Le mot de décret s’est dit d’abord chez les Jurisconsultes, de tout ce qui avoit été ordonne par le Prince en connoissance de cause ; mais depuis, ce nom a été seulement donné aux réglemens & ordonnances des Papes, comme on a donné le nom de Canons à ce qui a été ordonné par les Conciles.
En ce sens en appelle Décret, la première partie du Droit Canon. Gratien, qui a vécu tous le Pape Eugène III. en 1155. a fait une compilation des Canons des Conciles, des Avis & Sentences des Pères de l’Eglise, & de plusieurs Rescrits des Papes, qui sont les loix suivant lesquelles l’Eglise est gouvernée. Cette collection est intitulée, La concordance des canons discordans. Avant lui, Burchard de Wormes, & Yves de Chartres, Anselme de Luques, & autres, en avoient fait d’autres Compilations, mais plus imparfaites. Le Décret est divisé en trois parties. La première contient 108 distinctions, la seconde 36 causes, & la digression sur la penitence, contenue dans la seconde partie, est divisée en sept distinctions : la troisième contient cinq distinctions. La raison de cette dénomination vient de ce que Gratien s’applique dans la première & troisième partie de son décret à accorder les antilogies des Canons, & à distinguer leur vrai sens. Il faut le lire avec beaucoup de précaution ; les citations n’en sont pas toujours assez exactes. Pasq. M. Le Pelletier, Ministre d’Etat, fit faire en 1685. à Paris une fort belle édition du Décret en deux volumes in-fol. sur les manuscrits de MM. Pithou qui ont revu fort exactement le Décret sur les anciens exemplaires, & qui ont fait des Notes, qui se trouvent dans cette édition.
On appelle Ecole du Décret, le lieu où le Droit Canon est enseigné. Schola Juris Canonici.
Décret, en termes de Palais, est une sentence ou ordonnance que le Juge rend en connoissance de cause concernant la procédure & l’instruction. Mais ce mot ne s’emploie qu’en deux occasions. La première, en matière criminelle, quand un Juge met son ordonnance au bas des informations, qui porte que l’accusé sera tenu de se présenter pour subir l’interrogatoire, comme il arrive quand le cas est léger, ou bien qu’il sera ajourné personnellement, ou bien enfin qu’il sera pris au corps, quand le cas est énorme, & qu’il y échet peine afflictive : ce qui fait qu’il y a trois sortes de décrets en matière criminelle, le décret d’assigné pour être ouï, le décret d’ajournement personnel, & le décret de prise de corps. Voyez ces mots. Un décret de prise de corps, & le décret d’ajournement personnel, emportent interdiction des fonctions de la charge de celui qui est Officier ; mais non pas le décret d’Assignation pour être ouï. La seconde, en matière civile, quand pour purger les hypothèques qui sont sur un héritage vendu en justice le Juge déclare que toutes les formalités requises pour y parvenir ont été observées, & adjuge l’héritage franc & quitte au dernier enchérisseur, & pour cela il y interpose son décret ou autorité. Ainsi un décret en France est un jugement par lequel un héritage est adjugé aux créanciers. On ne peut maintenant acheter surement aucune terre, qu’elle n’ait été passé par décret, qu’à la charge du décret. Le décret ne purge pourtant point les douaires. Il y a long-temps que cette terre est en décret, qu’on en poursuit l’adjudication.
Les décrets en matière civile se divisent en décrets forcés & en décrets volontaires : les décrets forcés se font malgré le débiteur, à la diligence des créanciers : les décrets volontaires se font en conséquence d’un contrat de vente, à l’effet de purger les hypothèques, pour la sureté de l’acheteur. L’appel d’un décret nécessaire, ou forcé, dure trente ans : l’appel d’un décret volontaire dure dix ans entre majeurs qui sont présens, & vingt ans s’ils sont absens. Pour être instruit de ce qui regarde la matière des décrets, il faut voir l’Edit d’Henri II. du mois de Septembre 1651. L’arrêt d’enregistrement du 21 Novembre ensuivant, Traité des Criées de M. le Maître, celui de M. Bruneau, l’Arrêt en forme de règlement du 23. Nov. 1598. l’Arrêt du 7. Sept. 1639. l’Arrêt du 30. Août 1690. Ces Arrêts se trouvent dans le recueil d’Arrêts & de réglemens qui concernent la fonction des Procureurs.
Décret irritant, On appelle ainsi les clauses insérées dans les Bulles de la Cour de Rome, dont l’inexécution fait perdre la grace, & emporte nullité. Decretum irritans.
Le terme de décret est en usage parmi certains Religieux, par exemple les Augustins, pour signifier les statuts qui se font dans les Chapitres Provinciaux pour le règlement d’une province.
On le dit aussi des décisions de la Faculté de Théologie, dont les assemblées se tiennent en la maison de Sorbonne, sur quelque matière de Théologie. Décret de Sorbonne.
☞ On le dit de même des délibérations & décisions de l’Université sur quelques points de doctrine ou de discipline.