Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉGOÛT
DÉGOUT. s. m. Défaut d’appétit, se dit, en Médecine, des alimens que l’on a de la répugnance à prendre. Fastidium, cibi satietas. Il y a des gens qui ont du dégoût pour le vin, pour le sucre, &c. La maladie donne du dégoût pour les meilleures viandes.
Le dégoût est une maladie de l’estomac, c’est, disent les Médecins, un des principaux symptomes du ventricule. Le dégoût procède du défaut de sensation dans l’orifice supérieur du ventricule : ce défaut est causé par la trop grande abondance d’alimens, par des humeurs crasses & lentes qui sont dans le ventricule, par les alimens gras & visqueux, par l’intempérie chaude ou froide, par l’obstruction des veines lactées, par la suppression des évacuations ordinaires, par l’intermission d’un exercice accoutumé, par le vice des nerfs dont la faculté est abolie ou suspendue, comme dans l’apoplexie, la létargie, &c. Selon Sylvius, par une salive trop grasse & trop visqueuse, ou par une bile trop grasse qui remonte des intestins grêles dans le ventricule. Le dégoût a encore d’autres causes qu’on appelle non naturelles, qui sont la trop grande chaleur de l’air, l’excès dans le dormir, le repos & l’oisiveté, les grands chagrins, le cours de ventre. Toutes ces causes, quand elles sont légères, affoiblissent seulement l’appétit, & causent un léger dégoût. Solterfoth rapporte à ce propos qu’un enfant étant malade d’un grand dégoût, & vomissant tout ce qu’on lui faisoit prendre, remèdes & alimens, il ordonna qu’on lui donnât tout ce qu’il demanderoit ; l’enfant en vit par hasard un autre qui mangeoit des poires toutes vertes encore, il en demanda, on lui en donna une, il la mangea avec beaucoup d’appétit, dès le moment ses vomissemens cessèrent, peu à peu l’appétit lui revint, & il guérit.
☞ Dégoût se dit dans un sens figuré de l’aversion qu’on prend pour les choses ou pour les personnes. Abalienatio, alienatio, fastidium. Témoigner du dégoût pour une personne. Rac. Il a un grand dégoût pour toutes les sciences vaines & conjecturales. Un Chrétien a un grand dégoût pour toutes les vanités du siècle. Cet enfant a du dégoût pour l’étude. Aversari.
☞ Dégoût se prend aussi dans le sens figuré, comme synonyme de chagrin, déplaisir. Ceux qui n’aiment point à flatter, trouvent de grands dégoûts à la Cour. Les voluptés ne sont pas exemptes de dégoût. Satietas voluptatibus non deest. Epicure dégageoit les voluptés des inquiétudes qui les précèdent, & du dégoût qui les suit. S. Evr. C’est une des miséricordes de Dieu, de semer des amertumes & des dégoûts parmi les douceurs trompeuses du mondes Nicol. Les François ne sauroient recevoir un maître sans chagrin, ni demeurer les leurs sans dégoût. S. Evr.