Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DÉLIT

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 196).
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☞ DÉLIT. s. m. Terme de Pratique. Faute, crime, péché. Delictum. Ces quatre mots ne sont nullement synonymes. Voyez au mot crime, & sous les articles particuliers les nuances qui les distinguent. Le delit est proprement une transgression de la Loi civile, qui part de la désobéissance ou de la rébellion contre l’autorité légitime. Les duels & les contrebandes sont des délits.

☞ Le délit est commis directement contre l’intérêt public, comme l’homicide, ou contre celui des particuliers, comme le vol. De-là, dans le Droit Romain, la division du délit, en délit public & délit privé.

☞ Mais les Ordonnances de nos Rois en ont admis d’autres ; savoir, les délits capitaux & non capitaux, & les délits ou cas privilégiés & communs. voyez Crime.

☞ Le délit commun est opposé au délit privilégié, selon notre usage.

☞ Par délit commun, on entend celui dont le Juge d’Eglise peut connoître lorsqu’il est commis par un Ecclésiastique, suivant le Droit commun.

☞ Par le délit privilégié, on entend celui qui est commis par un Ecclésiastique, pour raison duquel il est sujet à la Jurisdiction du Juge royal, par un droit & privilège spécial qui lui en attribue la connoissance, attendu que ce délit doit être puni de mort.

Les délits communs sont non-seulement les contraventions à la Discipline & aux Loix Ecclésiastiques, mais encore toutes sortes de crimes, excepté les cas privilégiés ; qui sont le vol, la sédition, l’assassinat, la fausse monnoie. Crimen translatitium, translatitia criminatio. On met aussi l’adultère au nombre des cas privilégiés, quand le mari en rend plainte à la Justice. Les délits communs, ou crimes Ecclésiastiques sont la simonie, la confidence, le sacrilège commis sans violence, &c. Autrefois les Laïques ne prenoient aucune connoissance des affaires des Clercs, ni de leurs mœurs. Ainsi, dans la corruption qui infesta le Clergé, le plus considérable privilège du caractère clérical fut de soustraire les coupables aux rigueurs de la Justice. On remarque que les Juges d’Eglise se contentoient d’imposer des pénitences légères, & n’abandonnoient presque jamais le criminel au bras séculier. A Rome même, on obtenoit facilement des absolutions. On crut donc que, pour maintenir la sûreté publique, il falloit excepter les crimes les plus atroces ; & c’est ce qu’on appela les cas privilégiés. Il y a plus de 300 ans que cette distinction du délit commun est établie, & cependant on ne convient pas encore à quoi il se réduit. Les Juges laïques le bornent aux crimes purement Ecclésiastiques, & aux simples contraventions à la Discipline. Par une Déclaration de 1684, l’instruction pour les cas privilégiés se fait par le Juge Royal, & le Juge d’Eglise conjointement. Le Droit Civil parle des obligations qui se contractent par le délit, ou quasi-délit. Le quasi-délit, est une faute commise par imprudence, sans dol, ni volonté. C’est une espèce d’incongruité d’appeler délit commun, celui dont les Officiaux prennent connoissance dans la plupart des crimes des Ecclésiastiques & délit privilégié, celui qui est renvoyé devant les Officiers Royaux ; comme si la connoissance qu’ont les Ecclésiastiques de l’un, leur appartenoit de droit commun, & que les Officiers du Roi n’eussent celles dont ils jouissent que par privilège : vu qu’il en est tout le contraire, & que ce n’est que par la permission du Roi que les Officiaux connoissent de la plupart de ces crimes ; car le for extérieur appartenant au Magistrat politique, & l’exercice de la jurisdiction criminelle des Officialités désirant un for & un Tribunal extérieur : parce que nous appelons for extérieur, tout ce qui est hors le Tribunal des consciences, il s’ensuit de-là que le délit qui est porté au Tribunal des Ecclésiastiques devroit être appelé privilégié, puisqu’ils n’en exercent la jurisdiction que par privilège, & que le délit dont connoissent les Officiers du Roi, devroit être appelé le délit commun. Talon, ou plutôt M. Noland. Le Vayer de Boutigni, dans son Traité de l’Autorité du Roi dans l’Administration de l’Eglise.

☞ On dit proverbialement, qu’on est trouvé en flagrant délit, quand on est pris sur le fait, à l’instant qu’on commet le crime.

☞ On appelle corps de délit, ce qui constate le crime qui a été commis, comme en matière d’homicide, un cadavre ; en matière de vol, une effraction. Avant que de condamner un criminel, il faut que le corps de délit soit constant.

Délit, terme d’Architecture & de Maçonnerie. Le côté, le sens d’une pierre différent du lit qu’elle avoit dans la carrière. Mettre en délit une pierre, c’est la mettre dans un autre sens qu’elle n’étoit dans la carrière, cela s’appelle délit en parement. Délit en joint, c’est le lit du sens des joints montans. C’est une mal-façon de poser les voussoirs autrement que de délit enjoint ; comme si l’on chargeoit un livre sur la tranche, il est évident que le poids feroit effort pour écarter les feuilles ; au lieu qu’il les appuie les uns sur les autres lorsqu’on le charge sur la joue. Il y a des pierres si compactes, qu’elles n’ont ni lit ni délit. Tels sont la plupart des marbres qu’on peut poser comme on veut.

En termes d’Eaux & forêts, on appelle des arbres de délit, ceux qui ont été coupés clandestinement, ou contre les Ordonnances & Réglemens, qui sont sujets à confiscation & à amende. Clam ac furtim cæsæ arbores.

Ce mot de délit vient du mot Latin delictum, formé de delinquo.

Devoir de délits, terme de Coutumes. Certain droit d’un boisseau de seigle sur chacune ancienne tenue de chacun ménager paroissien tenant feu & fumée, & labourant terre.