Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DENRÉE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 227).
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☞ DENRÉE, s. f. Ce mot signifie particulièrement les fruits, racines, légumes propres pour notre nourriture, comme artichauts, navets, carottes, &c. Esculenta. Mais, en généralisant son acception, on l’applique à tout ce qui se vend pour la nourriture, la subsistance & l’entretien des hommes & des animaux. Blé, vin, bois, paille, foin, avoine, &c. & l’on appelle menues denrées les premières, & grosses denrées, les secondes. Dans les villes bien policées, le magistrat met le prix, le taux aux denrées sujettes à la Police. Men.

Ce mot vient de denarata, qu’on a dit au lieu es denariata, fait de denarius, comme si c’étoit une chose qu’on voulût réduire en deniers, ou un revenu de deniers. Dans les Acta Sanct. April. T. III. p. 232. C. le P. Papebroch dit plus exactement que denariata, denrée vient de denarius, denier, & s’est dit pour deniérées ; & que ces mots, tant le Latin que le François, signifient des marchandises qui se vendent en détail, & dont l’on peut acheter à très-bas prix & comme pour un denier, que c’est pour cela qu’on les a appelées denariata, deniérées, c’est-à-dire, ce qu’on peut avoir pour un denier, comme poignée signifie ce qu’on peut tenir dans le poing, & que de deniérées s’est fait denrée. L’Auteur de l’histoire des miracles de Saint Gengulfe C. II. §. 11. dit duas deneraras ceræ, deux denrées de cire, ce qui, selon le P. Henschenius, signifie deux petites bougies d’un denier chacune. Acta Sanct. Maii T. II. p. 650. F. & p. 652. E. L’Auteur de la vie de S. Norbert contemporain de ce Saint, c’est-à-dire qui écrivoit au commencement du douzième siècle, dit c. 18. une denrée de vin, ou d’hydromel, denariatam vini vel medonis, c’est-à-dire, ce qui s’en donnoit pour un denier. Act. Sanct. Jun. T. I. p. 855. C. Du Cange dit que, dans la basse Latinité, on appelle toutes sortes de marchandises, denarata, denariata, & denairada, & qu’on appeloit même denariata terræ aut vineæ, une portion de terre ou vignes qui valoit un denier de revenu. Guichort dit qu’il pourroit bien venir du mot Hébreu הדר, hadar, entant qu’il signifie vendre, débiter, vendere, distrahere per urbem.

Denrée, se dit aussi en mauvaise part de la marchandise qui ne vaut rien. Merx. Ce marchand s’est défait de ses plus belles étoffes, il n’a plus chez lui que de la denrée, du rebut. Cet homme là n’a été payé qu’en denrées, en méchantes marchandises. On dit généralement en parlant d’un homme qui vend bien ce qu’il a à vendre, que cet homme vend bien sa denrée. Acad. Fr.