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Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DIRE

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Jésuites et imprimeurs de Trévoux
(3p. 365-366).
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DIRE. v. a. Je dis, tu dis, il dit ; Nous disons, vous dites, ils disent ; Je disois, j’ai dit, je dis, je dirai. Que je dise. Je dirois. Que je disse. Dis, dites. Disant. Faire connoître, exprimer sa pensée aux autres par le moyen de la parole. Dicere, loqui. Un habile homme ne dit pas tout ce qu’il pense. On n’a plus rien à dire à une femme, dès qu’il est permis de lui dire tout. Vill. Il est bon de dire peu, & de laisser beaucoup penser. Ch. de Mer. Il y a des gens qui ne disent jamais rien, pour trop penser à ce qu’ils veulent dire. Bouh. Il a dit de vous tous les biens du monde ; il en a dit pis que pendre. Je vous le dis une fois pour toutes.

Il faut toujours écrire je dis au présent de l’Indicatif, & non pas je dy. Corn. Et à l’Impératif di, ou dis, quand il est suivi du relatif en, dis-en ce que tu voudras. Vaug. Corn.

Il m’a dit d’aller est une construction vicieuse. Il faut dire, il m’a dit que j’allasse. Je crois pourtant que, dans la conversation on peut user de ce Gasconisme. Mille gens parlent de la sorte dans le discours familier qui abrège tout. Bouh. On peut même assurer que, depuis que le P. Bouhours écrivoit ceci, ce Gasconisme s’est si fort accrédité, qu’aujourd’hui il est plus en usage que l’autre construction. Ceux qui écrivent bien, sont persuadés que, quoi qu’on die, n’est bon qu’en vers, & qu’il faut écrire en prose, quoi qu’on dise. Corn. Il faut même toujours en prose écrire & prononcer dise, & jamais die, ni avec quoique, ni dans aucune autre phrase ; quoique M. de Meziriac, qui étoit de l’Académie Françoise, ait dit dans son discours sur la traduction. Encore que le texte Grec die clairement que Numa, &c. Tout le monde parloit alors ainsi ; mais cela ne se dit où point aujourd’hui. Mais en vers, die se souffriroit encore. C’est toujours une licence qu’on ne se permet que pour la rime.

Colas est mort de maladie,
Tu veux que j’en pleure le sort.
Que Diable veux-tu que je die ?
Colas vivoit, Colas est mort. Gombaud.

Dire, signifie quelquefois réciter : dire ses prières, son chapelet, sa leçon, son bréviaire. On dit en conversation, à la fin d’un discours, j’ai dit, dixi. En poësie, à la fin du discours d’un personnage, on met, il dit, pour dire, il parle ainsi, après avoir ainsi parlé.

Dire la Messe, la célébrer.

☞ En poësie, dire est synonyme de chanter, raconter. Dicere, canere. Je dirai les exploits, &c.

☞ Dire des douceurs à une femme, lui parler d’une manière flatteuse, la louer sur son mérite, sur sa beauté, ses agiémens. Blandiri, palpari Mulieri.

On se sert absolument de cette phrase, On dit, pour expliquer l’usage ordinaire des mots de la Langue. Dicitur, usurpatur. Ainsi le Dictionnaire est tout plein de ces mots, On dit. Ce même terme sert aussi à expliquer un bruit commun & incertain. Fertur, dicitur. On dit qu’un tel a fait banqueroute. M. Vaugelas croit que ce mot est un abrégé de l’homme dit. Voyez On. Les citations se font souvent ainsi, L’Orateur Romain dit, l’Espagnol dit, &c.

Dire se dit, figurément, du geste, des regards, des actions, &c. Expliquer, faire connoître ses sentimens par ses gestes, par ses regards, &c. Mes soins & mes regards vous disent depuis long-temps que je vous aime. Voit. Sa constance, son trouble, son silence, tout dit qu’il est coupable.

Mes yeux & mes soupirs vous l’ont dit mille fois.
Et pour mieux m’expliquer j’emploie ici ma voix.

Moliere.

Tous deux brûloient sans oser se le dire.
Ou s’ils se le disoient, ce n’étoit que des yeux.

La Font.

Mes yeux & mes soupirs vous diront mieux le reste.

Corneille.

☞ On dit, figurément, qu’une chose ne dit rien, pour dire qu’elle ne signifie rien, qu’elle ne sert de rien dans la place où elle est. Ces ornemens dans ce tableau ne disent rien, sont déplacés, sont inutiles. Ses yeux sont beaux, mais ils ne disent rien, ne sont pas animés.

☞ Pour marquer qu’on avoit quelque pressentiment d’une chose, on dit, mon cœur me l’avoit dit : &, pour savoir si quelqu’un a envie de faire une chose, nous demandons, dans le style vulgaire, si le cœur lui en dit. Nous ferons un tour de promenade, si le cœur vous en dit. Il s’emploie encore, figurément, dans la signification de signifier. Vous êtes rêveur, distrait, cela veut dire que vous aimez. C’est-à-dire, qu’est-ce à dire ? C’est comme si l’on disoit, cela signifie ; qu’est-ce que cela signifie ?

Dire, signifie quelquefois, Offrir. Offerre. On vous montre de belles étoffes, vous n’en dites rien, pour dire, vous n’en offrez rien : dites-en au moins quelque chose, dites-en un mot raisonnable.

Dire, signifie quelquefois, Juger. Dicere, judicare, judicium ferre. Ces deux portraits se ressemblent tellement, qu’on ne sait qu’en dire. Les affaires sont tellement brouillées, qu’on ne sait qu’en dire, qu’en juger. En termes de Palais, on met dans tous les jugemens, Il est dit, Dit a été, Nous disons.

Dire, signifie quelquefois, Avertir. Monere, admonere. J’ai bien voulu vous dire qu’il faut prendre garde à vous. Il vaut quelquefois mieux dire aux gens ce que l’on pense d’eux, que de le dire à d’autres qui en font un mauvais usage. Nic.

Dire, se prend quelquefois pour prédire. Prædicere, vaticinari.

Dire à quelqu’un sa bonne aventure, c’est prédire à quelqu’un ce qui lui doit arriver.

☞ Trouver à dire, trouver qu’une chose manque, trouver de manque. Votre calcul n’est pas juste, j’y trouve un écu à dire. Et de même, en parlant des personnes. Il s’en trouva plus de soixante à dire. Abl. On trouve dix ou douze voix à dire. On vous a trouvé à dire dans cette compagnie. Desiderare.

☞ Est-ce parler exacrement, que de dire, avec l’Acad. trouver à dire, dans la signification de trouver à reprendre ? Doit-on dire, que trouvez-vous à dire à cette action-là, pour dire, qu’y trouvez-vous à reprendre, à blâmer ? Trouver de manque, c’est trouver à dire. Censurer, blâmer, c’est trouver à redire. Il trouve à redire à tout ce qu’on fait.

Dire entre dans quantité d’autres phrases familières.

☞ Il y a bien à dire, pour, il s’en faut beaucoup. Il y a bien à dire que je ne sois content. Quelquefois, pour, il y a un grande différence. Il y a bien à dire entre ces deux personnes.

☞ S’il est question de faire quelque léger reproche, en peu de mots, on dit encore, cela soit dit en passant.

☞ Pour faire entendre qu’on regarde une chose comme impossible, au moins comme très difficile, on dit, s’il en vient à bout, j’irai le dire à Rome.

☞ En parlant d’un homme qui écoute les autres sans parler, on dit que, s’il ne dit mot, il n’en pense pas moins.

☞ En style de conversation puérile & honnête, on dit, cela vous plaît à dire, pour marquer qu’on ne convient pas de ce qui est dit par manière de flatterie.

On dit, proverbialement, Il dit d’or, & si il n’a pas le bec jaune. Dire d’or, c’est parler bien. Vous ne sauriez mieux dire, si vous ne recommencez. Il se faut mocquer du qu’en dira-t-on. Quand les mots sont dits, l’eau bénite est faite : ce qui se dit des marchés qu’on a conclus. Mon petit doigt me l’a dit, se dit des choses qu’on a apprises par voies secretes. Qui dit tout n’excepte rien. Dire & faire sont deux ; pour dire qu’on ne tient pas toujours ce qu’on promet. Le peuple dit, bassement & trivialement, pour assurer quelque chose, Et moi je te dis, & te douze, que, &c. Naudé l’a mis dans son Mascurat en la bouche de ses Colporteurs, Et moi je te dis & je te douze, que quantité de galans hommes ont acheté des meubles du Cardinal. Mascur. C’est une méchante allusion à dis, verbe, & dix, nom de nombre ; & à douze, autre nom de nombre, comme si c’étoient deux verbes, & que douze, comme marquant un plus grand nombre, enchérît sur dix, & assurât davantage.

Dire, s. m. en termes de Pratique, estimation d’Experts, déposition de témoins, & ce qui est dit & avancé par une des Parties. On le dit, en conversation, dans ce dernier sens. Judicium, testimonium. On l’a condamné à payer ces ouvrages au dire d’Experts. Le dire d’Experts s’appelle aussi dire de Prud’hommes : c’est ce qui est contenu dans un rapport d’Experts. On n’a point d’égard au dire des témoins, s’ils ne sont confrontés. Il a mis son dire par écrit. Je m’en rapporte à son dire, à ce qu’il avance. Il a raison à son dire. Il y a bien loin entre le dire & le faire. L’Eglise Chrétienne étoit à peine fondée & édifiée au IVe siècle, mais, dans ce IVe siècle, à leur dire, nos erreurs avoient déjà pris le dessus. Pélisson.

Enfin final, approuvâtes mon dire.
Il vous parut sermon, non pas satyre.
Quoi qu’eusse dit, n’eûtes lieu de penser
Qu’eusse voulu tant soit peu vous tanser.

De Villars.

Un dire, absolument, en termes du Palais, est un acte par écrit qui contient les contestations que des parties peuvent faire devant un Commissaire en une descente, à un scellé, ou en quelque autre occasion. Propositio. Un tel opposant a envoyé son dire au Secrétaire pour l’insérer dans son Procès-verbal. Ce nom de dire est un terme général qui renferme plusieurs espèces, qui sont, l’exception, les défenses, les répliques, ou un acte qu’une partie fait signifier à l’autre avant la plaidoirie de la cause. Dires sont les reproches proposés contre les témoins produits dans une enquête, ou plutôt ces reproches se proposent par des dires qui s’écrivent dans le procès-verbal du Juge.

☞ Ce mot précédé de l’adverbe bien, le bien dire désigne l’élégance dans le discours, Facundia, sermonis elegantia. On dit familièrement qu’un homme est sur son bien dire, pour dire qu’il est en train de parler, & presque toujours en mauvaise part, de celui qui affecte de bien parler.

Dire, se dit quelquefois des opinions. Opinio, sententia. Les globes célestes, au dire d’Aristote, sont mus par des intelligences. Façon de parler qui n’est pas noble.

Ouï-Dire. s. m. Ce qu’on n’a ni vu ni entendu soi-même, & qu’on ne sait que par le rapport des autres. Auditio, auditum. On n’a point d’égard en Justice aux témoins qui ne déposent que sur un ouï-dire. Sçavoir par ouï-dire. Auditione accipere. Auditum præter nihil habere. Ne sçavoir rien que par ouï-dire.

Disant ante. adj. ne se dit guère qu’en cette composition, bien-disant, qui signifie un homme qui parle élégamment. Dicendi peritus. Mais on ne le dit guère que par raillerie.

On dit encore au Palais, soi-disant, quand on parle d’une partie dont on conteste les qualités. Il plaide contre un tel, soi-disant héritier d’un tel, soi-disant pourvu d’un tel bénéfice. On le dit quelquefois par raillerie ou par mépris. Un tel soi-disant Gentilhomme. Il est honnête homme, ou soi-disant tel. On dit, en quelques lieux, cela a été adjugé au plus-disant ; pour dire au dernier enchérisseur. Licitator.

☞ DIT, ITE. part.

☞ Il équivaut quelquefois à surnommé, comme quand on dit Charles V. dit le Sage. Louis XV. dit le bien aimé.

☞ En style de pratique, on le joint avec les articles & les pronoms. Ledit Seigneur, ladite maison, ladite procédure, mondit Seigneur, &c. alors il est relatif pour les personnes, & pour les choses donc on a parlé.

☞ On le joint de même avec quelques adverbes. Ci-dessus, ci-devant dit, Supradictus, ci-après dit. Style de pratique & de formule.