Dictionnaire de Trévoux/6e édition, 1771/DOUBLE
☞ DOUBLE. adj. m. & f. Qui vaut, qui pese, qui contient une fois autant qu’un autre. Il est opposé à simple. Duplex, duplicatus. Double Louis. Double ducat. Double paie. La pinte est une double chopine.
Double, signifie aussi, ce qui est fait ou répété deux fois. Duplex, geminus. Un acte, un compte double, est celui dont il y a deux originaux pour en donner un à chaque partie. Un double bastion, un double ravelin, une double enceinte, une double enveloppe de lettre. Une double porte, se dit, de deux portes mises des deux côtés de l’épaisseur d’un mur. Un double chassis. La plupart des organes des sens sont doubles. J’ai un double intérêt en cette affaire. Je prouve mon dire par une double raison. Ce passage a un double sens. Voilà un mot à double entente. Une double cadence. Une serrure à double tour, c’est celle où l’on tourne deux fois la clef. Un double nœud, se dit de ce qu’on a noué deux fois.
☞ En Géométrie, une quantité est double d’une autre, lorsqu’elle la contient deux fois : sous-double, lorsqu’elle en est la moitié. 6. est double de 3. 3. est sous-double de six.
☞ On appelle raison double, le rapport de deux quantités, dont l’une est double de l’autre. 16. est à 8. en raison double. Il ne faut pas confondre la raison double avec la raison doublée.
Les Poëtes appellent le Parnasse la double montagne, parce qu’il y a deux sommets. Biceps.
Apollon m’a montré, dessus le double mont,
Le Laurier immortel qui doit ceindre mon front.
Nous lisons dans l’Écriture, qu’Élisée demandoit le double esprit d’Elie. Obsecro fiat in me duplex spiritus tuus. On l’entend, communément, comme si Élisée avoit demandé que le don de prophétie & des miracles fût plus grand en lui qu’en Elie. L’explication la plus naturelle, est de dire qu’Élisée demandoit à être animé du même esprit qu’Elie ; que le don de prophétie & des miracles, qui avoit éclaté en Elie, passât en lui.
Double, se dit aussi des choses qui sont faites avec plus de soin, & qui ont plus de force & de vertu. Du brocard à double broche, du ruban double en lisse, de l’encre double, bonne double bière, un double canon.
En termes de Bréviaire, on appelle Fête double, une Fête solennelle, où l’on double les Antiennes, & où on les répéte à la fin & au commencement de chaque Pseaume, & parce qu’elle a les premières & les secondes Vêpres. Festum duplex. Il y a des Fêtes doubles de la première classe, qui sont Noël, l’Épiphanie, Pâques, l’Ascension, la Pentecôte, la Fête-Dieu, la Saint-Jean, la Saint-Pierre, l’Assomption, la Toussaints, la Dédicace & le Patron de l’Église, d’autres sont doubles de la seconde classe. D’autres sont doubles majeures, & d’autres enfin sont seulement doubles. Telles sont les différentes classes des doubles, selon le Bréviaire Romain.
Dans le rit Parisien, on ne parle point des fêtes doubles de la première ni de la seconde classe ; mais, au lieu de ces termes, on se sert de ceux d’Annuelle, de solennelle majeur, & solennelle mineure. Il y a cependant des Fêtes que l’on qualifie de doubles majeures, & de doubles mineures, & de semi-doubles ; mais l’office ne s’y fait pas de la même manière que dans le Romain.
Une double Fête, c’est un jour où deux Fêtes se rencontrent ensemble ; un double jeûne, un jour où il se rencontre deux jeûnes de commandement. Les Fêtes semi-doubles, sont celles qui ont aussi l’Office entier avec les deux Vêpres, mais où l’on ne répéte pas les Antiennes.
On appelle un double bidet, un bidet qui est de plus haute taille que les ordinaires. Manus elatior, crassior.
Double, terme du jeu de Lansquenet, se dit d’une carte qui est déja venue une fois ; &, au figuré, on le dit de ceux qui ont un avantage, des sûretés que les autres n’ont point. Duplicatus, geminatus. Il est bien établi dans cette ferme, il a la faveur des Ministres, il joue sur carte double.
On appelle un chiffre à double clef, celui où l’on change des caractères pour signifier une même lettre. Duplex. Un chiffre à double clef est indéchiffrable.
On appelle aussi lettre double, en termes de Grammaire, une lettre qui a la force de deux autres, comme le צ des Hébreux, qui fait t & s, l’x des Latins, le ξ des Grecs. Il est évident que ces lettres en valent deux, & que, quand on prononce le mot Latin axis, ou le mot François axillaire, on leur donne le même son qu’ils auroient s’ils étoient écrits par deux cc, accis, accillaire, ou par un c & une s, acsis, acsillaire. Les lettres doubles renferment avec le σ ou l’s, l’une des muettes auxquelles elles ont rapport. Les Grecs en ont trois, ζ, ψ, Ε. Les Latins n’en ont que deux X, P ; & la plupart des langues vulgaires de même. Port-R. Les doubles ne sont que des abréviations d’écriture pour les lettres que nous voyons qu’elles renferment. Id. Voyez la Nouvelle Méthode Latine, Traité des Lettres, C. XI. & la Méthode Grecque, Liv. I. C. V. Régle Ve.
En Médecine on dit, fièvre double tierce, double quarte. Voyez Fièvre.
On dit, au Palais, qu’un faux & double emploi ne se couvre jamais. C’est une même partie qui a été employée deux fois dans un compte, sous divers noms & divers prétextes : c’est-à-dire, qu’on peut revenir à la demande, nonobstant tous arrêts & transactions.
En termes de Chymie, esprit de vin double, veut dire, de l’esprit de vin distillé deux fois, & réduit par la seconde distillation, à une quantité moindre d’un tiers ; par exemple, de trois pintes à deux, ou environ.
Double, se dit aussi en choses morales. C’est un double maraut, un double fripon, un grand coquin, un grand maraut. Nequior. Cela n’est que du style familier. Au figuré, on appelle un homme double, celui qui a de la mauvaise foi, qui a toutes les démonstrations de l’homme de bien, sans en avoir la réalité : une ame double, un cœur double, qui dit d’une façon, & pense d’une autre. Duplex, fictus, simulatus. Seigneur, délivrez mon ame des langues doubles & trompeuses. Port-R. S. Paul dit, dans sa première Épître à Timot. que les Diacres ne doivent point être doubles en paroles.
Ah ! traître, scélérat, ame double & sans foi.
Un cœur double aisément croit qu’un autre est coupable
D’un crime dont lui-même il sent qu’il est capable.
Double, est aussi quelquefois substantif, & signifie une fois autant. Duplum. La peine du double, du quadruple. Gager le double contre le simple. Le double d’un chiffre. On dit qu’un homme voit double, quand il voit deux choses au lieu d’une. Le double d’une sentence, c’est la transcription d’une sentence dans quelque acte. En ce sens ce mot vient de double, qui, en bas-Breton, signifie copie, ou doubla, copier. Le double d’un compte, c’est la seconde grosse, qu’on donne à la Partie. Le double d’un air, en Musique, c’est le même air qu’on figure sur le simple, par l’addition de plusieurs notes qui varient & ornent le chant. Voyez Variation. Plier un linge en double, c’est le replier sur lui-même.
☞ On dit aussi le double d’un corps de logis. On a mis les garderobes dans le double.
☞ On appelle aussi double à l’Opera, un chanteur ou un danseur en sous-ordre, qui remplace les premiers Acteurs quand ils ne peuvent pas jouer leurs rôles. Il y a plusieurs doubles pour le chant & pour la danse. Il y a aussi des doubles à la Comédie.
En termes de Marine, double se dit des manœuvres, & est opposé à bout, ou extrêmité. Haler sur le double, c’est haler en prenant une manœuvre par le milieu, ou par tout autre endroit que par le bout.
Double, en termes de Musique, se dit des croches, des mesures : double croche, double mesure. La double croche vaut la seizième partie de la note ronde : c’est une note dont la queue a un double crochet, & qu’on nomme, à cause de cela, double croche : elle vaut la moitié d’une croche. La mesure double est celle qui se bat à deux temps égaux. Dans ces exemples, le mot double est adjectif : le même mot est aussi substantif, & de genre masculin en termes de Musique, lorsqu’on parle des mesures. Le double majeur se bat à quatre temps égaux. Le double ordinaire se bat à deux temps égaux. Le double mineur se bat à deux temps très-légers. Monteclair.
☞ Double Octave, est un intervalle de Musique, composé de deux octaves.
Double, En termes de Fleuristes & de Botanistes, se dit des fleurs qui ont plus de feuilles qu’elles n’en ont naturellement, qui, par l’art & la culture, ont acquis un plus grand nombre de feuilles que la nature ne leur en a données, qu’elles n’en ont quand elles viennent d’elles-mêmes & sans culture, & qu’on appelle simples. Un œillet double, une rose double, une anémone double, un souci double. Un œillet double est sujet à crêver. Les Fleuristes estiment fort les fleurs doubles, que les Botanistes regardent comme des monstres. Voyez Fleur.
Double d’Aoust. Terme de Coutume. C’est le droit ordinaire qui est dû au Seigneur au mois d’Août par ses hommes serfs.
Double-Aubier. Voyez Aubier. Aux arbres qui ont ce défaut, on trouve dans l’épaisseur du bois une zone de bois tendre, que l’on compare à l’Aubier. Elle est recouverte par une zone de bon bois & par l’aubier ordinaire.
Double-Borne. s. f. Pièce carrée d’une vitre.
Double-Cens, se dit, quand le Sujet Censier, pour sa nouvelle acquisition, ou succession, ne paie à son Seigneur que le double de ce qu’il paie chaque année de devoir censuel.
Double-Feuille. s. f. Ophris, bifolium. Plante qui a beaucoup de rapport avec l’Orchis. Ses racines sont fibrées, blanchâtres, & poussent une tige garnie à sa base de deux ou trois feuilles arrondies, & soutiennent plusieurs fleurs disposées en forme d’épi. Chaque fleur est verdâtre, a six pétales, dont cinq sont petits, & font une coëffe ; & le sixième, ou l’inférieur, représente une figure humaine. Le calice devient un fruit à trois côtés & à trois loges, qui sont chacune garnies de quelques bandes, sur lesquelles sont attachées des semences, aussi menues que de la sciure de bois. La Double-feuille vient dans des endroits humides.
Double-Fleur. Nom d’une espèce de poiriers, & de poires. C’est une grosse poire plate, qui a la queue longue & droite, la peau lisse, colorée d’un côté, & jaune de l’autre : quand elle est gardée, elle perd son coloris, & devient toute terne & noirâtre. On en fait les plus belles & les meilleures compôtes du monde, ayant une chaire moëlleuse, sans aucune pierre, & ayant sur-tout beaucoup de jus, qui prend aisément une belle couleur au feu. La Quint.
Double-Henry. Monnoie d’or, du poids de 5 deniers 17 grains trébuchans, les simples & demi à proportion, au titre de 22 carats trois quarts, valoit autrefois un peu plus que le louis d’or, environ douze livres. C’est à cette monnoie que Henri III. faisoit allusion, lorsque son armée étant jointe à celle de Henri IV. alors Roi de Navarre, il refuse de combattre celle de Charles, Duc de Mayenne, chef de la Ligue, & dit qu’il n’étoit pas prudent de risquer un Double-Henri, contre un simple Carolus.
Double-lien. Terme de Coutume. Lien de parenté, par lequel deux personnes sont unies du côté paternel & du côté maternel, comme le sont deux frères germains. Le double-lien donne un droit qui consiste en ce que le frère, conjoint de deux côtés, exclut celui qui ne l’est que d’un. Le double-lien n’a pas lieu dans la Coutume de Paris, mais il a lieu dans plusieurs autres, comme dans celle de Bourgogne, d’Orléans, de Blois, de Berry, d’Amiens, &c.
DOUBLES-ŒUVRES. Voyez Doublerie.
Double-Oreille. Terme d’Agriculture. Les Laboureurs appellent ainsi la partie de leur charrue qui sert à tourner, à renverser de côté & d’autre la terre que le soc a fendue. Celle qui ne la tourne que d’un côté, est une oreille simple.
Double-paie. Terme de Guerre, Officier qui a double-paie. Duplicarius. Les Troupes étrangères, en France, ont double-paie.
☞ Double-sens. Subterfuge adroit pour cacher sa véritable pensée. Le double-sens a deux significations naturelles & convenables, par l’une desquelles il se présente littéralement pour être compris de tout le monde ; & par l’autre, il fait une fine allusion pour n’être entendu que de certaines personnes. Le double-sens est d’un esprit fin ; la malignité & la politesse en ont introduit l’usage ; il faudroit seulement que ce ne fût jamais aux dépens de la réputation du prochain qu’il eût lieu. Voyez Ambiguité & Équivoque.
Double-tête. Terme de Cloutier. C’est un clou, une sorte de clou, qui a effectivement comme deux têtes.
Il se dit, aussi, en termes de Jardinage, d’une espèce de poire, qui a aussi comme deux têtes. On les appelle, plus communément, des poires à deux têtes.
Double-de-Troye. Nom d’une espèce de pêche, qu’on nomme autrement Magdéleine rouge. Voyez Magedeleine.
On dit, aussi, adverbialement, qu’un homme paiera au double, qu’on lui rendra au double quelque chose ; pour dire, doublement, & même beaucoup plus, avec usure, & bien au-delà de ce qu’il a prêté. Soit qu’on lui fît du mal, ou du bien, il le vouloit rendre au double. Ablanc. J. C. dit que les Pharisiens rendoient leurs Prosélytes fils de la géhenne au double de ce qu’ils l’étoient eux-mêmes. On dit, aussi, Mettre double, quand on replie une chose sur elle-même, ou sur quelque autre de même nature. Replicare. Plusieurs lettres de Chancellerie sont taxées au double, & on les appelle des Doubles. On dit, aussi, double d’une lettre, d’une copie. Apographum.
On dit, aussi, Jouer à quitte, ou à double, tant au propre qu’au figuré ; pour dire, Mettre tout au hazard. Quamcumque adire aleam.
DOUBLE. s. m. Petite monnoie de cuivre, valant deux deniers. Sexta pars assis. Il sert à exagérer la pauvreté. Cette homme est si gueux, qu’il n’a vaillant un double, un rouge double. Il est si avare, qu’il ne donneroit pas un double aux pauvres. Il y a eu des doubles à Paris, qui ont été de différente valeur, selon les temps, qu’on a appelés doubles Parisis, & petits Parisis.
Double. s. f. C’est le premier des quatre ventricules des animaux qui ruminent. On l’appelle autrement, panse, ou gésier. Voyez Panse.