Dictionnaire de l’administration française/ABSENCE

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ABSENCE. 1. Nous distinguons l’absence en matière civile de l’absence en matière administrative En droit civil, on entend par absence la disparition prolongée d’une personne dont on n’a pas de nouvelles, et dont l’existence peut paraître douteuse.

2. Le Code civil divise l’absence en trois périodes dont chacune à ses effets.

1o Présomption d’absence. Cette première période commence au moment où l’existence de l’absent est incertaine ; elle donne lieu à certaines mesures conservatoires. S’il y a nécessité de pourvoir à l’administration de tout ou partie des biens de la personne présumée absente, et qui n’a point de procureur fondé, il y est statué par le tribunal de première instance du domicile de l’absent, à la demande des parties intéressées. Il commettra à cet effet un notaire pour représenter l’absent dans les inventaires, comptes, partages et liquidations où il pourrait être intéressé. C’est le ministère public qui est chargé spécialement de veiller aux intérêts des personnes présumées absentes. (Code civ., art. 112, 113, 114.)

2o Déclaration d’absence. Lorsqu’une personne a cessé de paraître au lieu de son domicile ou de sa résidence, et que depuis quatre ans on n’en a point eu de nouvelles, les parties intéressées, c’est-à-dire tous ceux qui ont des droits subordonnés à son décès, peuvent se pourvoir devant le tribunal de première instance afin que l’absence soit déclarée. Si cependant l’absent, avant de quitter son domicile, avait laissé une procuration, l’absence ne pourrait être déclarée qu’au bout de dix ans. Pour constater l’absence, le tribunal du dernier domicile connu, d’après les pièces et les documents produits, ordonne une enquête, contradictoirement avec le ministère public qui représente les intérêts de l’absent. Le jugement de déclaration d’absence ne peut être prononcé qu’un an après celui qui a ordonné l’enquête. C’est alors que commence la seconde période. L’effet de la déclaration d’absence est d’envoyer ceux qui l’ont demandée en possession provisoire des biens de l’absent ; mais la loi déclare que cette possession n’est qu’un dépôt. Ceux qui l’ont obtenue doivent donner caution pour la garantie de leur gestion. Toutefois, ils ne sont tenus de rendre à l’absent que le cinquième des revenus, s’il reparaît avant quinze ans révolus depuis le jour de sa disparition, et le dixième, s’il ne reparaît qu’après quinze ans. (Code civ., art. 115 et suiv.)

3o Envoi en possession définitif. Si l’absence a continué pendant trente ans, depuis l’envoi provisoire, ou depuis l’époque à laquelle l’époux commun a pris l’administration des biens de l’absent, ou s’il s’est écoulé cent ans révolus depuis la naissance de l’absent, les cautions sont déchargées, tous les ayants droit peuvent demander le partage des biens de l’absent et faire prononcer l’envoi en possession définitif par le tribunal de première instance. (Voy. Contumace.)

3. Si l’absent reparaît, ou si son existence est prouvée, même après l’envoi définitif, il recouvre ses biens dans l’état où ils se trouvent ; il ne peut réclamer que le prix de ceux qui ont été aliénés et une indemnité pour les hypothèques dont ils pourraient être grevés. Tous les revenus perçus appartiennent aux héritiers. Les droits de l’absent ne peuvent jamais se prescrire ; à quelque époque qu’il reparaisse, il rentre de plein droit dans tous ses biens.

4. Bien que les applications de la loi, en matière d’absence, appartiennent aux magistrats de l’ordre judiciaire, cependant les fonctionnaires et agents de l’administration ont des devoirs à remplir qui leur sont indiqués par les lois et arrêtés.

C’est au maire qu’est confié, dans les communes rurales, le soin de faire rentrer et conserver les récoltes des cultivateurs absents, en agissant, autant que possible, dans leurs intérêts. (L. 6 octobre 1791). C’est encore le maire qui doit veiller sur les propriétés des absents.

Tout fonctionnaire municipal qui a connaissance de la mort d’une personne laissant des héritiers mineurs ou absents est tenu d’en informer le juge de paix du canton.(Arr. du G. 22 prairial an V.)

5. Dans les villes où réside un commissaire de police, lorsqu’une personne a disparu de son domicile et qu’il y a incertitude sur son existence, c’est lui qui reçoit la déclaration des parties intéressées ou des voisins, et la transmet au chef du parquet (au préfet de police à Paris). Si quelque indice peut faire supposer que la personne est morte chez elle, le commissaire de police fait ouvrir la porte en présence de deux témoins. Quand la visite n’a pas fait découvrir la personne disparue, les portes sont refermées en présence des témoins, qui signent le procès-verbal. Dans tous les cas, il en est donné avis au juge de paix afin qu’il puisse procéder aux actes conservatoires.

6. Plusieurs lois spéciales ont réglé le sort des militaires absents. C’est d’abord la loi du 11 ventôse an II qui prescrit au juge de paix l’apposition des scellés sur les effets et papiers laissés par les pères et mères des militaires absents et les autres parents dont ils peuvent être héritiers. De plus, ce magistrat doit les avertir, s’il sait à quel corps ils appartiennent et en instruire pareillement le ministre de la guerre. Le délai d’un mois expiré, si l’héritier ne donne pas de ses nouvelles et n’envoie pas de procuration, le maire doit convoquer sans frais, devant le juge de paix, la famille et, à son défaut, les voisins et amis, à l’effet de nommer un curateur à l’absent.

Une loi du 16 fructidor de la même année vint étendre les mêmes dispositions aux officiers de santé et à tous les citoyens attachés au service des armées.

Puis la loi du 6 brumaire an V prit des mesures relativement à la conservation des propriétés des militaires absents, et déclara que toute prescription serait suspendue à leur égard et qu’ils ne pourraient être dépossédés de leurs meubles.

7. Enfin la loi du 13 janvier 1817 vint compléter la législation de cette matière ; en voici les principales dispositions :

Lorsqu’un militaire ou marin en activité pendant les guerres qui ont eu lieu depuis le 21 avril 1792 jusqu’au traité de paix du 2 novembre 1815, a cessé de paraître, avant cette dernière époque, à son corps et au lieu de son domicile ou de sa résidence, ses héritiers ou son épouse peuvent se pourvoir au tribunal de son dernier domicile, soit pour faire déclarer son absence, soit pour faire constater son décès. Leur requête et les pièces justificatives doivent être communiquées au procureur du gouvernement qui les transmet au ministre de la guerre ou de la marine.

C’est sur le vu de ces pièces, augmentées des renseignements qu’on aura pu recueillir au ministère de la guerre ou de la marine, que le tribunal doit prononcer. Il peut aussi ordonner les enquêtes prescrites par l’art. 116 du Code civil, pour confirmer les présomptions d’absence résultant desdites pièces et renseignements.

La preuve testimoniale du décès peut être ordonnée conformément à l’art. 46 du Code civil, s’il est prouvé qu’il n’y a pas eu de registres dans les corps, ou qu’ils ont été perdus.

Les dispositions du Code civil relatives aux absents auxquelles il n’est pas dérogé par la loi de 1817 continuent d’être exécutées.

8. En ce qui concerne l’absence des fonctionnaires, on peut la considérer à un double point de vue, absences autorisées : absences résultant de circonstances extraordinaires.

Dans le premier cas, des règlements particuliers à chaque nature de service indiquent sous quelles conditions les permissions de s’absenter peuvent être accordées aux fonctionnaires. (Voy. Congé.)

Dans le second cas, il faut distinguer s’il s’agit d’une absence momentanée, sans autorisation préalable, ou d’une fuite ou disparition. Le fonctionnaire qui a quitté son poste doit se justifier à son retour, en prouvant que des causes impérieuses l’ont contraint de s’éloigner ; à défaut de cette preuve, il pourrait être réprimandé, privé d’une partie de son traitement et même suspendu.

Dans le cas de fuite ou de disparition d’un fonctionnaire, les lois ont indiqué certaines mesures à prendre pour pourvoir à son remplacement immédiat, et à la gestion des intérêts publics. Ces devoirs sont plus sévères encore s’il s’agit de la disparition d’un comptable de l’État. C’est l’autorité municipale qui doit prendre dans ce cas toutes les mesures nécessaires : constatation de l’absence, avis à l’autorité supérieure, apposition des scellés, vérification de la caisse ; en un mot, exécution de tous les actes conservatoires.

bibliographie.

Traité du domicile et de l’absence, par A. T. Desquiron ; in-8o. Paris, H. Nicolle, 1812.

Traité des absents, suivant les règles consacrées par le Code civil, par A. G. de Moly ; in-8o. Toulouse, Vieusseux, 1822.

Traité de l’absence et de ses effets, par M. Biret ; in-8o. Paris, 1824.

Nouveau traité des absents, contenant les lois, arrêtés, décrets, avis au Conseil d’État, circulaires, ordonnances, publiés sur l’absence, etc… par M. Talandier. Paris, 1831.

Des Absents, etc., par Sermet. 1834.

Code et traité sur les absents, par L. C. Plasman ; 2 vol. in-8o. Paris, Delamotte, 1842.

Traité de l’absence, etc., par Demolombe.

Voy. aussi le Répertoire de Dalloz, etc., au mot Absence.