Dictionnaire de l’administration française/ALLUMETTES CHIMIQUES (Impôt sur les)

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ALLUMETTES CHIMIQUES (Impôt sur les). Nous donnons plus loin la définition légale de cette matière imposable.

sommaire.

chap. i. liberté de la fabrication et de la vente sous le régime d’un impôt, 1 à 6.
chap. ii. monopole exploité par une compagnie concessionnaire, 7 à 12.
chap. iii. contrôle. — fraudes. — pénalité, 13 à 22.


CHAP. I. — LIBERTÉ DE LA FABRICATION ET DE LA VENTE SOUS LE RÉGIME D’UN IMPÔT.

1. La loi du 4 septembre 1871, qui a établi une taxe de consommation intérieure sur les allumettes chimiques, a donné une définition précise des produits imposables. La voici :

« Sont considérées comme allumettes chimiques tous les objets quelconques amorcés ou préparés de manière à pouvoir s’enflammer ou produire du feu par frottement ou par tout autre moyen que le contact direct avec une matière en combustion.

« Les allumettes disposées de manière à pouvoir s’enflammer ou à prendre feu plusieurs fois seront taxées proportionnellement au nombre de leurs amorces. »

2. Sous l’empire de cette loi, la fabrication et la vente des allumettes chimiques appartenaient pleinement à l’industrie privée.

Les fabricants avaient à se pourvoir d’une autorisation de police, leurs établissements étant rangés parmi ceux que la législation qualifie : « dangereux et insalubres » ; mais, se plaçant exclusivement sur son terrain propre, l’administration fiscale reconnaissait le droit de fabriquer et accordait le crédit de l’impôt, jusqu’à la mise en consommation, à tous ceux qui se soumettaient au paiement d’une licence dont le taux était fixé à 20 fr. en principal.

En se munissant d’une licence de fabricant, les marchands en gros obtenaient de même le crédit du droit.

Les détaillants avaient simplement à réclamer une commission qui ne donnait lieu qu’à la perception d’un timbre de 10 centimes.

3. Fabricants, marchands en gros et détaillants étaient soumis à l’exercice des employés des contributions indirectes.

4. L’importation des allumettes chimiques était libre à toute destination ; mais, indépendamment du droit spécial de douane, qui était toujours perçu à l’entrée, les importateurs avaient à payer ou à garantir la taxe de consommation intérieure.

Les fabricants et les marchands en gros pourvus de la licence de fabricant n’avaient point à payer l’impôt sur les allumettes qu’ils exportaient.

Nulle condition de paquetage n’était imposée relativement aux allumettes déclarées pour l’exportation. Au contraire, les allumettes destinées à la consommation intérieure devaient être livrées en boîtes ou paquets de 50, 100, 200, 500 ou 1,000, avec une tolérance de 10 p. 100.

5. La perception de l’impôt était assurée par l’apposition de timbres ou de vignettes à la marque de la régie des contributions indirectes, et les boîtes ou paquets devaient être disposés de telle sorte que les timbres ou vignettes pussent y être appliqués d’une manière efficace. (Règl. d’admin. publ. du 29 nov. 1871.)

6. Primitivement, le tarif avait été fixé ainsi qu’il suit :

TABLE calibres. allumettes en bois. allumettes en cire, en amadou, en papier, en tissu et toutes autres que les allumettes en bois. Boîtes de 50 allumettes et au-dessous. 1c,5 5c,0 Boîtes de 50 à 100 allumettes. 3c,0 10c,0 Boîtes ou paquets de plus de 100 allumettes. 3c par centaine ou par fraction de centaine. 10c,0 par centaine ou par fraction de centaine.

La loi du 22 janvier 1872 porta à 4 centimes par centaine ou fraction de centaine la taxe applicable aux allumettes en bois.

CHAP. II. — MONOPOLE EXPLOITÉ PAR UNE COMPAGNIE CONCESSIONNAIRE.

7. Quelques mois après, par une loi du 2 août 1872, l’Assemblée nationale ordonna l’expropriation de toutes les fabriques d’allumettes chimiques et attribua à l’État le monopole de la fabrication et de la vente de ces sortes d’allumettes. Elle autorisa en même temps le ministre des finances à exploiter directement ce monopole ou à le concéder par voie d’adjudication ou à l’amiable.

8. C’est le système de l’adjudication qui a prévalu, et depuis le 1er  janvier 1875 une compagnie concessionnaire a le privilége exclusif de fabriquer et de vendre des allumettes chimiques, le Gouvernement ayant désintéressé tous les industriels qui avaient droit à indemnité, ce qui a entraîné une dépense de 30 millions environ.

9. Voici les conditions dans lesquelles la compagnie concessionnaire exploite le monopole :

L’adjudication est faite pour 20 années, avec faculté pour l’État et pour la compagnie concessionnaire de résilier le contrat à l’expiration de chaque période quinquennale.

Un cautionnement de 10 millions en numéraire ou en rentes sur l’État a été imposé à l’adjudicataire.

Le Gouvernement cède à l’adjudicataire ceux des immeubles expropriés qui sont jugés nécessaires à l’exploitation du monopole. Il cède également l’outillage reconnu propre à la fabrication. Le concessionnaire est autorisé, en outre, à construire deux fabriques nouvelles aux frais de l’État, sans toutefois que la dépense pour le Trésor puisse excéder 700,000 fr.

À l’expiration de la concession, l’adjudicataire devra rendre immeubles et outillage dans des conditions équivalentes à la situation originairement constatée. Il ne pourra réclamer une plus-value que relativement aux constructions et aménagements autorisés par le ministre. L’État reprendra en outre, suivant estimation par experts, les marchandises quelconques existant dans les fabriques.

10. Pour ce qui concerne la consommation intérieure, la compagnie concessionnaire est tenue, en toute hypothèse, de payer à l’État une redevance fixe de 16,030,000 fr. (Cahier des charges de l’adjudication du 5 septembre 1872.)

Si les ventes dépassent 40 milliards d’allumettes, sans excéder le chiffre de 42 milliards, elle doit payer en outre une redevance proportionnelle calculée à raison de 6c,01125 par 100 allumettes.

Enfin, si les ventes excèdent 42 milliards, elle doit verser au Trésor, d’après une répartition au prorata des ventes totales par espèce d’allumettes :

4c,0075 la centaine pour les allumettes au phosphore ordinaire en paquets de 3,500 ou en boîtes de 150 à 10 centimes ;

4c,8090 la centaine pour les allumettes au phosphore ordinaire en boîtes de 60 au prix de 5 centimes ;

6c,01125 la centaine pour les allumettes en bois au phosphore amorphe en boîtes de 100 et de 50 aux prix de 10 c. et de 5 c., et pour toutes les allumettes en cire, amadou, etc.

Quant aux ventes pour l’exportation, elles donnent lieu à une redevance de 0c,08 par 1,000 allumettes en bois, et de 4c,00 par 1,000 allumettes en cire.

Le ministre s’est d’ailleurs réservé le droit d’augmenter ces quotités jusqu’à concurrence de 0c16, pour les allumettes en bois, et de 9c, pour les allumettes en cire, après l’expiration de la première période quinquennale. (Convention du 11 décembre 1874.)

11. Les lois des 2 août 1872 et 15 mars 1873 avaient déterminé de la manière suivante le prix maximum des diverses espèces d’allumettes chimiques de consommation générale :

TABLE Allumettes en bois au phosphore ordinaire : par kilog. 2f 50c par boîte de 150 0 10 par boîte de 60 0 05 Allumettes en bois au phosphore amorphe : par boîte de 100 0 10 par boîte de 50 0 05 Allumettes en cire au phosphore ordinaire : par boîte de 40 0 10 Allumettes en cire au phosphore amorphe par boîte de 30 0 10

Le tout avec une tolérance de 10 p. 100 sur le nombre.

12. Par la convention du 11 décembre 1874 que l’Assemblée nationale a sanctionnée le 28 janvier 1875, la Compagnie a pris l’engagement de pourvoir à tous les besoins de la consommation en livrant à la vente, suivant des types approuvés par le ministre des finances, les diverses variétés d’allumettes comprises au tarif ci-après :

TABLE DÉSIGNATION DES ALLUMETTES par types et par espèce. PRIX de vente. 1° TYPES RÉGLEMENTAIRES. allumettes en bois. Au phosphore ordinaire : Paquet de 3,500 allumettes 2f00c Paquet d’un kilogramme, comprenant au moins 3,500 allumettes 2 00 Paquet de 1,000 allumettes 0 60 Paquet de 500. 0 30 Boîte de 150[1] 0 10 Boîte de 100[2] 0 10 Boîte de 60 0 05 Au phosphore amorphe : Boîte de 100 allumettes 0 10 Boîte de 50 0 05 allumettes en cire. Au phosphore ordinaire. — Boîte de 40 allumettes 0 10 Au phosphore amorphe. — Boîte de 30 2° TYPES DITS DE LUXE. allumettes en bois. I. Bois carré trempé en presse : A. Paquet de 500 allumettes 0 40 B. Paquet de 1,000 0 80 C. Boîte de 500 0 45 D. Portefeuille par 100 0 10 E. Portefeuille par 50 0 05 II. Bois carré trempé en presse paraffiné : Coulisse anglaise illustrée, par 75 allumettes 0 10 III. bois rond trempé en presse : A. Boîte de 500 allumettes 0 45 B. Portefeuille de 100 0 10 C. Portefeuille de 50 0 05 IV. Bois strié ou cannelé : Coulisse illustrée en couleur, par 500 allumettes 0 80 V. Allumettes suédoises paraffinées et au phosphore amorphe : A. Paquet de 1,000 allumettes 1 10 B. Boîte de 1,000 allumettes, munie d’un frottoir 1 20 C. Boîte de 550 0 65 D. Boîte de 250 0 35 E. Boîte de 50 0 10 allumettes en cire. I. Boîtes illustrées en trois couleurs et au-dessus. A. Prie-Dieu, par 50 allumettes 0 15 B. Tiroir, par 50 0 15 C. Coulisse, par 50 0 15 D. Tabatière, par 50 0 15 E. Tabatière, double couvercle, par 40 allumettes 0 15 F. Tabatière, double couvercle, par 25 allumettes, et 12 pièces amadou chimique 0 15 G. Coulisse, 30 pièces amadou 0 15 H. Coulisse illustrée, par 250 allumettes 0 70 I. Coulisse illustrée, par 500 1 20 J. Coulisse illustrée, par 40 allum. dites 5 minutes 0 25 II. Petit prie-Dieu illustré, par 33 allumettes 0 10

Tous ces produits doivent porter la marque de la Compagnie du monopole.

CHAP. III. — CONTRÔLE. — FRAUDES. — PÉNALITÉ.

13. L’action de contrôle du service des contributions indirectes n’est pas autorisée seulement dans les fabriques ; elle s’étend aux magasins des sous-traitants de la Compagnie et à tous les débits.

14. Il y a obligation pour la Compagnie ou pour les sous-traitants de délivrer une commission de débitant à tous les commerçants patentés qui en font la demande.

15. Dans leur région d’approvisionnement, c’est-à-dire dans la circonscription attribuée au même sous-concessionnaire, les débitants commissionnés doivent indistinctement obtenir la même remise sur les prix fixés pour la vente aux consommateurs. S’ils vendaient au-dessus de ces prix, ils encourraient la révocation, indépendamment des dommages-intérêts qui pourraient leur être réclamés.

16. L’importation des allumettes chimiques est prohibée, sauf les exceptions résultant des traités internationaux en vigueur. (L. 25 mars 1873.) En vertu de ces traités l’importation n’est d’ailleurs permise que pour l’usage personnel des consommateurs, et la quantité qui peut être introduite en France est limitée, pour chaque destinataire, à 5 kilog. par année. (L. 28 janvier 1875.)

17. En sus du droit spécial de douane, les allumettes importées sont passibles du la taxe de consommation intérieure fixée par les lois du 4 septembre 1871 et du 22 janvier 1872. Cette taxe est due à l’entrée. (L. 28 janvier 1875.) Toutefois l’administration des finances admet que le paiement en soit reporté au lieu de destination. Dans l’un et dans l’autre cas, il est délivré un acquit-à-caution que le destinataire est tenu de faire décharger par le service des contributions indirectes, après représentation des allumettes.

18. Au moment même de la perception de la taxe de consommation intérieure, les allumettes importées doivent être, par les soins du redevable, mises en boîtes ou paquets sous la marque de la régie des contributions indirectes.

19. La fabrication des allumettes chimiques en dehors des ateliers de la Compagnie concessionnaire est interdite sous les peines prononcées, pour fabrication frauduleuse, par la loi du 4 septembre 1871 et la loi du 22 janvier 1872 (amende de 100 fr. à 1,000 fr. ; confiscation des instruments de fabrication et des produits fabriqués). La circulation, le colportage, la vente des allumettes de fraude donnent lieu à la saisie et à l’application d’une amende de 300 fr. à 1,000 fr. Le colportage entraîne d’ailleurs l’arrestation des contrevenants. (L. 25 janvier 1875.)

20. Sont autorisés à constater les infractions au monopole, d’une part, les préposés des contributions indirectes, des douanes et des octrois, les gendarmes, les gardes forestiers, les gardes champêtres et tous autres agents publics assermentés, d’autre part, les agents spéciaux de la Compagnie concessionnaire qui ont été agréés et commissionnés par l’administration des contributions indirectes. (L. 15 mars 1873 ; l. 25 janv. 1875.)

21. Il appartient à la Compagnie de suivre les instances pour les contraventions constatées exclusivement par ses agents. La totalité des amendes et confiscations reste alors à sa disposition. Dans tous les autres cas, la suite des procès-verbaux est dévolue à la régie des contributions indirectes, et la Compagnie ne reçoit que la moitié des amendes et confiscations.

22. Le droit de transiger, c’est-à-dire de modérer les pénalités, existe pour la Compagnie et pour l’administration des contributions indirectes, même après jugement. (Cahier des charges du 5 septembre 1872, convention du 11 septembre 1871, L. 25 janvier 1875.)

Charles Roucou.

  1. Obligatoire seulement à partir du 1er juillet 1875.
  2. Type dont la vente n’est autorisée qu’à titre exceptionnel et seulement jusqu’au 1er  juillet 1875.