Dictionnaire de l’administration française/APANAGE

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APANAGE. 1. On appelait ainsi, sous l’ancienne monarchie, les dotations que le roi conférait à ses frères ou à ses fils puînés, exclus du trône par l’application du droit de primogéniture. Les apanages, nécessaires pour donner à ces princes les moyens de vivre d’une manière conforme à leur rang, étaient devenus obligatoires ; mais le roi pouvait les constituer inégaux, et les composer soit de seigneuries, d’immeubles et domaines, soit de rentes ou de revenus en fonds de terre ; il y en a eu qui ont consisté en provinces entières. Les collatéraux et les filles des concessionnaires ne succédaient point aux apanages, qui, alors, faisaient retour à la couronne. Si un prince apanagiste parvenait au trône, son avénement mettait fin à l’apanage, qui se réunissait au domaine de la couronne.

2. Issus du principe féodal, dont le caractère se retrouvait dans la plupart de leurs prérogatives, sujets à de graves inconvénients, les apanages furent soumis à une réforme par l’Assemblée constituante. Le décret du 13 août-21 septembre 1791, de même que celui du 21 décembre 1790, les maintint comme une obligation de l’État, mais défendit de les constituer en immeubles, et révoqua les concessions antérieures ; il décida que les fils puînés de France, élevés d’abord aux frais de la liste civile, recevraient, après leurs 25 ans accomplis, des rentes apanagères, déterminées par la législature, et assignées sur le Trésor national. La Constitution de 1791 consacra de nouveau la prohibition, pour l’avenir, de tout apanage réel. Par décret du 24 septembre 1792, la Convention déclara ne plus reconnaître de princes français, et supprima les apanages.

3. En rétablissant la liste civile, le sénatus-consulte du 28 floréal an XII régla la dotation des membres de la famille impériale appelés éventuellement à succéder au trône ; l’art. 15 rétablit indirectement les apanages par le renvoi qu’il fit à la loi du 21 décembre 1790. L’institution des apanages, avec le caractère réel et foncier, fut relevée et complétement organisée par le sénatus-consulte du 30 janvier 1810, relatif à la dotation de la couronne ; un titre entier est consacré aux règles générales, à la transmission, à la concession, à la fixation, aux charges, à la conservation, à l’extinction des apanages.

4. Malgré son attachement aux anciennes traditions, la Restauration ne rétablit point, d’une manière générale, les apanages des princes ; les lois sur la liste civile, en 1814 et en 1825, attribuèrent aux princes et princesses de la famille royale une somme annuelle pour leur tenir lieu d’apanages. Louis XVIII fit une exception en faveur de la branche cadette ; il reconstitua l’apanage de la maison d’Orléans, en lui rendant, par les ordonnances des 18 et 20 mai, 17 septembre et 7 octobre 1814, tous les biens encore disponibles qui en avaient autrefois fait partie. La légalité de ces ordonnances ayant été contestée, l’art. 4 de la loi du 15 janvier 1825, sur la liste civile de Charles X, régularisa ces concessions : « Les biens restitués à la branche d’Orléans, y est-il dit, et provenant de l’apanage constitué par les édits des années 1661, 1672 et 1692, à Monsieur, frère du roi Louis XIV, pour lui et sa descendance masculine, continueront à être possédés, aux mêmes titre et conditions, par le chef de la branche d’Orléans, jusqu’à extinction de sa descendance mâle, auquel cas ils feront retour au domaine de l’État. »

5. Conformément aux principes de l’ancien droit, Louis-Philippe étant devenu roi, la réunion de son apanage au domaine de la couronne fut ordonnée par la loi du 2 mars 1832, relative à la liste civile. Dès lors, il n’y eut plus d’apanage. L’héritier de la couronne reçut, sur les fonds du Trésor, une somme annuelle.

6. Quand le domaine privé du roi se réunit à celui de l’État, au moment de l’avénement au trône, l’obligation de doter les princes et princesses pèse naturellement sur l’État. La fusion des deux domaines n’eut pas lieu en 1830 ; aussi l’art. 21 de la loi du 2 mars 1832 statuait-il que l’État ne devrait pourvoir à ces dotations qu’en cas d’insuffisance du domaine privé. Ce texte ne disait pas que les dotations, quand elles seraient fournies par l’État, ne consisteraient point en immeubles ; en se fondant sur le silence de la loi, le président du Conseil porta à la Chambre des députés, le 26 janvier 1837, un projet de loi qui proposait de constituer en apanage à M. le duc de Nemours le domaine de Rambouillet et les forêts de Senonches, de Château-Neuf et de Monteraut ; mais ce projet fut retiré avant d’avoir été discuté. Le 25 janvier 1840, à l’occasion du prochain mariage de M. le duc de Nemours, un projet de loi pour une dotation en faveur de ce prince fut présenté à la Chambre des députés ; après une vive discussion générale, la Chambre déclara qu’elle ne passerait pas à la discussion des articles. Enfin, le Moniteur du 30 juin 1844 ayant publié un article qui annonçait l’intention de revenir sur cette demande de dotation, un débat s’éleva le jour même dans la Chambre élective, et, depuis, il ne fut plus question de dotations réelles pour les princes de la famille royale.

7. La reconstitution de la liste civile impériale en 1852 n’a pas admis les apanages ; l’art. 17 du sénatus-consulte du 12 décembre 1852 attribua aux princes et princesses de la famille impériale, non comme apanage, mais comme dotation, une somme annuelle de 1,500,000 fr. (Voy. Dotation de la Couronne, Liste civile.) A. Grün.