Dictionnaire de l’administration française/BLOCUS

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BLOCUS. 1. La législation relative au blocus tient une grande place dans le droit maritime international. Elle a varié suivant les époques et chez les différents peuples. Elle s’est inspirée souvent des exigences de l’intérêt privé ou des conseils de la force plutôt que des saines notions du droit. Son histoire se rattache à celle de la législation sur les droits des neutres et cette législation, on le sait, a été fréquemment débattue par les peuples les armes à la main. Il semble donc impossible d’énoncer une définition précise et généralement admise du mot blocus. — Toutefois, l’alliance de la Grande-Bretagne et de la France, dans la guerre déclarée à la Russie en 1854, a fourni l’occasion de fixer les principes essentiels qui peuvent être considérés comme définitivement acquis à la jurisprudence en matière de blocus et qui simplifieront dans l’avenir l’interprétation du droit international.

2. Dans la Déclaration relative aux neutres, concertée entre les cabinets de Paris et de Londres et publiée officiellement en France le 29 mars 1854, le gouvernement français « maintient intact son droit, comme puissance belligérante, d’empêcher les neutres de violer tout blocus effectif qui serait mis à l’aide d’une force suffisante devant les forts, les rades ou côtes de l’ennemi. » Pareil avis a été publié, dans des termes identiques, par le gouvernement anglais. Enfin, cette doctrine a été consacrée par la célèbre déclaration du 16 avril 1856 annexée au traité de paix qui a terminé la guerre de Crimée.

3. Quant au mode d’exécution du blocus, il a été réglé dans les instructions adressées, le 31 mars 1854, par le ministre de la marine aux commandants des escadres et des bâtiments de la marine militaire. Voici le texte de l’art. 7 de ces instructions, qui ont été également concertées avec le gouvernement anglais :

« Tout blocus, pour être respecté, devra être effectif, c’est-à-dire maintenu par des forces suffisantes pour qu’il y ait danger imminent de pénétrer dans les ports investis. La violation du blocus résulte aussi bien de la tentative de pénétrer dans le lieu bloqué que de la tentative d’en sortir après la déclaration du blocus, à moins, dans ce dernier cas, que ce ne soit sur lest ou avec un chargement pris avant le blocus ou dans le délai fixé par le commandant du blocus, délai qui devra toujours être suffisant pour protéger la navigation et le commerce de bonne foi. — Un blocus n’est, d’ailleurs, censé connu d’un bâtiment qui se dirige vers un port bloqué qu’après que la notification spéciale en a été inscrite sur ses registres ou papiers de bord par l’un des bâtiments de guerre formant le blocus… »

4. Des textes qui précèdent il résulte : 1° que le blocus peut être mis devant tout point quelconque du territoire ennemi, et non pas seulement devant une place forte ; 2° que tout blocus doit être effectif et appuyé d’une force suffisante ; 3° que la notification individuelle du blocus doit être faite aux navires neutres qui tentent de pénétrer dans un port bloqué, lors même qu’il y aurait eu précédemment notification diplomatique de gouvernement à gouvernement. Ainsi se trouvent supprimés les blocus de cabinet ou sur le papier, c’est-à-dire les blocus qui, suivant la doctrine longtemps soutenue par la Grande-Bretagne contre la plupart des nations maritimes, pourraient consister en une simple notification diplomatique énonçant que tel ou tel point est bloqué.

5. Dès l’origine, la France a adopté, pour l’exercice du blocus, les principes les plus favorables au droit des neutres, tels qu’ils ont été posés par les puissances du Nord lors de la première neutralité armée de 1780. Si, par le décret du 21 novembre 1806, l’empereur Napoléon Ier déclara les îles Britanniques en état de blocus, cet acte, qui doit être rangé au nombre des blocus sur le papier, n’avait été décidé, contrairement à la doctrine française, qu’en représailles d’un ordre du cabinet britannique du 16 mai 1806, ordre par lequel étaient déclarés bloqués les côtes, ports et rivières depuis l’Elbe jusqu’à Brest inclusivement. Aussi, dans une note officielle, rédigée en 1838, pour servir de règle aux navires de guerre français en matière de blocus, M. le comte Molé, ministre des affaires étrangères, a-t-il pu dire : « La France a admis les principes consacrés par le traité entre les puissances du Nord, qui lui fut notifié le 15 août 1780. Elle les a toujours suivis depuis lors, ou, si elle s’en est quelquefois écartée dans des circonstances exceptionnelles, ce n’a été que par représailles des prétentions émises par la puissance ennemie (l’Angleterre) avec laquelle elle était alors en guerre, prétentions qu’au reste elle n’a jamais reconnues. »

6. Enfin, la doctrine que l’on vient de résumer se trouve insérée dans un grand nombre de traités de commerce conclus entre la France et les pays d’Amérique : article additionnel du 21 août 1828 au traité avec le Brésil du 8 janvier 1826 ; — art. 20 du traité du 9 décembre 1834 avec la Bolivie ; — art. 19 du traité du 25 mars 1843 avec le Vénézuela ; — art. 18 du traité du 6 juin 1843 avec l’Équateur ; — art. 22 du traité du 28 octobre 1844 avec la Nouvelle-Grenade ; — art. 18 du traité du 8 mars 1848 avec le Guatemala, traité auquel la République de Costa-Rica a accédé par une convention du 12 mars 1848 ; — art. 18 du traité du 15 septembre 1849 avec le Chili ; — art. 19 du traité du 8 mai 1852 avec la République dominicaine.

Il n’est pas sans intérêt de reproduire les termes mêmes des stipulations sur la matière. Nous empruntons le texte suivant à l’art. 18 du traité conclu le 8 mars 1848 entre la France et la république de Guatemala :

« Dans le cas où l’un des deux pays serait en guerre avec quelque autre puissance, les citoyens de l’autre pays pourront continuer leur commerce avec les États belligérants, quels qu’ils soient, excepté avec les villes ou ports qui seraient réellement assiégés ou bloqués. Il est également entendu qu’on n’envisagera comme assiégées ou bloquées que les places qui se trouveraient attaquées par une force belligérante capable d’empêcher les neutres d’entrer… Dans aucun cas, un bâtiment de commerce, appartenant à des citoyens de l’un des deux pays, qui se trouvera expédié pour un port bloqué par l’autre État, ne pourra être saisi, capturé et condamné, si, préalablement, il ne lui a été fait une notification ou signification de l’existence du blocus par quelque bâtiment faisant partie de l’escadre ou division de ce blocus ; et, pour qu’on ne puisse alléguer une prétendue ignorance des faits, et que le navire qui aura été dûment averti soit dans le cas d’être capturé s’il vient ensuite à se représenter devant le même port pendant le temps que durera le blocus, le commandant du navire de guerre qui le rencontrera d’abord devra apposer son visa sur les papiers de ce navire, en indiquant le jour, le lieu, ou la hauteur où il l’aura visité et lui aura fait la signification en question, laquelle contiendra d’ailleurs les mêmes indications que celles exigées pour le visa. — Tous navires de l’une des deux parties contractantes qui seraient entrés dans un port avant qu’il fût assiégé, bloqué ou investi par l’autre puissance, pourront le quitter sans empêchement avec leur cargaison ; et si ces navires se trouvent dans le port après la reddition de la place, ils ne seront point sujets à la confiscation, non plus que leurs cargaisons, mais ils seront rendus à leurs propriétaires. »

7. La pénalité contre les navires qui forcent le blocus consiste dans la confiscation du navire et de la cargaison.

Les affaires de l’espèce sont portées devant des tribunaux spéciaux. (Voy. Prises.) C. Lavollée.