Dictionnaire de l’administration française/BREVET D’INVENTION

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BREVET D’INVENTION. 1. Arrêté ministériel par lequel le Gouvernement donne acte de sa déclaration à la personne qui prétend avoir fait une découverte ou invention industrielle et vouloir jouir des droits conférés aux inventeurs par la loi spéciale.

sommaire.

chap. i. introduction, 2, 3.
Sect. 1. Droit de l’inventeur, 4.
2. Droits de la société, 5.
3. Transaction entre l’inventeur et la société, 6.
4. Législation antérieure, 7.
chap. ii. nature du brevet d’invention, 8
Sect. 1. Du non-examen préalable, 9 à 12.
2. Publicité, 13 à 15.
3. Diverses espèces de brevets, 16 à 19.
chap. iii. objet du brevet d’invention, 20.
Sect. 1. Objets brevetables, 21 à 26.
2. Objets non brevetables, 27.
3. Nullités et déchéances, 28.
art. 1. nullité, 29, 30.
2. déchéances, 31, 32.
3. actions en nullité et déchéance, 33 à 37.
chap. iv. conditions et formalités, 38.
Sect. 1. Conditions générales.
art. 1. descriptions et dessins, 39 à 44.
2. taxe, 45, 46.
3. durée, 47 à 50.
Sect. 2. Conditions particulières, 51.
art. 1. aux certificats d’addition, 52 à 55.
2. aux brevets de perfectionnement, 56, 57.
3. aux inventions déjà brevetées à l’étranger, 58 à 60.
4. aux étrangers demandant un brevet en france, 61, 62.
Sect. 3. Formalités.
art. 1. demande, 63 à 65.
2. délivrance du brevet, 66 à 69.
3. formalités spéciales aux colonies et à l’algérie, 70.

chap. v. transmission ou cession, licence, 71 à 80.
vi. contrefaçon, 81 à 88.
Bibliographie.

chap. i. — introduction.

2. Le droit de l’inventeur est un produit de la civilisation moderne. Dans l’antiquité, le travail était le sort de l’esclave, il était, par conséquent, considéré comme dégradant. Au moyen âge, le travail, sans être suffisamment honoré, cesse peu à peu d’être un stigmate ; mais l’industrie était réglementée, enchaînée. Les procédés industriels étaient prescrits par l’autorité, et en s’en écartant, on commettait une contravention, un délit, quelquefois même un crime emportant peine infamante. C’est alors qu’au banquet de l’industrie il n’y avait point de place pour l’inventeur. Il fallut une révolution sociale pour la lui conquérir, et il ne l’obtint que sur les ruines d’un système industriel né de la barbarie et destiné à périr avec elle.

3. En France[1], le droit de l’inventeur fut reconnu pour la première fois par la loi du 7 janvier 1791. Mais à peine établi, il donna lieu à une controverse, qui dégénéra par moments en polémique ardente. Il s’agissait de déterminer la nature de ce droit et surtout des faveurs législatives qu’il convenait de lui accorder.

Les uns le nièrent tout à fait ou, du moins, répudièrent tout monopole au nom de la liberté et de l’intérêt social. D’autres, au contraire, comparèrent le droit de l’inventeur au droit de propriété et demandèrent qu’il fût absolu et perpétuel. La législation d’aucun pays civilisé n’a consacré l’une ou l’autre de ces opinions extrêmes, et le terme moyen qui a prévalu partout semble basé sur le raisonnement suivant.

Sect. 1. — Droits de l’inventeur.

4. Une découverte ou une invention. peut se faire de deux manières : fortuitement, par hasard, ou au moyen de recherches plus ou moins longues, plus ou moins pénibles.

Toute invention utile étant un service rendu à la société, et tout service méritant salaire ou récompense, il serait injuste de vouloir en frustrer l’inventeur favorisé par un heureux hasard. Ajoutons, du reste, que, dans la plupart des cas, il serait impossible de distinguer entre l’effet du hasard et le résultat des efforts de l’inventeur.

Mais un petit nombre seulement d’inventions sont dues au hasard. La plupart sont le produit de recherches quelquefois difficiles, souvent longues et coûteuses. Et pourquoi l’inventeur ne jouirait-il pas du produit de son travail comme tout autre ouvrier intellectuel ou manuel ? Pourquoi ne lui permettrait-on pas de rentrer dans ses déboursés ? Il est libre,.dira-t-on, d’exploiter son industrie. Mais si le seul moyen d’obtenir des capitaux consiste à jouir d’un privilège temporaire ? Or, sans capitaux il n’y a pas moyen d’exploiter.

Au surplus, l’injustice commise envers l’inventeur ne resterait pas sans punition ; peu de personnes risquant leur temps, leur travail et leur argent sans l’espoir d’un profit équivalent, la société se trouverait presque privée de toutes les richesses et de presque tous les perfectionnements qu’un système plus libéral lui aurait procurés.

Sect. 2. — Droits de la société.

5. Toutefois, le droit de l’inventeur n’est pas absolu. Il serait tout aussi injuste de lui donner trop que pas assez. Reconnaître la propriété absolue d’une invention, ce serait spolier la société tout entière au profit d’un seul.

En effet, l’inventeur n’a pas créé son œuvre de toutes pièces ; tout n’y est pas nouveau, la majeure partie est due au fonds accumulé par des siècles, peut-être même à un germe appartenant au domaine public.

De plus, l’idée trouvée aujourd’hui par l’un l’aurait peut-être été demain par un autre. Souvent encore la même idée vient a plusieurs personnes à la fois, et comment accorder un privilége perpétuel à celui qui aurait réclamé sa récompense quelques heures avant les autres ?

Il convient de dire qu’en s’appuyant sur ces raisons plus d’un esprit distingué a proposé de supprimer les brevets ; mais nous pensons que les mesures radicales sont rarement justes.

Sect. 3. — Transaction entre l’inventeur et la société.

6. En présence de deux droits opposés, il importe de faire équitablement la part de chacun. L’inventeur n’ayant, au fond, que le mérite de la priorité, en ce que son idée aurait été trouvée tôt ou tard, les lois lui accorderont un monopole seulement temporaire, considéré comme l’équivalent de la moyenne du temps qui se serait écoulé jusqu’à ce que l’invention eût été faite une seconde fois. On comprend que cette évaluation a dû être tranchée d’une manière presque arbitraire ; seulement, en fixant ce terme à quinze années, on ne l’a peut-être pas assez étendu.

En présence de ce privilége temporaire, l’inventeur doit à la société la communication sincère de son secret. S’il cherchait à éluder cette condition, il manquerait à ses engagements, et le contrat intervenu entre lui et la société serait nul de plein droit.

Sect. 4. — Législation antérieure.

7. La première loi française concernant les brevets d’invention fut votée le 30 décembre 1790, par l’Assemblée constituante, et sanctionnée par le roi le 7 janvier 1791. Peu après, le 25 mai 1791, le roi sanctionna un règlement d’administration publique, ou, comme on disait alors, règlement d’exécution, voté également par le pouvoir législatif. Cette seconde loi modifia en quelques points la première.

Un nouvel acte législatif intervint le 20 septembre 1792 pour annuler les 14 brevets pris jusqu’alors pour des combinaisons financières et pour interdire la délivrance de pareils brevets à l’avenir.

L’art. 357 de la Constitution de l’an III confirma solennellement le droit des inventeurs en ces termes : « La loi doit pourvoir à la récompense des inventeurs, ou au maintien de la propriété exclusive de leurs découvertes ou de leurs productions. »

Ces droits furent confirmés d’une manière peut-être encore plus éclatante à l’occasion de la discussion qui eut lieu à ce sujet dans le conseil des Cinq-Cents. Le 14 pluviôse an VI (2 fév. 1798), Eude présenta, au nom d’une commission de cette assemblée, un projet de résolution tendant à bouleverser l’économie de la loi du 25 mai 1791, et notamment à supprimer le principe de non-examen préalable. Or, après une enquête approfondie, cette même commission, et par l’organe du même rapporteur, rétracta (le 12 fruct. an VI) le premier rapport et demanda la confirmation des principes en vigueur.

Un arrêté du Directoire, du 17 vendémiaire an VII (8 oct. 1798), ordonne la publication de plusieurs brevets expirés.

Un arrêté des Consuls, du 5 vendémiaire an IX (27 sept. 1800), charge le ministre de l’intérieur de la signature des brevets.

Le décret du 25 novembre 1806, daté de Berlin, abroge l’art. 14 du titre 2 de la loi du 25 mai 1791 en ce qui concerne l’exploitation des brevets par actions.

Le décret du 25 janvier 1807, daté de Varsovie, fixe l’époque à laquelle commencent à courir les années de jouissance des diverses espèces de brevets.

Toute cette législation antérieure a été résumée et quelquefois profondément modifiée par la loi du 5 juillet 1844 actuellement en vigueur. Nous allons en faire connaître l’esprit et les principales dispositions dans les chapitres qui suivent.

chap. ii. — nature du brevet d’invention.

8. C’est par erreur qu’on a défini le brevet d’invention « un acte de l’autorité administrative qui confère à l’inventeur le droit exclusif d’exploiter… sa découverte ou son invention. » Par lui-même le brevet ne confère aucun droit, un tel pouvoir n’appartient qu’à la loi[2]. Le brevet n’est qu’un acte par lequel l’administration constate qu’elle a enregistré la déclaration de l’inventeur ou du prétendu inventeur de vouloir jouir du droit exclusif temporaire qu’il tient de la loi, et qu’elle a reçu le dépôt de la description et des dessins, ainsi que le montant des taxes qu’il doit fournir ou acquitter. Mais l’administration ne se propose nullement de certifier la réalité ni le mérite de l’invention et encore moins d’en garantir le succès. Elle se trouvera même quelquefois dans le cas de délivrer un brevet tout en le sachant entaché de nullité. Cette proposition découle du principe de non-examen qui domine la législation des brevets d’invention en France, principe qui, par cette raison, mérite que nous nous y arrêtions un instant.

Sect 1. — Du non-examen préalable.

9. La question de l’examen ou du non-examen préalable des brevets a été si souvent discutée qu’il suffit de lire les procès-verbaux de nos assemblées délibérantes pour trouver les arguments les plus spécieux ou les plus concluants en faveur de l’une ou l’autre opinion.

Une première réfutation de la doctrine de l’examen préalable est due à M. de Boufflers, le rapporteur de la loi du 7 janvier 1791. Dans sa réponse aux objections élevées contre cette loi, il dit relativement au principe de non-examen : « Cette loi, dit-on, est dangereuse par sa facilité. Où donc est le danger ? Est-ce que les plus grandes inepties seraient admises sans examen ? Oui ; mais aussi elles seraient rejetées sans scrupule, et alors elles tourneraient au détriment de leur auteur. Mais, dira-t-on, pourquoi jamais de contradicteur ? Mais, dirai-je à mon tour, pourquoi toujours des contradicteurs ? Le contradicteur que vous me demandez est absolument contraire à l’esprit de la loi : l’esprit de la loi est d’abandonner l’homme à son propre examen, et de ne point appeler le jugement d’autrui sur ce qui pourrait bien être impossible à juger. Souvent ce qui est inventé est seulement conçu et n’est point encore né ; laissez-le naître, laissez-le paraître, et puis vous jugerez. Vous voulez un contradicteur, je vous en offre deux, dont l’un est plus éclairé que vous ne pensez, et l’autre est infaillible, l’intérêt et l’expérience. — Me direz-vous que la loi ne doit rien faire qu’après un examen approfondi ? Cela est vrai pour les récompenses et les punitions qu’elle assigne à tel ou tel individu, mais non point pour la protection qu’elle accorde indistinctement à tous les êtres qui la réclament… Me demandez-vous ce qui prouve à la loi que cet homme dit la vérité ? Je vous réponds que la loi le présume et qu’elle attend qu’on lui prouve le contraire. — Enfin, quels étaient donc ces contradicteurs si regrettés[3] ? et qu’est-ce, en effet, que des censeurs en pareille occasion ? C’est un tribunal qui juge des choses qui n’existent point encore, et qui, à son gré, leur permet ou leur défend de naître ; un tribunal qui craint d’être responsable lorsqu’il autorise, et qui ne risque rien lorsqu’il proscrit ; un tribunal qui n’entend que lui-même, qui procède sans contradiction, et qui prononce sans appel dans des causes inconnues où l’expérience serait la seule procédure convenable et où le public est le seul juge compétent. Et à quels hommes osait-on confier une aussi étonnante magistrature à exercer dans le domaine de la pensée ? Les mieux choisis sans doute étaient les plus savants ; mais les savants eux-mêmes ne sont-ils pas quelquefois accusés d’être parties au procès ? Ont-ils toujours été justes envers les inventeurs ? Convenons-en, l’étude a peine à croire à l’inspiration, et les hommes accoutumés à tracer les chemins qui mènent à toutes les connaissances, supposent difficilement qu’on puisse y être arrivé à vol d’oiseau. »

10. Quelques années après, le principe du non-examen fut de nouveau mis en discussion. « Rien n’est plus mal conçu, disait alors[4] Eude dans un rapport au conseil des Cinq-Cents au nom d’une commission spéciale, que le système de faire délivrer le brevet sur le simple exposé de celui qui se prétend inventeur ; il peut en résulter une très-grande distribution de brevets illégitimes, également nuisibles au commerce et aux droits de ceux qui en ont justement. Il est donc essentiel que la concession n’en soit faite qu’à la suite d’un mûr examen et avec une très-grande connaissance de cause ; la saine raison le veut et l’intérêt des véritables inventeurs l’exige. Le moyen d’obtenir ce résultat est de soumettre les demandes de ce genre à un jury spécial. »

11. Après avoir fait une enquête consciencieuse sur cette matière encore neuve alors, le même rapporteur vint (le 12 fruct. an VI) réfuter lui-même les erreurs de son premier rapport.

« Le brevet d’invention, dit-il, n’est autre chose qu’un acte qui constate la déclaration faite par l’inventeur que l’idée qu’il se propose d’utiliser est à lui seul. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, qu’elle soit neuve ou ancienne, le point principal est de ne point l’étouffer dans sa naissance et d’attendre pour la juger qu’elle ait reçu tous ses développements. Il est juste qu’il en recueille les prémices, s’il dit vrai ; et s’il dit faux, elle sera bientôt réclamée par ceux qui l’auront employée avant lui. Au premier cas, l’acte qu’on lui donne est indispensable, puisque sans lui il n’aurait pas de titre pour agir contre ceux qui voudraient la lui dérober ; dans le second, il lui sera absolument inutile, car il ne l’empêchera pas d’être déchu du droit privatif qu’il aurait, sans fondement, essayé d’acquérir. — Les arts ne prospèrent point dans les entraves ; ils exigent pour leur accroissement une liberté pleine et entière ; il faut la leur garantir par des lois tutélaires. Gardons-nous donc de soumettre leurs productions à des formes tracassières, et surtout à des vérifications qui pourraient devenir très-souvent fallacieuses. — Il y a peu d’inconvénients à ce que le charlatan se rende lui-même la dupe de son ineptie ou de sa mauvaise foi ; mais il y en aurait beaucoup si le véritable inventeur se voyait sans cesse exposé à être supplanté par l’intrigue et la collusion. Et à quoi servirait de soumettre les demandes de brevets à un jury ? La proposition n’en avait été prise que dans l’intérêt de la société ; dès qu’il demeure constant qu’il ne peut souffrir de l’omission de cette formalité, si elle n’était pas dangereuse, elle serait tout au moins inutile[5]. »

12. À ces considérations on doit ajouter la suivante que M. Renouard a mise en lumière en ces termes :

« Un inconvénient insurmontable, attaché au système préventif, suffirait pour le rendre inadmissible. Pourrait-on, ou ne pourrait-on pas, attaquer comme nuls et illégaux, les brevets accordés après examen et autorisation ?

« Si les attaques sont recevables, on aggrave notablement la condition des brevetés, puisque les lenteurs, les désagréments, les chances d’un examen préalable ne suffisent pas pour les dispenser de futures contestations. Peut-être est-ce la garantie des lumières que l’administration leur offrait, qui aura suffi pour les rassurer : ils se seront endormis dans une confiance qu’ils n’auraient pas eue s’ils n’avaient pu compter que sur eux-mêmes, et ils ne se seront pas entourés des lumières qui les auraient éclairés sur leur faiblesse. Les décisions de l’administration, savoir, l’attention eu la bonne foi des juges examinateurs, seront remis en question et serviront de texte à de fâcheux débats.

« Si, pour échapper à ces inconvénients, on déclare, de plein droit, bien acquis les brevets préalablement autorisés, on tombera dans un danger plus sérieux. La concession d’un monopole n’est jamais gratuite, puisqu’elle prive tous les autres citoyens de l’imitation et de la concurrence. Mais, si cette concession a été l’effet d’une prévarication ou d’une erreur, comment interdire au public, ou aux particuliers dépouillés de droits qui leur étaient acquis, la possibilité d’un recours ; comment accorder a l’administration la faculté d’excéder impunément ses pouvoirs, et de franchir irrévocablement les limites de sa capacité, en créant un privilége exclusif sur une industrie qui n’était cependant pas juste matière de monopole, puisqu’elle appartenait déjà, soit à quelque autre privilégié, soit à l’universalité des citoyens ? »

Sect. 2. — Publicité.

13. Une des conséquences du principe du non-examen préalable, c’est la publicité. En effet, tout requérant pouvant obtenir un brevet, même pour un objet déjà breveté, il fallait, d’un côté, mettre les personnes de bonne foi en état de savoir si leur idée a réellement le mérite de la priorité, et de l’autre, diminuer pour l’administration les chances de délivrer un titre entaché de nullité.

La nécessité de la publicité des brevets découle encore du contrat intervenu entre l’inventeur et la société. Cette dernière n’interdit à ses membres l’exploitation immédiate d’une invention brevetée qu’en échange de la connaissance du moyen, du procédé de l’inventeur, du résultat nouveau qu’il a obtenu. C’est à ce point, qu’une description insuffisante ou de mauvaise foi est une cause de nullité pour le brevet. Au reste, la nécessité de la publicité a encore moins été contestée que le principe du non-examen préalable, car il est évident que le public doit connaître le privilége qu’il est tenu de respecter.

14. La section V de la loi du 5 juillet 1844 a réglé ce qui concerne la publicité. Cette publicité a lieu de plusieurs manières :

Les descriptions, dessins, échantillons et modèles des brevets délivrés, restent, jusqu’à l’expiration des brevets (art. 23), déposés au ministère de l’agriculture, du commerce et des travaux publics, où ils sont communiqués sans frais ni déplacement à toute réquisition. Après l’expiration du brevet, les originaux des descriptions et dessins sont déposés au Conservatoire des arts et métiers (art. 26).

La communication des brevets devient obligatoire dès que cet acte a été signé par le directeur du commerce intérieur (ou par le chef de bureau) délégué à cet effet par le ministre, ce qui a lieu environ trois à quatre semaines après le dépôt à la préfecture. Toutefois, les brevets de perfectionnement ou d’addition demandés dans la première année du brevet principal par une personne autre que l’inventeur, devant rester cachetés jusqu’à l’expiration de cette première année (art. 18), leur communication s’en trouve retardée.

Toute personne peut demander des copies des descriptions et des dessins déposés au ministère. Ces copies ne peuvent se faire que par les soins de l’administration, et sont délivrées aux prix de 25 fr. pour les descriptions et d’une somme proportionnelle pour les dessins.

15. Une publicité plus grande est réservée aux brevets pour lesquels l’inventeur a payé la deuxième annuité : les descriptions et les dessins sont publiés, c’est-à-dire imprimés aux frais de l’État, et le Recueil en est distribué aux préfectures, à des établissements publics, etc., et mis en vente. Sous le régime de la loi de 1791, les brevets n’étaient publiés qu’après leur expiration. La loi de 1844, plus logique, en prescrit la publication dès que le paiement de la deuxième annuité a prouvé que l’inventeur considère son invention comme sérieuse. On est cependant en droit de douter que le paiement de la deuxième annuité soit déjà une présomption suffisante en faveur du brevet.

La publication peut être faite in extenso ou par extrait.

Enfin, au commencement de chaque année l’administration publie un catalogue contenant les titres des brevets délivrés dans le courant de l’année précédente (art. 24), et un décret inséré au Bulletin des lois (art. 14), proclame tous les trois mois les brevets délivrés.

Sect. 3. — Diverses espèces de brevets.

16. La loi distingue expressément les brevets d’invention des certificats d’addition ; mais on pourrait ajouter qu’elle prévoit aussi des brevets de perfectionnement et des brevets d’importation.

Nous n’avons pas à nous arrêter au brevet d’invention que nous venons de définir. Quant au brevet de perfectionnement, il ne s’applique, comme le certificat d’addition, qu’à une invention déjà brevetée. Le certificat d’addition est délivré à l’inventeur ou à ses ayants droit ; le brevet de perfectionnement aux personnes étrangères à l’invention.

17. C’est à tort, ce nous semble, que M. Renouard considère le nom de brevet de perfectionnement comme supprimé. L’art. 19, que ce jurisconsulte éminent a particulièrement en vue, parle, il est vrai, de brevets pris pour une découverte, invention ou application se rattachant à l’objet d’un autre brevet, mais l’art. 18 admet qu’on peut prendre un brevet pour… un perfectionnement à l’invention qui fait l’objet du brevet primitif. Ce n’est pas là une affaire de mot, car la loi reconnaît de fait un brevet de perfectionnement en lui consacrant des dispositions spéciales, que nous ferons connaître plus loin, au chap. IV, n°s 56 et 57.

18. En ce qui concerne le brevet d’importation, le mot, il est vrai, a été supprimé par la loi de 1844 qui voulait en même temps faire disparaître la chose ; mais, en y regardant de près, on trouvera que la nouvelle législation n’a essentiellement modifié celle de 1791 que sur un point ; actuellement le brevet d’importation n’est plus accordé qu’à l’inventeur lui-même.

Sous le régime de la loi de 1791 un brevet d’importation ne pouvait être pris que pour des inventions brevetées dans un autre pays, ou peut-être pour quelque procédé tenu secret à l’étranger. Dans ce dernier cas, l’importateur, qui pouvait bien s’être mis en possession du secret d’une manière non avouable, préférait sans doute toujours passer pour inventeur et prendre un brevet ordinaire.

Si le procédé étranger avait déjà été publié dans un ouvrage quelconque, écrit en n’importe quelle langue, le brevet français était nul de plein droit en vertu du § 3 de l’art. 16 de la loi du 7 janvier 1791.

Enfin, relativement aux inventions déjà brevetées en d’autres pays, l’art. 9 de la même loi disposait que : « L’exercice des patentes (brevets) accordées pour une découverte importée d’un pays étranger ne pourra s’étendre au delà du terme fixé dans ce pays à l’exercice du premier inventeur. » Or, voici l’art. 29 de la loi de 1844 : « L’auteur d’une découverte déjà brevetée à l’étranger pourra obtenir un brevet en France, mais la durée de ce brevet ne pourra excéder celle des brevets antérieurement pris à l’étranger. » Le rapprochement que nous venons de faire nous semble prouver jusqu’à l’évidence que les anciens brevets d’importation continuent à être délivrés sous un autre nom et à peu près dans les mêmes conditions qu’autrefois, sauf qu’on ne les accorde plus qu’aux inventeurs.

19. La loi du 23 mai 1868 a encore créé des brevets qu’on pourrait appeler d’exposition ; nous reproduisons plus loin, n°s 62 à 64, les dispositions de cette loi destinées à rendre permanente une mesure prise lors de l’exposition universelle de 1867.

chap. iii. — objet du brevet.

20. Le principe de non-examen préalable formant la base de la législation spéciale, l’administration doit délivrer des brevets à toute personne, femme, mineur, interdit, et sur toutes choses. Cependant, la loi a prévu quelques exceptions, c’est-à-dire certains objets pour lesquels aucun brevet ne saurait être délivré. Il y a donc lieu de distinguer les objets brevetables de ceux qui ne le sont point, et parmi les premiers ceux qui ne peuvent pas l’être valablement.

Sect. 1. — Objets brevetables.

21. Sont brevetables tous les objets autres que les remèdes et les combinaisons financières (voy. n° 27). Mais pour que le brevet soit valable, c’est-à-dire pour qu’il puisse supporter l’épreuve d’un procès, il faut qu’il remplisse certaines conditions et que l’inventeur évite les causes de nullité et déchéance ; quant aux conditions de la validité d’un brevet, la loi les détermine ainsi :

« Toute nouvelle découverte ou invention dans tous les genres d’industries confère à son auteur, sous les conditions ou pour le temps ci-après déterminés, le droit exclusif d’exploiter à son profit ladite découverte ou invention… » (art. 1er).

« Sont considérées comme inventions ou découvertes nouvelles :

« L’invention de nouveaux produits industriels ;

« L’invention de nouveaux moyens ou l’application nouvelle de moyens connus, pour l’obtention d’un résultat ou d’un produit industriel. » (art. 2).

22. Nouveauté. Le brevet étant un contrat par lequel la société confère un privilége en échange d’une invention ou d’une découverte, il faut qu’il y ait invention, c’est-à-dire nouveauté. Les tribunaux sont seuls compétents pour juger le fait de la nouveauté et ils le font en appréciant chaque espèce, chaque cas particulier.

Les circonstances qui peuvent détruire la nouveauté sont assez variées. Il faut citer en premier lieu la publication faite en France ou à l’étranger (art. 31), et en n’importe quelle langue, d’une description suffisante pour que le produit ou résultat breveté puisse être obtenu. (Voy. la 2e édit. du Traité de M. Renouard, n° 42.)

La nouveauté d’une invention peut encore être détruite par un usage antérieur ou par la divulgation causée par l’inventeur ou par toute autre personne, même par des ouvriers infidèles ou par des moyens frauduleux. Toutefois, si la fraude a été employée pour obtenir un brevet, le véritable inventeur peut demander, devant les tribunaux, à être subrogé au lieu et place de celui qui lui a dérobé son secret.

Une publication postérieure à la date du dépôt de la demande, au contraire, ne détruit pas la validité du brevet, puisque tous les brevets délivrés sont publiés d’office même pendant la période du droit exclusif de l’inventeur. Il en résulte que lorsqu’on se propose de prendre un brevet à la fois dans plusieurs pays régis par une législation analogue à celle de la France, il convient de prendre des précautions pour qu’une publicité prématurée dans l’un n’infirme la validité des titres obtenus dans les autres pays. (Voy. la note du n° 60.)

23. Produit, résultat, moyen industriel. Il ne suffit pas que l’invention soit réelle, elle doit encore s’appliquer à un produit, moyen ou résultat industriel, ou à une application industrielle nouvelle d’un moyen connu.

Un produit est un objet susceptible d’entrer dans le commerce. Un résultat s’entend de tout effet utile relativement à la qualité, à la quantité, aux frais de production d’un produit industriel.

Dans la séance du 24 mars 1843, le rapporteur de la Chambre des pairs (M. le marquis de Barthélemy) a fait comprendre, à l’aide d’un exemple, la portée du mot résultat dont il propose l’adoption. « Lorsqu’on mettait de l’eau dans une chaudière destinée à produire de la vapeur, il s’incrustait à ses parois des matières blanchâtres qui détruisaient cette chaudière : on a trouvé le moyen, en y introduisant des pommes de terre, d’éviter l’incrustation. Il n’y a pas là un produit industriel, mais il y a un résultat industriel, en ce sens que les chaudières ne sont plus minées par ces espèces de petites croûtes qui se formaient sur leurs parois. »

Toutefois, pour être utilement brevetable, le résultat ne doit pas seulement être indiqué, mais réalisable par des procédés décrits par l’inventeur.

24. C’est avec raison que la loi reconnaît comme objet brevetable la découverte ou l’invention de moyens, agents ou procédés nouveaux pour obtenir un produit ou un résultat connu. La vapeur qui fait marcher le navire ou tourner la roue d’un moulin n’est qu’un moyen nouveau pour obtenir un résultat très-connu.

Les nouvelles applications de moyens déjà connus sont souvent tout aussi méritoires et valablement brevetables. Ainsi la pile de Volta avait déjà reçu plusieurs applications utiles lorsqu’on l’employa pour établir la télégraphie électrique.

Il en est de même pour beaucoup d’autres.

25. L’application nouvelle de moyens déjà connus a donné lieu, lors de la discussion de la loi à la Chambre des députés, à des observations intéressantes sur le § 3 de l’art. 30 dont nous croyons devoir donner un extrait. Ce paragraphe déclare la nullité de brevets portant sur des principes, méthodes, systèmes, découvertes et conceptions purement scientifiques, dont on n’a pas indiqué les applications industrielles. Ces derniers mots : « dont on n’a pas indiqué les applications industrielles », ont été ajoutés par suite d’amendements d’Arago et de M. Houzeau-Muiron.

Arago appuya son amendement[6] de considérations tirées de la simplicité des principes scientifiques sur lesquels reposent les inventions de Watt, l’application de la vis d’Archimède, la purification du gaz, la lampe de Davy et le zincage de fer. Sur ce dernier point, « je vais montrer, dit-il, que dans notre pays on a breveté, justement breveté, une idée se rattachant à un produit industriel ancien. Vous avez entendu parler du zincage. Le zincage moderne a été dédaigné pendant quelque temps, parce que dans l’opération on rendait, disait-on, le fer cassant. Les difficultés ont été vaincues. On peut maintenant revêtir le fer de zinc sans altérer les propriétés primordiales du fer. Eh bien ! l’idée de revêtir le fer de zinc pour le soustraire à la rouille, Malouin l’a publiée, il y a une centaine d’années. Mais les industriels disaient à Malouin : « Il y aura toujours quelques portions de fer dénudées, et la rouille les attaquera. Il y a plus : vous avez revêtu l’extérieur des tuyaux destinés à la conduite des eaux, mais l’intérieur se rouillera comme précédemment. » Le zincage était, abandonné. Cent ans s’écoulent. Un ingénieur français, M. Sorel, se présente et dit : « Vous vous trompez, quand vous croyez que le zinc ne garantit les tuyaux que dans la partie qu’il recouvre. J’affirme, moi, éclairé par la grande découverte de Volta, que le zinc place le fer dans des conditions électriques tout à fait différentes des conditions ordinaires ; j’affirme que le zinc rendra le fer négatif, que le fer ne s’oxydera pas même dans l’intérieur du tuyau, même là où pas une molécule de zinc existe. » M. Sorel a donc trouvé dans un produit non employé, dont personne ne faisait usage, auquel nul industriel ne songeait, des propriétés qui l’ont rendu extrêmement précieux. Qu’y a-t-il là si ce n’est une idée pure et simple ?

« Je demande que l’idée de Davy, qui a répandu la lampe de sûreté, puisse être brevetée. Je demande la même faveur pour l’idée de M. Sorel ; vous arriverez à ce résultat en ajoutant quelques mots seulement à votre article. »

26. L’importance relative de l’invention ne doit pas influer sur la validité du brevet. C’est ce que décident avec raison MM. Renouard, n° 66, Étienne Blanc, p. 257, Dalloz, t. VI, v° Brevet d’invention, n° 51 (p. 575), et ainsi l’a jugé la Cour de cassation. (30 déc. 1845, aff. Coulaux D. P. 46. 1. 46.)

Toutefois, les tribunaux sont juges de la réalité de l’invention, et ils peuvent et doivent ne pas reconnaître ce caractère à des modifications insignifiantes ou à de simples ornements.

Sect. 2. — Objets non brevetables.

27. L’art. 3 de la loi de 1844 déclare non susceptibles d’être brevetés :

1 ° Les compositions pharmaceutiques ou remèdes de toute espèce, lesdits objets demeurant soumis aux lois et règlements spéciaux sur la matière et notamment au décret du 18 août 1810 relatif aux remèdes secrets ;

2° Les plans et combinaisons de crédit ou de finances.

On sera peut-être surpris de cette dérogation au principe du non-examen préalable, d’autant plus que, relativement aux produits pharmaceutiques, la santé publique est protégée par une législation spéciale très-sévère. (Voy. Remèdes secrets.)

Cet article n’a d’ailleurs pas été adopté sans discussion. À la Chambre des pairs notamment, où il a été introduit comme amendement, Gay-Lussac disait : « Les préparations pharmaceutiques sont des composés nets, bien définis, préparés en grand, formant un objet de commerce intérieur et d’exportation, et nous les proscririons ? La loi que le ministre a apportée dans cette enceinte, en respectant cette large et juste protection que la loi de 1791 accorde à toutes les industries, en sortirait moins grande, tout amoindrie. »

« Je réclame au nom du droit commun, dit à son tour M. le baron Charles Dupin, au nom de la liberté des citoyens, pour qu’une grande industrie, une industrie respectable et savante, ne soit pas déshéritée du privilége universel des inventeurs. »

La haine du charlatanisme, dit-on, a fait prévaloir la prohibition, malgré ces considérations et malgré la dérogation au principe fondamental de la loi qui en résulte. C’est peut-être regrettable ; car, d’un côté, une loi est d’autant plus facile à exécuter qu’elle a moins d’exceptions, et de l’autre, le charlatanisme étant, comme dit M. Renouard, un Protée qui sait varier ses formes et qui échappe sans grande peine à la lettre de la loi, les entraves qu’on crée contre une seule de ses innombrables formes ne produisent pas autant de bien que l’exception peut avoir d’inconvénients.

Les mêmes arguments auraient pu être invoqués en faveur d’un renvoi à l’art. 30 de la prohibition de délivrer des brevets pour des plans et combinaisons de crédit. N’a-t-on pas cru devoir renvoyer à cet article les brevets délivrés pour des inventions contraires à la sûreté de l’État ? Il s’ensuit que le même ministre qui aurait refusé un brevet pour un projet de tontine, pourrait être obligé de signer un arrêté en faveur d’une machine infernale.

Sect. 3. — Nullités et déchéances.

28. La loi de 1844 distingue avec raison entre les cas de nullité et de déchéance. Les brevets déclarés nuls sont censés n’avoir jamais existé, tandis qu’un brevet tombé en déchéance a été valable jusqu’au moment où se sont produits les faits pour raison desquels la déchéance’ a été postérieurement prononcée.

art. 1. — nullité.

29. Le principe du non-examen préalable, c’est-à-dire le système répressif, devait nécessairement être accompagné d’une pénalité contre les titres surpris en dehors de l’esprit et peut-être de la lettre de la loi. De là les cas de nullité énumérés ainsi dans l’art. 30 de la loi de 1844.

« Seront nuls et de nul effet les brevets délivrés dans les cas suivants :

« 1° Si la découverte, invention ou application n’est pas nouvelle (voy. suprà, n° 22) ;

« 2° Si la découverte, invention ou application n’est pas, au terme de l’art. 3, susceptible d’être brevetée (voy. n° 29). Nous croyons devoir ajouter ici une observation qui n’est peut-être pas sans importance.

C’est par erreur que MM. Renouard (2e édit., n° 60) et Dalloz (v° Brevet d’invention, n° 249) comptent parmi les découvertes non susceptibles d’être brevetées les méthodes et les systèmes purement scientifiques. L’administration ne saurait refuser de brevet que pour les inventions expressément mentionnées à l’art. 3. Les méthodes, etc., ne s’y trouvant pas mentionnées, le brevet sera délivré, seulement il pourra être déclaré nul par les tribunaux.

Il n’est pas exact non plus de dire (Dalloz, même numéro) que : « Il faut assimiler aux inventions non susceptibles d’être brevetées, aux termes de l’art. 3, les perfectionnements qui ne consistent que dans de simples changements de forme, etc. » Ces prétendus perfectionnements sont, au contraire, parfaitement susceptibles d’être brevetés, c’est-à-dire l’administration doit délivrer le brevet, seulement les ayants droit peuvent en faire prononcer la nullité par les tribunaux. Qu’on ne prenne pas notre observation pour une chicane de mots ; il s’agit du principe de non-examen dont on ne doit pas s’écarter arbitrairement.

Nous reprenons le texte de la loi.

« 3° Si les brevets portent sur des principes, méthodes, systèmes, découvertes et conceptions théoriques ou purement scientifiques, dont on n’a pas indiqué les applications industrielles (voy. n° 23) ;

« 4° Si la découverte, invention ou application est reconnue contraire à l’ordre ou à la sûreté publique, aux bonnes mœurs et aux lois du royaume, sans préjudice, dans ce cas et dans celui du paragraphe précédent, des peines qui pourraient être encourues pour la fabrication ou le débit d’objets prohibés ;

« 5° Si le titre sous lequel le brevet a été demandé indique frauduleusement un objet autre que le véritable objet de l’invention. »

Cette disposition a principalement pour but d’atteindre ceux qui voudraient éluder la prohibition portée par l’art. 3 de la loi de 1844 (voy. suprà, n° 27). Mais ce serait agir contre l’esprit et la lettre de ce paragraphe, que de déclarer nul un brevet parce que le titre en aurait été mal rédigé par un inventeur illettré, et sans but frauduleux.

« 6° Si la description jointe au brevet n’est pas suffisante pour l’exécution de l’invention, ou si elle n’indique pas, d’une manière complète et loyale, les véritables moyens de l’inventeur. »

En effet, le brevet est le titre d’un contrat synallagmatique intervenu entre l’inventeur et la société, dans lequel celle-ci accorde au premier un privilége en échange de son secret. Or, si l’inventeur ne livre pas son secret, la société ne doit pas le privilége.

« 7° Si le brevet a été obtenu contrairement aux dispositions de l’art. 18. » (Voy. n°s 51 à 56.)

30. La nullité d’un brevet ne peut être prononcée que par les tribunaux.

art. 2. — déchéances.

31. La déchéance est une peine encourue par l’inventeur pour la non-exécution d’une clause de son traité. Elle ne peut également être prononcée que par les tribunaux ; toutefois l’effet du jugement remonte au moment où se sont produits les faits qui ont motivé la déchéance. Les causes de déchéance prévues par l’art. 32 de la loi de 1844, modifié sur ce point par la loi du 31 mai 1856, sont les suivantes :

« Sera déchu de tous ses droits :

« 1° Le breveté qui n’aura pas acquitté son annuité avant le commencement de chacune des années de la durée de son brevet. » (L. de 1844 et de 1856.)

C’est par erreur que M. Dalloz (voy. Brevet d’invention, n° 257) pense que le breveté est admissible, tant que la déchéance n’a pas été demandée ou prononcée, à acquitter l’annuité arriérée. Les termes de la loi sont absolus, et il n’appartient à personne de les interpréter assez librement pour en modifier le sens. Du reste, c’est le non-paiement de l’annuité qui est la véritable cause de la déchéance qui n’est pour ainsi dire qu’homologuée par le tribunal[7], et cette déchéance remonterait au lendemain du jour où la taxe était due quand même l’inventeur en aurait acquitté plusieurs annuités depuis. Seulement le Trésor ne devrait pas profiter de l’erreur et l’inventeur devrait pouvoir réclamer le remboursement des fonds versés par lui après avoir encouru la déchéance effective.

Il est à regretter que la loi n’ait pas chargé l’administration, comme le demandait, par exemple, M. Renouard, de déclarer d’office la déchéance des inventeurs n’ayant pas acquitté en temps utile l’annuité due par eux ; on eût ainsi évité bien des difficultés et des inconvénients.

« 2° Le breveté qui n’aura pas mis en exploitation sa découverte ou invention en France, dans le délai de deux ans, à dater du jour de la signature du brevet, ou qui aura cessé de l’exploiter pendant deux années consécutives, à moins que, dans l’un et l’autre cas, il ne justifie des causes de son inaction. (L. de 1844 et de 1856.)

« 3° Le breveté qui aura introduit en France des objets fabriqués en pays étranger et semblables à ceux qui sont garantis par son brevet.

« Sont exceptés des dispositions du précédent paragraphe, les modèles de machines dont le ministre de l’agriculture et du commerce pourra autoriser l’introduction dans le cas prévu par l’art. 29. » (L. de 1844.)

C’est seulement ce second alinéa qui se trouve modifié par la loi de 1856. Voici la nouvelle rédaction : « Néanmoins le ministre de l’agriculture, etc., pourra autoriser l’introduction : 1° des modèles de machines ; 2° des objets fabriqués à l’étranger, destinés à des expositions publiques et à des essais faits avec l’assentiment du Gouvernement. »

32. Dans le projet primitif on avait, dans le cas de récidive, déclaré déchu de leur brevet les inventeurs qui mentionneraient la qualité de breveté ou leur brevet sans y ajouter ces mots : sans garantie du Gouvernement. Mais cette peine ayant paru trop forte, un amendement, soutenu par M. Renouard, la fit réduire an double de l’amende de 50 à 1,000 fr., encourue à la première condamnation.

art. 3. — actions en nullité et déchéance.

33. L’action en nullité et en déchéance, ainsi que toutes contestations relatives à la propriété des brevets, doivent être portées devant les tribunaux civils de première instance (art. 34).

34. Cette action peut être exercée par toute personne y ayant intérêt (art. 34), et dans certains cas par le ministère public (art. 37).

L’intervention du ministère publie ne saurait être qu’incidente dans les actions en déchéance intentées par des particuliers. À cet effet, toutes les affaires de cette nature doivent être communiquées au procureur de la République (art. 36).

Le ministère public n’a le droit d’initiative, c’est-à-dire d’exercer l’action principale, que lorsqu’il s’agit de faire déclarer la nullité de brevets : 1° pris pour des découvertes qui, aux termes de l’art. 3, ne sont pas susceptibles d’être brevetées ; 2° obtenus pour des inventions contraires à l’ordre public, aux bonnes mœurs, aux lois ; 3° demandés sous un titre indiquant frauduleusement un objet autre que le véritable objet de l’invention (art. 30). Relativement aux autres cas de nullité énumérés dans l’art. 30, l’intervention du ministère public est également incidente, l’initiative appartenant aux particuliers y ayant intérêt.

35. Les mots que nous venons de souligner ayant donné lieu à une discussion dans la Chambre des députés, le rapporteur, Ph. Dupin, les justifia de la manière suivante :

« La pensée qui a présidé à la rédaction du projet est celle-ci : En France, on ne connaît pas d’action publique exercée par de simples citoyens ; ce serait le seul exemple où un particulier serait admis, dans un intérêt social et non personnel, à intenter une action devant les tribunaux ; ce serait une chose exorbitante d’introduire une disposition aussi anormale dans les lois. On a donc réduit le droit de demander la déchéance au cas où le demandeur avait un intérêt personnel. Mais l’intérêt peut être dans l’avenir comme dans le passé ou dans le présent. Ainsi, un fabricant voudra faire usage d’une machine brevetée ; par exemple, un marchand de drap voudra se servir de ce qu’on appelle une tondeuse, il aura le droit d’attaquer celui qui, sans droit, aurait pris un brevet pour cette machine. Mais il faut qu’il y ait un intérêt réel, sérieux, justifié. Les tribunaux l’apprécieront, la loi ne saurait le déterminer à l’avance. »

Les mêmes motifs ont fait conférer au ministère public le droit d’intervention. Lui seul peut parler au nom de la société, lui seul peut demander la nullité absolue d’un brevet. À défaut de son intervention, il y aurait nécessairement autant de procès que de personnes intéressées à faire prononcer la nullité ou la déchéance d’un brevet.

36. Afin de diminuer les frais, l’affaire doit être instruite et jugée dans la forme présenté, pour les matières sommaires, par les art. 405 et suivants du Code de procédure civile (art. 36).

Si la demande est dirigée en même temps contre le titulaire et contre un ou plusieurs cessionnaires partiels, elle doit être portée devant le tribunal du domicile du titulaire du brevet (art. 35).

Sont considérés comme cessionnaires ou ayants droit, ceux dont les titres ont été enregistrés au ministère de l’agriculture et du commerce (art. 38).

37. Il doit être donné avis à ce ministère des nullités et déchéances prononcées et ayant acquis force de choses jugées pour qu’elles soient publiées dans le Bulletin des lois (art. 39 et 14).

chap. iv. — conditions et formalités.

38. En échange du monopole temporaire qu’elle lui confère, la loi a imposé à l’inventeur certaines conditions et formalités que nous allons faire connaître.

Sect. 1. — Conditions générales.
art. 1. — descriptions et dessins.

39. La première condition imposée à tout inventeur qui demande un brevet, c’est de livrer son secret. Il le fait en annexant à sa demande une description de son invention et les dessins et échantillons nécessaires à leur intelligence.

L’inventeur a un double intérêt à ce que sa description soit sincère. D’abord parce que son invention est d’autant mieux protégée quelle est plus clairement et plus complétement décrite, et ensuite parce qu’une description obscure, insuffisante ou infidèle est une cause de nullité. (Voy. n° 29.)

40. La description ne saurait être écrite en langue étrangère (art. 6), ce qui n’exclut nullement l’emploi de termes techniques qui leur sont empruntés.

Elle doit être sans altération ni surcharge. Les mots rayés comme nuls doivent être comptés et constatés, les pages et renvois paraphés. Elle ne doit contenir aucune dénomination de poids et mesures autres que celles qui sont portées au tableau annexé à la loi du 4 juillet 1837 (art. 6). Elle doit être faite en deux exemplaires identiques et signée. L’un des exemplaires doit porter en tête le mot original, et l’autre le mot duplicata.

On doit laisser aux descriptions et dessins une marge suffisante pour les mentions que l’administration est chargée d’y inscrire. (Inst. 1er déc. 1865.)

41. La description ne doit renfermer qu’un seul objet principal, ce qui n’exclut pas le développement des détails qui s’y rattachent. Lorsque l’invention consiste en un nouveau moyen, on peut indiquer les diverses applications dont on le croit susceptible, mais on n’est breveté que pour celles qu’on énonce ; un autre pourrait être valablement breveté pour les applications du même moyen qui ne seraient pas indiquées dans le premier brevet. Il en est de même lorsqu’on invente un nouveau produit qu’on peut obtenir par plusieurs procédés.

42. Il importe que le titre donné au brevet réponde bien à l’objet décrit. Dans le cas contraire, mais surtout si l’on découvre une intention de fraude, le brevet court le risque d’être annulé.

43. D’un autre côté, il n’est pas de rigueur que la description indique expressément ce qu’il y a de nouveau dans le procédé ou le produit breveté. Elle peut au besoin embrasser des objets et des procédés déjà connus, mais le brevet ne protège que ce qu’il y a de nouveau. Toutefois, il est prudent d’éviter toute confusion qui pourrait en rendre la distinction difficile, ou même faire naître le soupçon de mauvaise foi, sous peine d’encourir la nullité.

44. Les dessins et les échantillons ne sont une annexe obligatoire que lorsqu’ils sont indispensables pour l’intelligence de la description. L’inventeur, il est vrai, est le premier juge de cette nécessité ; mais, dans le doute, il fait bien de donner plutôt trop que pas assez.

Les dessins doivent être tracés à l’encre d’après une échelle métrique (art. 6). Les dessins tracés au crayon sont refusés.

art. 2. — taxe.

45. Chaque brevet donne lieu au paiement d’une taxe de 100 fr. par an (art. 4) pendant toute la durée du privilége. Faute d’avoir acquitté cette annuité avant le commencement de chacune des années de la durée de son brevet (art. 32), l’inventeur est déchu de tous ses droits, sans qu’il y ait possibilité de le relever de la déchéance.

La taxe ou les annuités se paient, dans les départements, à la caisse du trésorier-payeur général, et à Paris à la recette centrale.

46. La taxe des brevets a un double but. Elle est d’abord un impôt. L’institution des brevets d’invention occasionne des frais, et l’on veut que l’inventeur, qui en profite d’une manière particulière, y contribue spécialement. Le brevet étant, en outre, productif de revenu — du moins on espère qu’il le sera, — et chaque revenu devant contribuer aux charges générales de l’État, on trouve naturel d’imposer également le produit des inventions.

Le second but de la taxe est de poser un frein aux demandes inconsidérées de brevets pour les idées les plus vaines et les plus absurdes. La taxe est ici l’un des contre-poids du non-examen préalable. Néanmoins elle a été souvent attaquée, dans l’intérêt des inventeurs peu aisés notamment, lors de la discussion aux Chambres. Mais en inaugurant, comme on l’a fait alors sur la proposition de MM. Bethmont et Taillandier, le système du paiement par annuité, on a donné une certaine satisfaction à cette tendance. Il nous semble qu’il y a lieu de faire un pas de plus, car il y a des inventeurs qui ne trouvent même pas les 100 fr. nécessaires pour la première annuité ou qui craignent de mal placer leur secret tant qu’ils n’ont pas le titre qui les protége. Ne serait-il pas possible d’instituer dans les préfectures un dépôt provisoire gratuit de 3 à 6 mois qui permettrait aux inventeurs de chercher des capitaux, sans avoir à craindre un abus de confiance ?

Ainsi, l’inventeur déposerait à la préfecture sa demande accompagnée de la description et des dessins, mais sans le récépissé du paiement de la première annuité. Ces pièces, renfermées dans une enveloppe cachetée, seraient enregistrées sommairement et resteraient à la préfecture jusqu’au moment où l’inventeur apporterait ce récépissé. On dresserait alors le procès-verbal et on enverrait le paquet cacheté contenant la demande, etc., au ministère de l’agriculture et du commerce qui délivrerait le brevet.

art. 3. — durée.

47. L’art. 4 de la loi du 5 juillet 1844 fixe la durée d’un brevet à 5, 10 ou 15 ans, au choix de l’inventeur. Cette disposition est une reproduction de l’art. 8 de la loi du 7 janvier 1791 qui eût peut-être été modifié si, au moment du vote de cet article, on avait prévu l’introduction par amendement du système des annuités. En effet, sous le régime de la nouvelle législation, l’inventeur étant toujours libre de réduire la durée légale de son brevet en cessant le paiement des annuités, il sera en général intéressé à demander le terme le plus long, quinze années.

Il est probable que, lors d’une nouvelle révision de la loi, ou l’inventeur deviendra libre d’indiquer tel nombre d’années qu’il jugera à propos, 7, 9, 12 ans, par exemple, pour finir un bail, ou, ce qui vaudrait peut-être mieux, la loi fixerait une durée maximum uniforme permettant à l’inventeur de l’abréger en cessant de payer l’impôt spécial ou l’annuité.

Cependant, malgré le régime de l’annuité, la fixation préalable de la durée du brevet a une certaine importance à cause de l’art. 20, dont nous parlerons au chapitre des transmissions (n°s 71 et suiv.).

En tout cas, il est nécessaire de mentionner, dans la demande, la durée qu’on entend assigner au brevet. (Inst. min. 1er déc. 1865.)

48. En fixant le maximum de la durée à 15 ans, on n’a fait que suivre un usage anciennement établi en France, et assez généralement suivi dans d’autres pays[8]. Cependant ce nombre de 15 ans est arbitraire, comme beaucoup d’autres nombres analogues fixés par les lois dans l’intérêt des transactions commerciales, de la défense des prévenus, etc.

49. La durée du brevet ne peut être prolongée que par une loi (art. 15), tant dans l’intérieur des 15 ans que pour aller au delà de ce maximum. En revanche, l’inventeur peut abréger la durée du brevet non cédé ni transmis en discontinuant de payer les annuités. (Voy. infrà, n°s 71, 73.)

50. La durée du brevet court du jour du dépôt de la demande au secrétariat de la préfecture.

Sect 2. — Conditions particulières.

51. La loi du 5 juillet 1844 a encore prévu quatre cas particuliers dans lesquels l’inventeur peut se trouver. Il peut :

1° Demander un certificat d’addition pour le brevet dont il est propriétaire ;

2° Demander un brevet pour un perfectionnement se rattachant à l’invention brevetée d’un autre ;

3° Demander un brevet pour un objet déjà breveté à l’étranger ;

4° Être étranger et demander un brevet en France.

art. 1. — certificat d’addition.

52. L’inventeur ou ses ayants droit, qui désirent apporter à l’invention des changements, perfectionnements ou additions, ont le choix entre deux moyens :

1° Prendre un nouveau brevet principal qui courrait 5, 10 ou 15 ans à partir du dépôt comme tout autre brevet ordinaire, dont il ne se distinguerait en aucune façon (art. 17).

2° Demander un certificat d addition, qui ne coûte que 20 fr. une fois payés, tout en ayant les mêmes effets que le brevet principal avec lequel, toutefois, il fait corps et prend fin (art. 16).

Les formalités à remplir sont, du reste, les mêmes que celles prescrites relativement aux brevets d invention. (Voy. infrà, n°s 63 et suiv.)

53. Le droit de prendre un certificat d’addition est réserve au propriétaire du brevet. Il conserve ce droit pendant toute la durée de son monopole. De plus, pendant la première année, personne n’obtient de brevet se rattachant, comme perfectionnement, à son invention. Cette disposition, qui remplace les brevets provisoires du projet primitif, a pour but de donner à l’inventeur le temps d’expérimenter ses moyens en grand sans crainte de perdre le bénéfice de la nouveauté ; c’est souvent dans ce moment qu’il trouve les améliorations les plus utiles.

L’inventeur qui a vendu son brevet n’a plus le droit de prendre un certificat d’addition ; il n’est plus propriétaire de son brevet.

54. La taxe n’est que de 20 fr. lors même qu’il s’agit de plusieurs changements ou additions, contenus toutefois dans la même demande.

55. Les certificats d’addition pris par l’un des ayants droit profitent à tous les autres.

art. 2. — brevet de perfectionnement.

56. Nous croyons devoir donner le nom de brevets de perfectionnement à ceux dont l’objet se rattache à une invention non encore tombée dans le domaine public. Pour obtenir un brevet de perfectionnement, il faut remplir les mêmes formalités et payer la même taxe que pour un brevet ordinaire.

Mais si la demande est déposée dans le cours de la première année du brevet principal, elle reste, sous cachet, au ministère de l’agriculture et du commerce, jusqu’à l’expiration de cette année. Alors seulement le cachet est brisé et le brevet délivré (art. 18).

L inventeur ayant, dans la première année, la préférence pour toutes les améliorations se rattachant à son invention, le brevet de perfectionnement obtenu pendant ou à la fin de la 1er année serait nul s’il se rencontrait par hasard avec le certificat d’addition, lors même que la date du dépôt de ce dernier serait postérieure à celle du dépôt de la demande du brevet de perfectionnement.

57. Les rapports entre le propriétaire du brevet principal et celui du brevet de perfectionnement sont indiqués en ces termes par l’art. 19 de la loi de 1844 : « Quiconque aura pris un brevet pour une découverte, invention ou application se rattachant à l’objet d’un autre brevet, n’aura aucun droit d’exploiter l’invention déjà brevetée, et réciproquement le titulaire du brevet primitif ne pourra exploiter l’invention, objet du nouveau brevet. »

art. 3. — inventions déjà brevetées à l’étranger.

58. Nous avons déjà eu l’occasion de dire que, malgré la différence des termes, la loi de 1844 reproduit les dispositions essentielles de la loi de 1791 sur les inventions déjà brevetées à l’étranger. Le changement le plus important est indiqué par le mot que nous soulignons dans l’art. 29 de la nouvelle loi, ainsi conçu : « L’auteur d’une invention ou découverte déjà brevetée à l’étranger pourra obtenir un brevet en France ; mais la durée de ce brevet ne pourra excéder celle des brevets antérieurement pris à l’étranger. » (Voy. n° 71.)

59. Il en résulte que, dans sa demande, l’inventeur doit déclarer sa qualité de breveté à l’étranger et indiquer le terme auquel prendra fin le brevet pris dans un autre pays. Lorsqu’un brevet pris dans plusieurs pays aura une durée différente dans chacun d’eux, on indiquera le terme le plus rapproché, c’est-à-dire la durée la plus courte.

60. Il y a lieu de prendre quelques précautions pour que le brevet ne soit pas demandé après que la description a déjà reçu de la publicité à l’étranger. L’appréciation du fait de la publicité est du ressort des tribunaux, seulement il nous semble évident que cette publicité ne saurait dater du jour du dépôt de la demande à l’étranger, mais tout au plus du jour de la publication officielle ou volontaire de la description ou du moins de la signature du brevet. Si l’on voulait faire dater la publicité du jour du dépôt, l’art. 29 n’aurait aucun sens, ce qu’on ne saurait admettre[9].

La loi de 1844 n’empêche pas les Français, comme l’a fait celle de 1791, de se faire breveter à l’étranger.

art. 4. — étrangers demandant un brevet en france.

61. Aucune condition particulière n’est imposée à l’étranger qui demande un brevet en France (art. 27 et 28) seulement, s’il n’y réside pas, doit y élire domicile ou donner un mandat à une personne de son choix à laquelle le brevet sera adressé.

art. 5. — objets admis aux expositions publiques.

62. Une loi du 23 mai 1868 a rendu permanente une disposition déjà prise en 1867 en vue de l’exposition universelle. Cette loi dispose ce qui suit :

« Tout Français ou étranger, auteur d’une découverte ou invention susceptible d’être brevetée, peuvent, s’ils sont admis dans une exposition publique autorisée par l’administration, se faire délivrer par le préfet ou le sous-préfet, dans le département ou l’arrondissement duquel cette exposition est ouverte, un certificat descriptif de l’objet déposé » (art. 1er).

Ce certificat assure à celui qui l’obtient les mêmes droits que lui conférerait un brevet d’invention, à dater du jour de l’admission jusqu’à la fin du troisième mois qui suivra la clôture de l’exposition, sans préjudice du brevet que l’exposant peut prendre ou du dépôt qu’il peut opérer avant l’expiration de ce terme (art. 2).

La demande de ce certificat doit être faite dans le premier mois, au plus tard, de l’ouverture de l’exposition. — Elle est adressée à la préfecture ou à la sous-préfecture et accompagnée d’une description exacte de l’objet à garantir, et, s’il y a lieu, d’un plan ou d’un dessin dudit objet. — Les demandes, ainsi que les décisions prises par le préfet ou par le sous-préfet, sont inscrites sur un registre spécial qui est ultérieurement transmis au ministère de l’agriculture et du commerce et communiqué sans frais à toute réquisition.

La délivrance du certificat est gratuite.

Sect. 3. — Formalités.
art. 1. — demande de brevet.

63. Quiconque voudra prendre un brevet d’invention, dit l’art. 5 de la loi de 1844, devra déposer, sous cachet, au secrétariat de la préfecture, dans le département où il est domicilié, ou dans un autre département, en y élisant domicile :

1° Sa demande au ministre de l’agriculture et du commerce ;

2° Une description de la découverte, invention ou application faisant l’objet du brevet demandé ;

3° Les dessins ou échantillons qui seraient nécessaires pour l’intelligence de la description ; et 4° un bordereau des pièces déposées.

64. La demande doit être limitée à un seul objet principal, avec les objets de détail qui le constituent et les applications qui auront été indiquées. Une demande comprenant plusieurs objets distincts serait rejetée. Il en serait de même si elle renfermait des restrictions, des conditions ou des réserves (art. 6).

Elle mentionnera la durée (de 5, 10 ou 15 ans) que le demandeur entend assigner à son brevet, sa qualité de breveté à l’étranger, s’il y a lieu, et indiquera le titre renfermant la désignation sommaire et précise de l’objet de l’invention. Il importe que ce titre soit aussi exact que possible ; l’inventeur fera bien d’en préparer une copie littérale pour le procès- verbal dressé au secrétariat de la préfecture, afin qu’il n’ait pas à le dicter de mémoire.

La description et les dessins (voy. suprà, n°s 39 à 44) doivent être annexés en deux exemplaires, parfaitement identiques, et les dessins tracés à l’encre et sur du papier (et non sur du carton, par exemple). Les échantillons ne peuvent que rarement être acceptés, parce qu’il est souvent impossible de les joindre au dossier, ou parce qu’ils ne se conservent pas.

65. Mais avant de porter au secrétariat de la préfecture le paquet cacheté renfermant les pièces ci-dessus(63), l’inventeur doit acquitter la caisse du trésorier-payeur général, ou du receveur central à Paris, la première annuité de la taxe, soit 100 fr. Il en présente le récépissé à la préfecture, où un procès-verbal, dressé sans frais par le secrétaire général, sur un registre à ce destiné, et signé par le demandeur, constate chaque dépôt, en énonçant le jour et l’heure de la remise des pièces (art. 7).

Une expédition de ce procès-verbal est remise au déposant, moyennant le remboursement des frais de timbre.

Aucun dépôt n’est reçu que sur la production de ce récépissé.

art. 2. — délivrance du brevet.

66. Dans les cinq jours de la date du dépôt, les préfets transmettent au ministère de l’agriculture et du commerce le paquet cacheté, accompagné du récépissé constatant le versement de la première annuité et d’une copie certifiée du procès-verbal (art. 9).

67. Arrivées au ministère, ces pièces sont enregistrées : on en forme un dossier spécial qui reçoit un numéro d’ordre, et on transcrit sur la chemise (ou la couverture), disposée à cet effet, les principales données du procès-verbal. Plus tard, on y ajoute successivement la date du paiement de chaque annuité.

On vérifie ensuite si la demande est régulière, c’est-à-dire si toutes les pièces indiquées plus haut (n° 63), ainsi que je récépissé, s’y trouvent ; si la description et les dessins sont joints en double, etc. On procède, enfin, à la collation des deux exemplaires pour reconnaître, et, au besoin, pour établir (art. 11) leur conformité.

La nécessité d’établir la conformité nous semble devoir donner lieu à des difficultés pratiques qu’on éviterait en faisant retomber sur le demandeur les inconvénients qui pourraient résulter d’une différence entre l’original et le duplicata.

68. Ces vérifications faites, il reste encore à examiner si la demande n’est pas relative à un médicament ou à une combinaison financière (art. 3) Dans la négative, il est rendu un arrêté ministériel dans la forme suivante :

BREVET D’INVENTION
sans garantie du gouvernement.

Le ministre de l’agriculture et du commerce,

Vu la loi du 4 juillet 1844,

Vu le procès-verbal dressé le … 187 à … heure … minutes au secrétariat de la préfecture du département d … et constatant le dépôt fait par … d’une demande de brevet d’invention de années pour …

Arrête ce qui suit :

Art. 1er. Il est délivré à … à ses risques et périls, sans examen préalable, et sans garantie, soit de la réalité, de la nouveauté ou du mérite de l’invention, soit de la fidélité ou de l’exactitude de la description, un brevet d’invention de … années qui ont commencé à courir le … 187 pour … (objet du brevet).

Art. 2. Le présent arrêté, qui constitue le brevet d’invention, est délivré à … pour l … servir de titre.

À cet arrêté demeurer … joint le duplicata certifié (et les dessins) déposé à l’appui de la demande, et dont la conformité avec l’expédition originale a été dûment (établie).

En marge du brevet se trouvent reproduits les art. 32 et 33 de la loi de 1844, et plus bas l’art. 8 et quelques autres dispositions analogues.

À cet arrêté sont annexés le duplicata certifié de la description et des dessins représentant l’invention brevetée. Ces pièces sont indispensables dans un procès en contrefaçon, parce qu’elles font connaître exactement l’objet du brevet.

69. La première expédition d’un brevet est délivrée sans frais. Toute expédition ultérieure donne lieu au paiement d’un droit de 25 fr., non compris les frais de dessin, s’il y en a, qui demeurent à la charge de l’impétrant.

Enfin, lorsqu’une demande est rejetée parce qu’elle n’est pas accompagnée de la description ou des dessins nécessaires, ou parce qu’elle n’est pas bornée à un seul objet, ou qu’elle renferme des conditions ou réserves, la moitié de la somme versée reste acquise au Trésor. Cependant, il est tenu compte de la totalité de cette somme au demandeur s’il reproduit sa demande dans un délai de trois mois, à compter de la date du rejet de sa requête (art. 12). Mais la taxe est restituée en entier (art. 13) si le rejet a eu lieu, parce que la demande avait été relative à un produit pharmaceutique ou à une combinaison financière.

art. 3. — formalités spéciales aux colonies et à l’algérie.

70. La législation relative aux brevets reçoit son application en Algérie et dans les colonies. Seulement aux colonies les annuités sont payées au trésorier, le dépôt est opéré dans les bureaux du directeur de l’intérieur, et le demandeur doit fournir trois expéditions, dont l’une reste sous cachet dans les bureaux, tandis que les deux autres sont adressées au ministère de l’agriculture et du commerce par l’intermédiaire du ministre de la marine ou du ministre de l’intérieur. L’obligation de déposer trois expéditions au lieu de deux s’applique également à l’Algérie.

L’enregistrement des cessions de brevets se fait, aux colonies, dans les bureaux du directeur de l’intérieur, et, en Algérie, au secrétariat des préfectures.

chap. v. — transmission ou cession. licence.

71. Tout breveté peut céder la totalité ou partie de la propriété de son brevet.

La cession s’opère conformément au droit commun, le cédant et le cessionnaire étant libres de convenir de telles conditions qu’ils jugent à propos. Toutefois,les conventions verbales et les contrats sous seing privé ne lient que les contractants et ne sont d’aucune validité à l’égard des tiers.

Ainsi le titulaire du brevet peut seul poursuivre le contrefacteur, prendre un certificat d’addition. La cession n’a pour effet de transmettre au cessionnaire la totalité des droits du breveté que lorsque certaines formalités spéciales ont été remplies. Toutefois, le cessionnaire d’un brevet étranger n’acquiert pas le droit d’en prendre un en France sur le même objet ; cette faveur est réservée par la loi à l’auteur de l’invention.

72. Ces formalités sont indiquées dans les §§ 2, 3, 4 de l’art. 20, dans les termes suivants :

« La cession totale ou partielle d’un brevet, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, ne pourra être faite que par acte notarié, et après le paiement de la totalité de la taxe déterminée par l’art. 4 (500, 1,000 ou 1,500 fr. pour 5, 10 ou 15 ans).

« Aucune cession ne sera valable, à l’égard des tiers, qu’après avoir été enregistrée au secrétariat de la préfecture du département dans lequel l’acte aura été passé.

« L’enregistrement des cessions et de tous autres actes emportant mutation sera fait sur la production et le dépôt d’un extrait authentique de l’acte de cession ou de mutation. »

73. Deux de ces conditions, celles qui exigent un acte notarié et l’enregistrement de l’acte de cession, existaient sous le régime de la loi de 1791. Ces dispositions avaient et ont pour but de prévenir les abus de confiance auxquels les brevets se prêtent si facilement, en soumettant à une publicité suffisante tout acte de mutation qui transporte d’un citoyen à l’autre le droit incorporel représenté par le brevet.

74. La condition relative à l’acquittement de la taxe est nouvelle et a été introduite comme contrepoids au système également nouveau des annuités. C’eût été, sans doute, faire courir au cessionnaire de trop grands dangers que de faire dépendre la validité de son titre de l’exactitude du cédant. On pourrait seulement objecter qu’on fût resté davantage dans l’esprit de la loi en transportant au cessionnaire, avec ses droits, les obligations qui s’y rattachent.

75. M. Renouard pense qu’en cédant un brevet on peut en réduire la durée, soit de 15 à 10, soit de 10 à 5 ans. Il se fonde sur l’argument que la société ne peut que gagner à cette réduction qui ne nuit à personne, et qui, par cette raison, n’est pas défendue par la loi comme la prolongation du brevet.

En théorie, l’opinion de M. Renouard nous paraît logique, mais il y a une difficulté pratique insurmontable produite par la combinaison des art. 20 et 4 de la loi. L’art. 20 ne déclare une cession valable… qu’après le paiement de la totalité de la taxe déterminée par l’art. 4, qui, comme on sait, fixe la durée des brevets à 5, 10 et 15 ans, et les taxes correspondantes à 500, 1,000 et 1,500 fr. Or, en présence d’un titre de 15 ans, comment l’administration pourrait-elle accepter une somme moindre de 1,500 fr. ?

76. Dans les 5 jours de la date du dépôt, une expédition de chaque procès-verbal d’enregistrement, accompagnée de l’extrait authentique de l’acte notarié, ainsi que le récépissé de la dernière année échue et celui du paiement du complément de la taxe, sont transmis par le préfet au ministère de l’agriculture et du commerce.

Au ministère, les mutations intervenues relativement à chaque brevet sont inscrites sur un registre spécial, et tous les trois mois un décret les promulgue en les insérant dans le Bulletin des lois.

Il résulte des diverses dispositions législatives que nous venons d’exposer sommairement que, par exemple, les héritiers agissent prudemment en faisant enregistrer sous leur nom les brevets trouvés dans la succession.

77. On a vu, au n° 55, que le certificat d’addition profite à tous les ayants droit au brevet principal. Cette disposition s’applique également aux cessionnaires. Chacun d’eux pourra alors faire lever au ministère une expédition de ces certificats en payant la taxe de 20 fr., non compris les frais de la copie du dessin, s’il y en a (art. 22).

Le brevet de perfectionnement (voy. n° 56), au contraire, ne profite qu’au titulaire de cet acte ou à ses ayants droit, parce qu’il ne fait pas, comme les certificats d’addition, corps avec le brevet principal.

78. Les actes de cession sont passibles d’un droit d’enregistrement de 2 p. 100. L’enregistrement à la préfecture, qu’on ne doit pas confondre avec le droit ci-dessus, s’opère sans frais.

79. Jusqu’à présent il a été question de la cession volontaire du brevet d’invention ; mais la propriété d’un brevet peut se transmettre par d’autres voies que la cession : la mutation peut résulter d’un jugement en cas de revendication de la propriété de la découverte ; elle peut être le résultat d’un décès, d’un partage, d’une séparation d’associés, etc. Dans ces différents cas, et toutes les fois que la transmission n’a pas le caractère de la cession volontaire, ou qu’il s’agit d’un acte déclaratif et non translatif de propriété, l’acquéreur ou le nouveau propriétaire a le droit d’invoquer tous les effets qui résulteraient d’une cession semblable, sans être tenu de remplir les formalités mentionnées dans les n°s 71 et suiv. Il a qualité pour agir contre les tiers, bien qu’il n’ait pas payé le complément de la taxe, ni fait enregistrer l’acte de mutation.

Cette régie s’applique notamment au cas d’une société qui se dissout et transmet un brevet à un de ses membres. Pour cet acte qui, de même que le partage entre cohéritiers, est seulement déclaratif de propriété, les formalités prescrites pour les cessions né sont pas obligatoires.

Dans tous les cas, si, par mesure de précaution, l’acquéreur ou le nouveau propriétaire préfère que son titre soit enregistré à la préfecture, il convient, afin de se mettre à l’abri de toutes réclamations ultérieures en cas de malentendu, de satisfaire à cette demande sans exiger les récépissés d’annuités. (Inst. min. 30 déc. 1865.)

80. Licence. — La licence consiste dans l’autorisation qu’un breveté donne à un tiers, à titre onéreux ou à titre gratuit, d’exploiter son brevet en totalité ou en partie, et exclusivement ou concurremment avec d’autres personnes. C’est ce qui arrive également lorsqu’un breveté, en entrant dans une société, y apporte seulement la jouissance de son brevet et s’en réserve la propriété. La licence diffère de la cession partielle en ce qu’elle n’attribue pas au tiers une part de propriété sur le titre, ni un droit sur la chose. Les intéressés ne sont donc pas tenus de remplir les formalités spéciales prescrites pour les cessions ; mais s’ils demandent que leur convention soit enregistrée en présentant un extrait authentique d’un acte notarié, il convient, comme il a été dit ci-dessus pour les cas de mutations autres que les cessions, de satisfaire à cette demande sans exiger aucune autre production. (Inst. min. 30 déc. 1865.)

chap. vi. — contrefaçon.

81. La contrefaçon consiste soit dans la fabrication de produits, soit dans l’emploi de moyens faisant l’objet d’un brevet (art. 40).

La contrefaçon, ainsi que le recel, la vente ou l’introduction sur le territoire français d’objets contrefaits (art. 41), constituent des délits justiciables des tribunaux correctionnels.

82. Les peines édictées par la loi contre les contrefacteurs, recéleurs, vendeurs, etc., d’objets contrefaits, sont d’une amende de 100 à 2,000 fr. (art. 40), et en cas de récidive, en outre, d’un emprisonnement de 1 à 6 mois.

Un emprisonnement de 1 à 6 mois peut aussi être prononcé, si le contrefacteur est un ouvrier ou un employé ayant travaillé dans les ateliers ou dans l’établissement du breveté ; ou si le contrefacteur, s’étant associé avec un ouvrier ou employé du breveté, a eu connaissance, par ce dernier, des procédés décrits au brevet. Il est bien entendu que, dans ce cas, l’ouvrier ou l’employé peuvent être considérés comme complices.

L’action correctionnelle, pour l’application de ces peines, ne peut être exercée par le ministère public que sur la plainte de la partie lésée (art. 45). Il résulte du mot que nous avons souligné que cette action doit cesser s’il y a désistement de la part du plaignant.

83. En outre des peines correctionnelles ci-dessus, les objets reconnus contrefaits ou les instruments destinés spécialement à leur fabrication, sont, même en cas d’acquittement, confisqués au profit du propriétaire du brevet, sans, préjudice de plus amples dommages-intérêts et de l’affiche du jugement, s’il y a lieu (art. 49).

84. Le tribunal correctionnel, saisi d’une action en contrefaçon, statue sur les exceptions tirées, soit de la nullité ou de la déchéance du brevet, soit des questions relatives à la propriété de ce brevet. « Très-souvent les contrefacteurs, dit M. le marquis de Barthélemy dans son rapport à la Chambre des pairs, ne dirigent cette action en nullité ou en déchéance que pour gagner du temps et continuer leur industrie illicite, si préjudiciable à l’inventeur, pendant le temps qu’exigent de longues procédures et la nécessité de parcourir les divers degrés de juridiction. Cette coupable manœuvre ne doit point être encouragée, et nous avons dû adopter des dispositions qui ne présentassent pas l’inconvénient de donner à juger trois procès au lieu d’un, et permissent de donner un cours beaucoup plus prompt à l’action de la justice. En vain objectera-t-on que, lorsque les questions de propriété sont soulevées devant les tribunaux correctionnels, ces tribunaux doivent surseoir à statuer, et ne doivent point en connaître ; ordinairement ces exceptions ont trait à la propriété foncière, ou tout au moins à des droits d’une autre nature que ceux résultant d’un brevet d’invention. Ce brevet ne constitue qu’un privilége temporaire ; les profits qui en résultent peuvent être limités à un temps très-court. N’est-il pas d’un haut intérêt pour un inventeur qu’un atelier de contrefaçon qui lui fait une injuste concurrence soit promptement brisé ? »

85. Toutefois, cette attribution extraordinaire qui permet aux tribunaux correctionnels de statuer, sous forme d’exceptions, sur des contestations purement civiles, ne s’étend pas aux cas où il s’agirait d’actions civiles distinctes qui viendraient accessoirement se joindre à l’action en contrefaçon. « Saisi du jugement du délit en contrefaçon, dit encore M. de Barthélemy, le tribunal correctionnel aura à apprécier les circonstances de la cause. Suivant que de ces circonstances résultera le plus ou moins de bonne foi des parties, ou il accordera le sursis en fixant un délai raisonnable pendant lequel l’action civile sera jugée, ou il refusera le sursis demandé, s’il voit que ce sursis n’est qu’un prétexte pour échapper aux dispositions dudit art. 46, et pour reproduire ce circuit d’actions, ce double procès que le législateur a voulu éviter. C’est ainsi, nous l’espérons du moins, que l’on échappera, dans la pratique, aux inconvénients que vous avez voulu prévenir et que l’on paraît encore redouter. Nous nous confions à cet égard, et sans réserve, à la sagesse, à la prudence et au discernement des juges. »

86. Il importe d’ajouter que le breveté dont les produits ont été contrefaits n’a pas besoin de porter son action devant le tribunal correctionnel : il peut se contenter de demander, devant la juridiction civile, la réparation du dommage causé par la contrefaçon.

87. Que le demandeur opte pour la voie civile ou la voie correctionnelle, la procédure à suivre dans les actions en contrefaçon est régie par le droit commun en tous points pour lesquels la loi spéciale n’y a pas dérogé. Sous ce rapport, l’art. 47 a résolu bien des doutes qui avaient subsisté sous la législation antérieure, et que la jurisprudence n’avait pas pu trancher d’une manière définitive.

Cet article, le voici :

« Les propriétaires de brevets pourront, en vertu d’une ordonnance du président du tribunal de première instance, faire procéder, par tous huissiers, à la désignation et description détaillées, avec ou sans saisie, des objets prétendus contrefaits.

« L’ordonnance sera rendue sur simple requête, et sur la représentation du brevet ; elle contiendra, s’il y a lieu, la nomination d’un expert pour aider l’huissier dans sa description.

« Lorsqu’il y aura lieu à saisie, ladite ordonnance pourra imposer au requérant un cautionnement qu’il sera tenu de consigner avant d’y faire procéder.

« Le cautionnement sera toujours imposé à l’étranger breveté qui requerra la saisie.

« Il sera laissé copie au détenteur des objets décrits ou saisis, tant de l’ordonnance que de l’acte constatant le dépôt du cautionnement, le cas échéant, le tout à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l’huissier. »

88. Cependant le droit conféré au demandeur par cet art. 47 trouve son correctif ou son contrepoids dans l’art. 48, qui déclare nulle toute saisie ou description qui n’est pas suivie dans la huitaine, non compris les délais légaux relatifs aux distances, d’une action intentée, soit devant le tribunal civil, soit devant le tribunal correctionnel. Des dommages-intérêts pourraient en outre être réclamés par le saisi. Maurice Block.

bibliographie.

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De la législation et de la jurisprudence concernant les brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation, par Théodore Regnault. In-8°. Paris, l’auteur, Bavoux, Nève. 1825.

Recueil des loi, arrêtés et décrets sur les brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation. In-8°. Paris, Gustave Pissin.

Analyse des réponses aux questions proposées pour la révision des lois sur les brevets d’invention. In-8°. 1829. (Officiel.)

Instruction théorique et pratique sur les brevets d’invention, par le chef du bureau des manufactures au ministère du commerce. In-8°. 1829.

Traité théorique, pratique et complet des brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation, par MM. Giraudeau et Gœtschy. In-18. Paris, les auteurs. 1837.

Traité de la contrefaçon et de sa poursuite en justice, concernant les brevets d’invention, les marques de fabriques, la propriété littéraire, les œuvres musicales, la peinture, gravure et sculpture, etc., etc.. par Étienne Blanc. In-8°. Paris, l’auteur, Raymond. 1837.

Des contrefaçons en tout genre et de la propriété en matière de littérature, théâtre, musique, peinture, marques et dessins de manufactures, noms et enseignes, par Gastembide. l vol. 1837.

Guide de l’inventeur dans les principaux États de l’Europe, etc., par Ch. Armengaud jeune. In-8°. Paris. 1840.

Catalogue de spécification des principes, moyens et procédés pour lesquels il a été pris des brevets d’invention, de perfectionnement ou d’importation de 1791 à 1828, 1 vol. Idem, de 1828 à 1842, 1 vol. Suppléments annuels. In-8°.

Manuel des inventeurs et des brevetés, par A. Perpignan. 1re édit., 1834. In-8°. Paris l’auteur. 7e édit., 1844.

Traité des brevets d’invention, de

perfectionnement et d’importation, suivi d’un appendice contenant le texte des lois et règlements rendus en France, un précis de la législation anglaise, des lois des États-Unis de l’Amérique septentrionale, etc., par Augustin-Charles Renouard. In-8°. Paris, Guillaumin. 1844. 1 vol. in-8o. 3e édit.

Loi sur les brevets d’invention, promulguée le 5 juillet 1844, avec un commentaire, etc., par MM. Loiseau et Vergé. In-8°. Paris, impr. de Fournier. 1844.

Loi sur les brevets d’invention, promulguée le 5 juillet 1844, suivie d’un précis historique et d’un commentaire analytique, par H. Vidal. In-18. Paris, Moquet. 1844.

Droits civils des auteurs, artistes et inventeurs, par Nion. 1845. 1 vol.

L’inventeur breveté. Code des inventions et perfectionnements, contenant la loi nouvelle avec son commentaire, par M. Blanc. 1 vol. in-8o. Paris, 1845.

Guide de l’inventeur, ou commentaire de la loi du 5 juillet 1844 sur les brevets d’invention, suivi d’un exposé sommaire de la législation anglaise sur la matière ; par Th. Homberg. 2e édit. In-18. Paris, Delhomme. 1846.

Recueil des lois et règlements en vigueur sur les brevets d’invention chez les différents peuples, précédé des rapports qui ont déterminé la loi française, par Dujeux. 1 vol. gr. in-8o. Bruxelles, 1846.

Description des machines et procédés consignés dans les brevets d’invention, de perfectionnement et d’importation dont la durée est expirée, publiée par les ordres du ministre du commerce. In-4°. Paris, 1812 et années suiv.

Description des machines et procédés pour lesquels des brevets d’invention ont été pris sous le régime de la loi du 5 juillet 1844, publiée par les ordres de M. le ministre de l’agriculture et du commerce. Paris, 1850 et années suiv.

L’Invention, journal de la propriété industrielle, littéraire, artistique, commerciale, brevets d’invention, patentes, dépôt légal, modèles, dessins, marques de fabrique. Batignolles, impr. d’Hennuyer. 1850.

De la contrefaçon des inventions brevetées, des modèles et des dessins de fabrique, des œuvres littéraires et artistiques législation et jurisprudence, par M. Edouard Calmels. In-8°. Paris, Roret. 1852.

Des brevets d’invention et de la contrefaçon, par L. Nouguier. In-8°. Paris, Cosse et Marchai. 1858.

Des brevets d’invention et de leur influence sur l’industrie, par Perpignan. In-8°. Paris, Dentu. 1861.

Des brevets d’invention et des modifications que réclame la loi actuelle, par Telliez. In-8°. Paris, Hachette. 1863.

Traité pratique des brevets d’invention, par Schmoll. In-8°. Paris, Baudry. 1867.

Manuel de l’inventeur, contenant la loi française du 5 juillet 1844 sur les brevets d’invention, par MM. Blétry frères. Nouv. édit., in-12. Paris, Gauthier-Villars. 1874.

  1. La législation la plus ancienne sur les inventions industrielle est celle de l’Angleterre. Elle date de 1623. Celle des Américains la suit, de loin, il est vrai ; celle de la Franc ne vint qu’en troisième lieu.
  2. Le titre, dit M. Bethmont, ne fait pas le droit : il ne fait que le constater, que donner une protection plus efficace ; le droit a commencé dès que le dépôt a été fait. (Chambre des députés, séance du 12 avril 1844.)
  3. Le passage qui suit ne se retrouve pas dans le discours inséré dans le 1er volume de la Collection des brevets d’invention ; nous l’empruntons à l’ouvrage de M. Renouard.
  4. 14 pluviôse an VI. La commission était composée de Hardy, Cabanis, Andrieux, Bonnaire et Eude, rapporteur.
  5. Il est regrettable que le 1er volume de la Description des brevets d’invention pris sous le régime de la loi de 1791, ne renferme pas le second rapport de Eude.
  6. Séance du 16 avril 1844.
  7. Il paraît cependant que la jurisprudence des tribunaux admet quelques cas de force majeure, notamment en faveur des héritiers, etc.
  8. La durée n’est même que de 40 ans en Angleterre et aux États-Unis, que de 10 ans en Russie et dans quelques États allemands.
  9. Il est à regretter que la loi française ne renferme pas une disposition analogue à celle de l’art. 24 de la loi belge, ainsi conçu :

    « Art. 24. Le brevet sera déclaré nul, par les tribunaux, pour les causes savantes :

    « b) Lorsqu’il sera prouvé que la spécification complète et les dessins exacts de l’objet breveté ont été produits antérieurement à la date du dépôt dans un ouvrage ou recueil imprimé et publié, à moins que, pour ce qui concerne les brevets d’importation, cette publicité ne soit exclusivement le fait d’une prescription légale. »