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Dictionnaire de la Bible/Athbasch

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Letouzey et Ané (Volume Ip. 1209-1210-1211-1212).
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ATHBASCH

ATHBASCH (אַתְבַּשׁ, ’aṭbaš), terme cabalistique, composé artificiellement pour indiquer le procédé d’après lequel la première lettre de l’alphabet hébreu, א, aleph, est remplacée dans l’écriture par la dernière, ת, thav ; la seconde, ב, beth, par l’avant-dernière, ש, schin, et ainsi de suite. L’usage de cette écriture cryptographique est très ancien. Saint Jérôme, In Jer., l. v, t. xxiv, col. 838-839, en parle (sans lui donner toutefois son nom cabalistique), et croit même qu’elle est employée par Jérémie, xxv, 26. Dans ce passage, le prophète dit que « le roi de Sésach » (hébreu : שֵשַׁךְ, šêšak) boira, à la suite des rois voisins de la Palestine, à la coupe de la colère de Dieu. D’après les règles de l’athbasch, Šêšak doit se lire בבל, Babel ou Babylone. Cette explication se trouve aussi dans le Targum, et elle devait avoir été donnée à saint Jérôme par ses maîtres juifs. Mais il est au moins fort douteux que l’athbasch fût déjà usité du temps de Jérémie et qu’il en ait fait usage. Le traducteur de la Vulgate suppose que le prophète a dissimulé « prudemment », par cet anagramme, le nom de Babylone, « pour ne pas exciter contre lui la fureur des Chaldéens, qui assiégeaient Jérusalem et étaient sur le point de s’en emparer, » In Jer., t. xxiv, col. 839 ; mais cette raison, peu concluante pour le passage de Jérémie, xxv, 26, où le contexte indique assez clairement Babylone, est tout à fait inapplicable à un autre endroit, Jer., li, 41, où Šêšak est mis en parallélisme, comme synonyme, avec Babylone, qui est expressément nommée. Il est certain d’ailleurs que « le roi de Sésach » est le roi de Babylone. Cf. Proceedings of the Society of Biblical Archæology, mai 1884, t. vi, p. 194, 195. Quant à la signification réelle de ce mot, voir Sésach.

Le Targum (ainsi que les Septante, qui ont omis les passages sur Sésach, Jer., xxv, 26, et li, 41) a vu une autre application de l’athbasch dans Jérémie, li,  1 : « J’exciterai contre Babylone et contre les habitants לב קמי, lêb qamaï, dit Dieu par son prophète, un vent qui les perdra. » Lêb qamaï signifie « le cœur de ceux qui se soulèvent contre moi », et saint Jérôme a bien traduit ici dans notre Vulgate : « les habitants de Babylone, qui ont élevé leur cœur contre moi ; » mais comme la tournure est un peu irrégulière, les anciens Juifs y ont vu une désignation cachée des Chaldéens, dont il est en effet question, et ils y ont trouvé le mot hébreu Kašdîm, « Chaldéens, » en remplaçant le lamed par caph, le beth par sin, le qoph par daleth, le mem par yod et le yod par mem, conformément aux règles de l’athbasch. Le résultat obtenu est certainement singulier, mais il ne prouve nullement qu’il ait été prévu par Jérémie, dont le texte s’explique en réalité facilement sans recourir à ce procédé aussi arbitraire que bizarre. Sur l’athbasch, voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, in-12, Bâle, 1613, p. 37-38 ; Id., Lexicon chaldaieum et talmudicum, édit. Fischer, t. I, p. 131, 137-138 ; Gesenius, Thesaurus linguæ hebrææ, p. 1486.

Les cabbalistes emploient aussi, pour expliquer l’Écriture, un autre procédé analogue, mais plus compliqué, l’atbach (אַטְבַּח, aṭbaḥ), qui consiste, comme le nom l’indique, à substituer à l’aleph, א, le teth, ט ; au beth, ב, le cheth, ח, etc. L’alphabet hébreu est divisé en trois séries, comprenant chacune quatre groupes de lettres ; chacune des lettres de chaque paire se met à la place l’une de l’autre ; les groupes de la première série font chacun dix, d’après leur valeur numérique ordinaire ; ceux de la seconde, cent, et ceux de la troisième, mille : 1o  אט, בח, גז, דוn= 10 ; 2o יצ, כפ, לע, מםn= 100 ; 3o קץ, רף, שן, תםn= 1000. On voit que des cinq lettres qui ont une forme particulière comme finales, quatre, le mem, le nun, le phé et le tsadé, entrent dans ce tableau ; le caph final, le nun dans sa forme ordinaire et le n’y figurent pas, parce qu’il n’y a point de lettre autre qu’elles-mêmes avec laquelle ils puissent se combiner pour former les nombres dix, cent ou mille, הה doublés équivalant, en effet, à dix ; ננ à cent, et ךְךְ à mille. Ces trois groupes, ne pouvant fournir aucun échange, sont supprimés. On suppose cependant le groupe נה existant, et l’on met ces deux lettres à la place l’une de l’autre, de sorte que le ךְ final reste seul solitaire et « veuf ». Voici un exemple de l’application de l’atbach. Le mot מָנוֹן ne se lit qu’une fois dans l’Écriture, Prov., xxix, 21, et le sens en est assez difficile à déterminer avec précision. Pour l’expliquer, les Talmudistes, tr. Succa, ꝟ. 52 b, ont eu recours à l’atbach et, au moyen des règles ci-dessus exposées, ils le transforment en סָהֲדָה, sâhădâh, « témoignage, » cf. Gen. xxxi, 47 ; de sorte que le sens de la maxime est : « Celui qui nourrit délicatement son esclave, la fin sera un témoignage, » c’est à dire lui montrera qu’une éducation molle ou une conduite faible rend l’esclave revêche. Le mem est changé en samech, d’après la combinaison מם ; nun en , d’après la combinaison supplémentaire הנ ; vav en daleth, d’après la combinaison דו, et nun de nouveau en , comme pour la seconde lettre. Voir J. Buxtorf, De abbreviaturis hebraicis, p. 24-26 ; Id., Lexicon chaldaicum, édit. Fischer, t. i, p. 36, 135.

Quelques rabbins ont fait aussi usage, dans l’interprétation de la Bible, d’une autre sorte d’anagramme, non moins arbitraire, appelé albam (אלבם), parce qu’on met le lamed à la place de l’aleph, le mem à la place du beth, et ainsi de suite, vice versa, en suivant l’ordre de l’alphabet hébreu. Cf. J. Buxtorf, De abbreviaturis, p. 27-28 ; Id., Lexicon chaldaicum, p. 136.
F. Vigouroux.