Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Abai
Abai, Aboi. Aboiement. — L’escolier… ainsi que Clairet faisoit encores : Hap ! hap ! luy va respondre en un abbay de ces clabaux de village : Hop ! hop ! hop ! Des Periers, Nouv. Recr., 54. — Il n’y a non plus de raison en son dire qu’à l’abbay d’un chien. Calvin, Response à un Holandais, (IX, 598). — Tu le fus emportant [un chevreau] Maugré l’abai de Volmont abaiant, Vauquelin de la Fresnaye, Foresteries, I. 6. — Ils circuissent courans çà et là comme chiens affamez et par leur importunité, comme par abay, ils arrachent par force des uns et des autres quelques morseaux pour fourrer en leur ventre. Calvin, Instit., II, v, 9. — Estant descouvert par l’abbay d’un chien, il fut pris. H. Estienne, Apol. pour Her., 21 (II, 15). — Cerbere a retenu Ses esclatans abais, tout muet devenu, P. de Brach, Hierusalem, IV. — Fig. : Le sainct Esprit nous commande de nous reposer sur les promesses : l’authorité duquel doit bien rabattre tous les abbays de ce chien mastin. Calvin, Instit., II, ix, 3.
Abboys du parchemin. Chants d’église. — Matines ayant neuf leçons, plus matin se levoient par raison. Plus aussi multiplioient en appetit et alteration aux abboys du parchemin : que matines estantes ourlées d’une, ou trois leçons seulement. Rabelais, III, 15.
A boys de l’estomach. — Son disner estoit sobre et frugal, car tant seulement mangeoit pour refrener les abus de l’estomach. Rabelais, I, 23.
Tenir qqn en aboy. Lui résister, lui tenir tête. — Ainsi fut levé le siége de devant Maizières, où le bon chevalier sans paour et sans reprouche acquist couronne de laurier car bien qu’on ne livrast nul assault, il tint les ennemys trois sepmaines durant en aboy. Loyal Serviteur, Hist. de Bayart, 63. — Et ne faut douter que ceste façon de parler, Tenir queleun en abbey (ou en abbay), ne soit aussi venue de la venerie : mais il y a apparence que ce soit des bestes noires plustost que des autres, comme quand un sanglier se laisse abbayer par les chiens, perdans leur peine. H. Estienne, Precellence, 125.
Rendre les abois. Être sans une situation désespérée, renoncer à la lutte, mourir. — S’ell’ ne fait rendre les abbois A Monsieur, je veux qu’on me tonde : n’y a femme en tout le monde Qui se fasche plus aigrement. Belleau, la Reconnue, I, 4. — Aussi tost que ces ad vocas Nous ont empietez une fois, Ils nous font rendre les abbois. id., ib., V. 3. — J’ay porté dans le flanc Le coup d’un trait doré de l’amoureuse trousse, J’ay rendu les abois, comme la teste rousse Qui tache les buissons des marques de son sang. Aubigné, Poés. div., sonnet 9. — Comme les Turcs eussent assiegé la ville de Metelin, et desja les Lesbiens et Genevois fussent prests à rendre les abbois, voyans que la bresche estoit grande, et qu’ils estoient las du travail des combats precedens. Thevet, Cosmogr., VIII, 2. — Si n’oublieray-je pas entre ce peu d’exemples que je veux amener, ces façons de parler, Rendre les abbois, et Faire rendre les abbois. Car c’est un des gentils emprunts que nostre langage ait faict de messieurs les veneurs disant d’un homme qui n’en peut plus, et pourtant est contraint de se rendre, qu’il rend les abbois : ou (comme les autres escrivent) les abbais. Et proprement se dit du povre cerf, quand ne pouvant plus courir, il s’accule en quelque lieu le plus avantageux qu’il peut trouver, et là attendant les chiens endure d’estre abbayé par eux. H. Estienne, Precellence, 124. — Les Saxons furent plusieurs fois vaincus, et autant de fois se rebellerent. N’ayans autre plus signalé entremetteur de leurs rebellions que ce grand guerrier [Witikind]. Lequel ne voulut jamais rendre les abois, quelque victoire que Charlemagne eust obtenue contr’eux. E. Pasquier, Recherches, VI. — Je ne suis François, que par cette grande cité [Paris)… Tant qu’elle durera, je n’auray faute de retraicte, où rendre mes abboys. Montaigne, III, 9 (IV, 80). — Ce que ne peust faire dom Jouan d’Autriche peu devant qu’il rendist les derniers abois fut faict après sa mort. Brantôme, Cap. estr., M. de Bure (I, 318). — Vous eussiez veux icy une infinité d’espées rompre et casser des boucliers, des bras, des jambes, et froisser des espaules. Icy oyoit-on les voix miserables de ceux, qui en grand nombre rendoient les abbois. Trad. de Folengo, Merlin Coccaie, L. XI (I, 304).
Les derniers abois, les abois de la mort. — retiens l’heure qu’il faille à mon pere mourant, Et aux derniers abbais de la mort jà tirant, Faire pour l’entomber un convoi lamentable. P. de Brach, Poemes et Mesl., L. 1, sonnet 5. — S’acharnerent sur leurs compaignons les plus foibles et alangouris, voire qui tendoient aux derniers abbays de la mort. Cholières, 1re Matinée, p. 22. — Sa vie s’alentist, toujours son mal s’empire, Aux abais de la mort on voit jà qu’elle tire. P. de Brach, Regrets funèbres, Eleg. 1. — Ce qui fit lever et y courir le cardinal de Guise et l’archevesque de Lyon. Le dernier, plus diligent, arriva aux derniers abois et assez tout pour ouïr prononcer : « Traistre roi. » Aubigné, Hist. Univ., XII, 14.