Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Charretier
Charretier. On trouve souvent la forme chartier. — Et en feist armer autour leurs charrettes, et chascun des chartiers. Rabelais, I, 32. — Ce qui ne me peut plaire, Ce fut l’estonnement du badaud populaire, La presse des chartiers, les procez, et les fanges. Du Bellay, les Regrets, 138. — Il survint d’adventure un chariot chargé : il pria le chartier qui le conduisoit d’attendre un peu que son jeu fust achevé. Amyot, Alcibiade, 2. — Nul n’est si ferré qui ne glisse, Si bon pilot qui ne perisse… Ne si bon chartier qui ne verse. Baïf, les Mimes, L. II (V, 68). — Ce sont ceux-là qu’il faut craindre, et non ceux Qui ont l’esprit grossier et paresseux, Masse de plomb au Ciel non elevée, Et vrais chartiers à porter la courvée. Ronsard, le Bocage Royal, 1re part. (III, 283). — Elle en fit un Esau, de qui les ris, les yeux Sentoyent bien un Tyran, un chartier furieux. Aubigné, les Tragiques, II (IV, 93).
Conducteur d’un char. — Jupiter… Darda la fouldre avecques le bras dextre Sur le nouveau charretier mal adextre [Phaéton]. Marot, L. II de la Metamorph. — [Caligula] celle chose disoit pour la dissention qui estoit entre les aurigateurs et charretiers disputans de leurs couleurs. Michel de Tours, trad. de Suétone, IV, 149 ro. — Il vouloit servir de charretier et estre regardé en ses courses. id., ib., VI, 199 vo. — Vous souhaittez… Que de mon nom la mer nommer je face, Ou que je sois ce Chartier mal appris [Phaéton]. Du Bellay, les Amours, Sonnet 1. — Xerxes le suivoit estant aussi dans un chariot tiré par chevaux Nesées, et son chartier estoit Patiramphes. Saliat, trad. d’Hérodote, VII, 40. — Ni le chartier est tant agile à courre, Et à la resne ondoiante secourre. Des Masures, Eneide, V, p. 215. — Juturne… Par terre abbat Metisque le chartier Du Roi Turnus. id., ib., XII, p. 643.— fTurnus] Ne void le char, ni sa sœur la chartiere. id., ib., p. 670.
Conducteur d’une charrue. — Un paysant… alloit demandant de village en village, s’il failloit point quelque bon chartier pour labourer la terre, et tant chercha qu’un paysant… le retint afin de gouverner sa charue. Les Comptes du Monde adventureux, 7 (I, 47). — Les chartiers à pas lents reviennent au village, Leurs chevaux et leurs bœufs lassez du labourage. Cl. Gauchet, le Plaisir des Champs, le Printemps, Eclogue, p. 92. L’heure du chartier. — Vivre et mourir pour une Dame en transe, En bien aimant esperer jouissance, C’est exercer un folastre mestier : Ce doux soubris, ces yeux, ces courtoisies, Ce sont autant de belles phrenaisies, Il n’y faut rien que l’heure du chartier. E. Pasquier, les Jeux Poetiques, 1re part., 57 (II, 853). — Je pense qu’il n’y a femme au monde qui trouve mauvais que l’on luy parle d’amour ; et, encore qu’elle n’accorde ce qu’on luy demande, si n’est-elle point marrie d’avoir esté priée, ny ne sçaura jamais mauvais gré à celuy qui en portera la parolle, et fust-ce à l’heure du chartier. François d’Amboise, les Neapolitaines, I, 2.