Dictionnaire de la langue française du seizième siècle/Poete
Poete. (Emploi conventionnel du mot). — On dit en la cour (et ailleurs aussi), C’est un philosophe, quand on veut declarer un homme estre de la confrairie de ceux dont nous venons de parler [les hommes un peu fous]. Et ja quelques-uns commencent à dire, C’est un poete, au lieu de dire, C’est un philosophe. Estienne, Dialogues (I, 287-288).
(Adj.). Poétique. — Lis la au long, et delle ne tesquarte Jusques a tant quemply soit le tien cueur De ceste folle et poete liqueur. M. d’Amboise, Propos fantastiques, 2.
(Prononc. : oe formant une seule syllabe). — Francine, plus que toy nulle on ne prisera, De qui le poete amy dressera la memoire. Baïf, Francine, l. II (I, 154). — Sur le patron des plus secrets Poetes romains et poetes grecs. Belleau, Petites Inv., Papillon (I, 52). — Et moy je veux comme un poete Luy payer toute la debte, Troquant mes vers à l’argent. Grevin, Poesies, p. 156. — Poetes divins et saincts, vous suivés la grandeur Des princes et des rois. Bereau, 1er Liv. des Sonnetz, p. 183. — Par les beaux chants que les poetes chantoyent. Baïf, Poemes, l. II (II, 86). — Je te salue, ô lumiere divine, Qui luysant clair tous poetes illumine (II, 87). — Les chefz de la vieille Eglise, David apres un Moïse… Furent poetes et rimeurs. Aubigné, Primtems, Preface (III, 10). — Calvimont, si tu veux, en haut-louant mes vers, Entre les poetes saints me donner quelque place. Brach, Poemes, l. III, sonn. 33. — Car si ce n’est un poete, au moins il le veut estre. Regnier, Sat. 2. — Je ne sçay quel demon m’a fait devenir poete. Ib. — Je m’en allois resvant le manteau sur le nez… Comme un poete qui prend les vers à la pippee. id., Sat. 10. — Des ordures des grands le poete se rend sale, Quand il peint en Caesar un ord Sardanapale. Aubigné, Tragiques, II (IV, 74).
(Fém.). Poetisse. — Soubs la conduite et par l’enhortement de Telesilla poëetisse. Amyot, Vertueux faicts des femmes. Argiennes. — Il y avoit un livre d’or qu’avoit donné, dedié et consacré Aristomache poetisse erythienne. id., Propos de table, V, 2. — Elle se precipita volontairement du hault d’un rocher, ainsi que recite Myrtis, une poetisse, en ses vers. id., Demandes Grecques, 40.
Poeteresse. — Corinne… Sçavante, belle, tanagreanne, poete ou poëteresse. La Porte, Epith., 94 ro. — Sapphon. Douce, lesbienne, dixiesme muse amoureuse, poeteresse, 367 ro.
Poëtresse. — Et le pain fait l’agasse jaseresse En moins de rien devenir poëtresse. Vauquelin, Sat., A. J. A. de Baïf.
Poetrisse. — Sapho, la noble poetrisse. Auton, Chron., 56 vo (G.). — 11 y avoit entre les anciens une femme nommée Mousche : qui estoit fort belle, poëtrisse et sçavante. Bretin, tr. Lucien, Louange de la mousche, 11. — Proba Fulconia, excellente poëtrisse chrestienne, a basti… des seuls vers de Virgile un opuscule qui comprend le Vieil et Nouveau Testament. Tabourot, Bigarrures, I, 20. — Des vers duquel [Homère] Eudoxia, poëtrice chrestienne, a colligé un beau poeme. Ib. — Claude Monnier, poetrice françoise, du temps de François Ier ou Loys douziesme. La Croix du Maine, Biblioth., p. 60. — Myrtide poetrice sous l’Olymp. 65. 1599. La Popeliniere, a, 121 (Vaganay, Mots).
Poëtride. — Les corbeaulx, les gays, les papeguays, les estourneaux il rend poëtes : les pies il faict poëtrides. Rabelais, IV, 57.