Dictionnaire de spiritualité, ascétique et mystique, doctrine et histoire/Adrien Bourdoise

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Collectif
Texte établi par Marcel Viller, G. Beauchesne (1p. 1905-1907).

BOURDOISE (Adrien) est un des principaux initiateurs de la réforme du clergé et de la vie chrétienne en France au XVIIe siècle, le précurseur de M. Olier, de saint Vincent de Paul et de saint Jean-Baptiste de la Salle. — Il naquit à Brou dans le diocèse de Chartres le 1er juillet 1584. Dès son enfance se manifesta en lui le besoin de communiquer aux prêtres « l’esprit de charité, de désintéressement et de zèle pour le bien des âmes » (Vie ms., p. 7, 16, 79). Toute sa vie durant il sera l’apôtre de la « cléricature ». Âme ardente, Bourdoise avait toute la fougue, mais aussi parfois la rudesse d’un réformateur. La tâche était immense. À saint François de Sales venu à Paris pour prêcher il écrit, le lendemain du sermon : « la prédication que vous venez de faire et toutes les autres que vous pourrez faire dans la suite, quoique très excellentes en elles-mêmes, seront toujours inutiles et sans fruit, pendant que le clergé et le peuple seront dans l’ignorance et le dérèglement » (Darche, I, 222).

Pour doter le clergé d’un esprit nouveau, Bourdoise ne se lasse pas de faire comprendre la grandeur et les exigences du sacerdoce, « Le prêtre est le ministre de la toute-puissance d’en-haut… Le prêtre est l’organe de la vérité céleste… ; le prêtre est la providence de tous ceux qui souffrent… le prêtre (sacerdos : sacra docens) enseigne et donne les choses sacrées. Et c’est dans ces deux augustes fonctions, surtout, que le prêtre nous apparaît… plus grand, en quelque sorte, que la bienheureuse Vierge et mère de Dieu » (Darche, I, 550-552). Bourdoise se montre sévère dans le choix des candidats au sacerdoce. Il veut avant tout qu’ils aient « la vocation » (Darche, I, 151-152). Pour former le clergé et les futurs prêtres à l’esprit sacerdotal, Bourdoise institue dès 1611 la « communauté » de Saint-Nicolas du Chardonnet. Elle englobait le curé, M. Froger, ses vicaires et les prêtres habitués. D’autres communautés, sur le modèle de celle de Saint-Nicolas, se fondent à Saint-Malo (1635), à Bordeaux (1648), à Angers (1649), à Rouen (Saint-Patrice) (1655), etc… Elles avaient pour but de fournir à quelques clercs « les moyens plus prompts et plus faciles de s’aider et de se former qu’ailleurs en la théorie et pratique des fonctions sacerdotales » (cfr. Schœnher, Histoire du séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet (1612-1908), p. 6).

Mais insensiblement la « communauté » de Saint-Nicolas se transforme en « séminaire ». — « Il n’y a qu’un remède au désordre général de l’Église, affirmait Bourdoise, à savoir le rétablissement des séminaires » ; et encore : « Ce qui fait un bon capucin ou un bon jésuite, c’est le bon noviciat. … Ce qui fait qu’il y a si peu de bons prêtres, c’est qu’il n’y a point de noviciat pour les prêtres » (cf. Sentences chrétiennes et cléricales, Bruxelles, 1670, p. 73). Le séminaire de Saint-Nicolas restait annexé à la paroisse. Bourdoise tenait à ne pas séparer la pratique de la théorie. Il conseillera pour cette même raison à M. Olier de garder la direction de la paroisse Saint-Sulpice (Darche, II, 338). Approuvé oralement en 1631, le « séminaire » fut officiellement reconnu en 1643 par lettres patentes du Roi et le 20 avril 1644 par Jean-François de Gondi. (Pour les constitutions de la communauté, cf. Descouraux, l. c., p. 371-73.) À la tête de l’établissement se trouvait « l’économe », d’abord Bourdoise lui-même ; et après sa démission, M. Wiart (Darche, II, 133) ; le personnel était entretenu par la « Bourse cléricale » alimentée par les aumônes de pieux laïcs. Bourdaloue et Fléchier se firent les éloquents avocats de cette œuvre de charité, belle entre toutes. Des prêtres venus de différents diocèses de France, et même de l’étranger, ainsi que des jeunes gens se destinant au sacerdoce, bénéficiaient de cette Bourse. (Darche, II, 309). Des collaborateurs de Bourdoise, animés de son esprit, formaient les hôtes de tous les âges, à la vie intérieure, aux vertus et à la pratique du sacerdoce ; ils ne faisaient pas de cours de théologie proprement dite. La durée du séjour au « séminaire » n’avait rien de fixe. Bourdoise se plaint de ce que les élèves ne restent pas assez longtemps. « La plupart de ceux qui y viennent ont besoin de tant de choses qu’il leur faudrait un très long temps pour les rendre parfaits : et pourtant ils n’y viennent que pour trois, ou pour six mois, ou pour un an, lorsqu’ils ont passé l’âge et qu’ils n’ont plus les dispositions à apprendre et à être dressés » (Sentences chrétiennes, loc. cit., p. 74). De 1637 jusqu’à 1642, 118 ecclésiastiques passèrent par cette école de piété.

Comme on le voit la création de Bourdoise — qui subsista jusqu’à la Révolution (Schœnher, op. cit.) - restait imparfaite. Elle avait avant tout pour but de remédier à des maux urgents. Mais qu’importe ! le branle est donné. Bourdoise ne cesse de harceler les évêques pour fonder dans leurs diocèses des institutions semblables. Une vingtaine de séminaires sont fondés sur l’instigation de Bourdoise et parfois avec la collaboration de ses disciples (cfr. Darche, II, 663 note).

En vue du recrutement des séminaires, Bourdoise préconise l’établissement des petites écoles paroissiales. Il les appelle pour cette raison les « séminaires des séminaires » (Sentences chrétiennes et cléricales, Bruxelles, 1670, p. 73). — En plus de cette création, Bourdoise, organise dans les différents diocèses des « conférences ecclésiastiques ». — Il veut que les ordinands se disposent par une retraite » à la réception du sacerdoce. Scire et facere, connaître ses devoirs et les accomplir, voilà la devise que le grand apôtre s’efforçait d’inculquer aux prêtres. À Liancourt, il crée lui-même une sorte de paroisse modèle.

Les vertus sacerdotales, qu’il ne se lassait de recommander, étaient avant tout le détachement du monde marqué ostensiblement par le port de la soutane et de la tonsure ; — l’esprit de prière entretenu dans la méditation ; — le soin des « petites choses » (Darche, I, 147) ; — le zèle des âmes, pénétré de douceur et soutenu par la patience. Il ne voulait pas — c’était son mot — « d’architectes qui bâtissent une maison en deux heures », — enfin : l’amour de l’étude (Darche, I, 410-11).

Pour rendre aux fidèles l’esprit chrétien Bourdoise préconise avant tout les écoles, pourvues de bons maîtres ; les missions populaires ; la beauté du culte dans des églises propres et pieuses. — Bourdoise fut un grand apôtre des « quarante-heures » ; et c’est lui aussi, qui, le premier, lança « la première communion solennelle ». L’amour de la paroisse, l’esprit paroissial lui paraissait de toute première importance, pour transformer le peuple chrétien.

La pensée de Bourdoise sur le sacerdoce se trouve condensée dans un petit opuscule, composé par Mgr Henri de Maupas-du-Tour, avec les maximes et les sentences recueillies dans les écrits du grand réformateur. Les Sentences chrétiennes et cléricales parurent pour la première fois au Puy, en 1658, et furent souvent rééditées (cf. Darche, II, 869-870).

À la fin de sa vie — il mourut en 1655 — le « Solliciteur clérical, paroissial, universel », — c’est le titre que Bourdoise se donnait volontiers, — pouvait se réjouir des fruits merveilleux que son labeur avait aidé à faire produire non seulement en France, mais également en Allemagne (Holzhauser).

Ph. Descoureaux, La vie de Monsieur Bourdoise, Paris, 1714. — La vie du vénérable serviteur de Dieu messire Adrien Bourdoise, Instituteur et premier prestre de la communauté et séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet de Paris et réparateur de la discipline ecclésiastique en France (biographie manuscrite, Bibliothèque de la Chambre des Députés, ms. no  1258 bis ; — nous utilisons une copie de ce manuscrit). — Jean Darche, Le saint abbé Bourdoise, 2e édit., 2 vol., Paris, 1884. — Louis v. Pastor, Geschichte der Päpste, t. XII, 353 ; t. XIII, 547-548. — M. Schœnher, Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet (1642-1908), Paris, 1909. — Louis Prunel, La renaissance catholique en France au XVIIe siècle, Paris, 1921, p. 59-62.