Dictionnaire des Arts et des Sciences/1re éd., 1694/Langue
LANGUE. s. f. Cette partie charnuë & mobile qui est dans la bouche de l’animal, & qui est le principal organe du goust, de la parole. Acad. Fr. La Langue est soustenuë au fond de la bouche par un os que l’on appelle Hyoide, & qui est composé de trois pieces aux hommes, & de neuf, dans les animaux qui ruminent. Il a quatre apophyses, deux inferieures & deux superieures, les premieres l’attachent aux ailes du cartilage Thyroide, & les autres le tiennent attaché aux apophyses Styloides par le moyen des ligamens. Six muscles, dont il y en a trois de chaque costé, font faire tous les mouvemens de la Langue. Le premier, qui est le Genioglosse, s’attache à la partie inferieure & moyenne du menton, & va s’inserer à la racine de la Langue qu’il fait sortir de la bouche en agissant. Le second qu’on appelle Basiglosse, prend de la partie superieure de la base de l’os hyoide, & s’insere à la racine de la Langue auprés du premier. C’est ce second muscle qui abaisse la Langue en agissant. Le troisiéme la tire à costé en s’attachant à sa partie laterale. Il prend de l’opophyse Styloide, & se nomme Styloglosse. La Langue est couverte de trois membranes, de trois sortes de vaisseaux & de quantité de plants de fibres qui la traversent. La premiere de ces trois membranes est tres-mince. C’est la plus exterieure, & on la peut regarder comme l’épiderme qui couvre tout le corps, & qui défend les papilles nerveuses qui sont dessous, des approches de l’air. La seconde, qui est bien plus dense, est percée comme un crible, ce qui la fait appeller Raiseau. La troisiéme est composée d’un grand nombre de papilles nerveuses qui passent à travers la membrane reticulaire, & qui viennent aboutir à la premiere qui reçoit toutes ces papilles dans des estuis. Ce sont ces petites papilles qui sont ébranlées à l’occasion des sels contenus dans les alimens & qui nous font la sensation du goust plus ou moins forte selon la qualité des sels. Le Lion, animal tres-carnassier, a la Langue toute herissée de pointes qui regardent le fond de la gueule. Ainsi lorsqu’il l’applique sur quelque corps un peu tendre, il emporte le morceau. La Langue du Loup cervier est toute semblable, avec cette difference neanmoins, que les pointes depuis l’extremité jusqu’au milieu sont fort aiguës & fort dures regardant le fond de la gueule, & que celles qui sont depuis la racine jusques au milieu, sont tournées à l’opposite, plus mousses & moins dures. Les pointes pyramidales, dont le Chat a la Langue toute herissée, en font la rudesse. Ces pointes & ces élevations qui sont sur la Langue de tous les animaux, servent à faire que l’aliment y séjourne quelque-temps, & qu’il soit davantage penetré par la lymphe qui se trouve dans la bouche. Elles servent aussi à faire la dissolution des sels que les alimens contiennent. D’ailleurs elles défendent ces petites papilles de l’approche des corps durs, sans quoy le frequent attouchement contre ces mesmes corps les auroit renduës calleuses, ce qui auroit privé l’animal de cette sensation. La Langue a trois genres de vaisseaux, sçavoir, des branches de la carotide externe qui luy porte le sang pour sa nourriture ; des veines qui rapportent le residu du sang dans les jugulaires, & que l’on nomme Ranules, & pour troisiéme genre de vaisseaux, le nerf. Elle en reçoit un rameau tres-considerable qui vient de la troisiéme branche de la cinquiéme paire, un de la huitiéme & un autre de la neuviéme. Ils vont se perdre tous trois dans sa substance, & forment les papilles nerveuses dont on a parlé. Il se trouve quantité de glandes & beaucoup de graisse à sa base, & c’est ce qui rend les Langues de bœuf si delicates. La substance de la Langue est composée de plusieurs plans de fibres qui se croisent presque en tout sens. Sous la Langue est une membrane fort fine, appellée Filet. Elle est quelquefois attachée à la gencive interieurement, & c’est ce qui empesche les enfans de teter, à cause que la Langue est le principal instrument pour cette action, qui se fait en portant son extremité sous le mammelon, & la levre superieure dessus, & pressant par secousses obliques la liqueur qu’il contient, de sortir & de rayonner dans la bouche. Tout cecy est de M. Droüin Maistre Chirurgien de l’Hôpital General. Ceux qui voudront sçavoir pourquoy les saveurs sont differentes, en trouveront la raison en lisant la description qu’il fait de la structure de la Langue. Les Serpents ont la Langue mince & à trois fourchons branslans & fort longs. Les Lezards l’ont fourchuë & veluë ; & les Veaux marins l’ont double. Le mot de Langue, a esté fait du Latin Lingua, que Varron derive de Ligare à cause que la Langue est comme liée dans l’enclos des dents. Il y en a qui font venir Langue de Lingere, lescher.
On appelle Langue, les huit Nations dont l’Ordre des Chevaliers de Malte est composée. Il y en a trois pour le Royaume de France, la Langue de Provence, la Langue d’Auvergne, & la Langue de France, deux pour l’Espagne, la Langue d’Arragon, & la Langue de Castille. Les trois autres Langues sont pour l’Italie, pour l’Allemagne & pour l’Angleterre.
Langue de Bœuf. Plante dont les feüilles & les fleurs sont d’usage en Medecine, & la racine plus qu’aucune autre partie de la Plante. On l’appelle autrement Buglose. Voy. BUGLOSE.
Il y a aussi un outil de Maçon qu’on nomme Langue de bœuf. On appelloit autrefois Langue de bœuf, Une espece de halebarde, dont le fer estoit en forme de Langue de bœuf.
Langue de Cerf. Plante que l’on appelle en Latin Lingua cerrina, & qui est selon quelques-uns le scolopendre commun. Elle croist ordinairement dans les forests, & dans les lieux fort couverts & ne porte ny fleur ny semence. Ses feüilles sont plus longues & plus vertes que celles de l’oseille, & ne laissent pas de leur ressembler.
Langue de Bouc. Sorte de Buglose sauvage, dont les feüilles sont menuës, rudes, grasses & rougeâtres. Elle a plusieurs tiges menuës & de petites feüilles noires, sur tout à la cime. Les fleurs sont rouges, & on y trouve des grains semblables à une teste de Vipere, ce qui l’a fait nommer par les Grecs έχιον, du mot έχιζ, qui veut dire Vipere masle. La racine de cette plante est noirastre.
Langue de Cheval. Plante dont les feüilles sont piquantes & semblables au mirte sauvage, & qui produit à sa cime certaines Langues qui sortent de ses feüilles. Voy. HIPPOGLOSSUM.
Langue de Chien. Plante qui est sans tige, & dont les feüilles sont couchées par terre & semblables à celles du grand Plantain. Voy. CYNOGLOSSUM.
Langue de Serpent. Herbe vulneraire, de la racine de laquelle sort une petite tige qui porte au bout une petite Langue pasle comme celle d’un serpent. On la met au rang des serpentines, & les Grecs la nomment Ophioglossum, de όφιζ Serpent & de γλώσσα Langue.
Langue. Terme de Vitrier. Fente qui se fait sur le verre lorsqu’on le coupe. On se sert presentement d’un diamant fin pour couper le verre, mais autrefois on n’employoit pour cela que l’émeril, & comme il ne pouvoit pas couper les plats ou tables de verre épais, on se servoit d’une verge de fer rouge, ce qui se fait encore quelquefois. On la pose contre le verre que l’on veut couper, & en moüillant seulement le bout du doigt avec de la salive qu’on met sur l’endroit où la verge a touché ; il s’y forme une Langue, c’est-à-dire, une fente que l’on conduit où l’on veut avec cette verge rouge.