Dictionnaire des Arts et des Sciences/Nlle éd., 1732/Tome 1/001-010

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Fascicules du tome 1

Dictionnaire des arts et des sciences, 1732
Tome 1, pages 001 à 010

pages 011 à 020



DICTIONNAIRE

UNIVERSEL

DES TERMES DES ARTS ET DES SCIENCES.

ABA

BADA, s. m. Animal farouche du païs de Benguela, dans la basse Ethiopie. Il est gros comme un poulain de deux ans. Sa queue est semblable à celle d’un bœuf, quoiqu’elle ne soit pas si longue, & il a du crin comme un cheval, auquel il ressemble par la tête, l’ayant toutefois plus plate & plus courte. Son poil est plus épais & plus rude  ; ses pieds sont fendus comme ceux du cerf, mais beaucoup plus gros. Il a deux cornes, l’une sur le front, l’autre sur la nuque. Celle du front est unie, longue de trois, ou quatre pieds, épaisse vers la racine comme la jambe d’un homme, pointue par le bout, & droite quand l’Abada est encore fort jeune  ; mais à mesure qu’il croist, elle se recourbe en devant comme les défenses d’un Elephant. On dit que cet Animal la plonge dans l’eau de tems en tems pour en chasser le venin qui pourroit y être. La corne qu’il a sur la nuque est plus courte & plus plate que celle du front. La couleur en est noire ou d’un brun enfoncé, & la limure blanche. Quoique l’Abada coure fort legerement, il ne sçauroit toûjours éviter les traits des Negres qui le poursuivent pour avoir sa corne, qu’on estime un tres-bon préservatif. Il y a de ces cornes qui agissent avec plus d’efficace les unes que les autres, selon l’âge qu’ont ces animaux quand on les tue. On fait un cataplasme de leurs os, reduits en poudre & mêlez avec de l’eau, & on l’applique sur les parties où l’on sent quelque douleur. Ce remede attire au dehors les impuretés qui causoient le


mal, & quand le corps en est tout à fait purgé, ce même onguent referme les ouvertures qu’il a faites.

ABADIR. Nom que les Mythologistes donnent à une pierre qu’on presenta à Saturne enveloppée dans des linges, & qu’il avala croyant manger un fils dont sa femme Ops venoit d’accoucher. Il ne vouloit point élever d’enfans, à cause qu’il avoit sçû du Destin que l’un d’entr’eux le détrôneroit. Lactance Firmien dit que la pierre Abadir étoit le Dieu Terminus. Hesichius est du même sentiment, & Pausanias rapporte qu’on la gardoit à Delphes dans le Temple d’Apollon. Selon Papias le mot Abadir a autrefois signifié Dieu.

ABAISER. v. a. Vieux mot. Appaiser.

Pallas qui la noise abaisa.

ABAISSE. s. f. Terme de Patissier. Pâte dont on fait le dessous d’une piece de patisserie.

ABANDONNER. v. a. On dit en termes de Fauconnerie, Abandonner un oiseau, pour dire, Le mettre libre en campagne.

On le dit aussi d’un oiseau qu’on laisse aller quand on veut s’en défaire entierement.

ABAQUE. s. m. Terme d’Architecture. On appelle ainsi la table quarrée, qui fait le couronnement du chapiteau des colonnes, & qui dans celles de l’ordre Corinthien, represente cette espece de tuile quarrée, qui couvre la corbeille ou le panier qu’on feint environné de feuilles. Il signifie aussi un bufet sur lequel on arrange les vases dans un festin. Ce mot vient du Grec αβαξ ou άβακιον.

ABASSI. s. m. Sorte de monnoye qui a cours en Orient, & qui vaut environ deux réales d’Espagne.

ABATEIS. s. m. Vieux mot. Forêt.

ABAT-JOUR. s. m. Sorte de fenêtre embrasée de haut en bas, par laquelle on reçoit un jour d’enhaut, qui éclaire les lieux bas, tels que sont les offices sous terre, & d’autres endroits où l’on ne peut recevoir le jour par des croisées faites à l’ordinaire.

On appelle aussi Abat-jours Certaines fenêtres de Marchands, qui par un faux jour qu’ils font venir dans leurs magasins, font paroître sur leurs étofes un lustre qu’elles n’ont pas.

ABALOURDIR. v. a. Vieux mot. Abrutir, étourdir, rendre stupide.

ABAZE’E. s.f. Certaine fête des Païens qu’on pretend que Denis, fils de Caprio Roi d’Asie, ait instituée. Ce nom, qui veut dire Taciturne, lui fut donné à cause que pour satisfaire à la Religion, il falloit la celebrer dans le silence, & y paroître melancolique. On appelle aussi cette fête Sabazie.

ABB

ABBAISSER. v. a. Terme de Fauconnerie. On dit Abbaisser l’oiseau, pour dire, Retrancher à un oiseau qui devient trop gras, quelque chose du past qu’on a accoûtumé de lui donner, afin de le mettre en état de bien voler.

On dit en termes de Jardinage, Abbaisser une branche, pour dire, La couper proche du tronc.

ABBAISSÉ, ée. adj. On dit en termes de Blason, Vol Abbaissé, en parlant du vol des Aigles, & en general du vol des oiseaux, lorsque le bout de leurs ailes, au lieu de tendre vers les angles ou le chef de l’écu, descend vers la pointe, ou que les ailes sont pliées.

On dit aussi, Pal abbaissé, Chevron abbaissé, Bande abbaissée, lorsque la pointe finit au cœur ou au dessous de l’écu sans monter plus haut.

On dit encore dans le Blason, qu’Une piece est abbaissée, lorsqu’elle est au dessous de la situation où elle doit être, comme le chef ou la fasce. Le chef qui a accoûtumé d’occuper le tiers de l’écu le plus haut, peut être abbaissé sous un autre chef de Concession, de Patronage, de Religion, &c. & la fasce peut être abbaissée de même quand on la place plus bas que le tiers du milieu de l’écu, qui est sa situation ordinaire.

ABBAISSEUR. adj. Les Medecins appellent Muscle abbaisseur, le second muscle des yeux qui les fait mouvoir en bas.

ABBATANT. s. m. Terme de Marchand de drap. Maniere de dessus de table qu’on éleve au fond d’une boutique & à chaque bout des magasins, & qui s’éleve ou s’abbat selon le jour que l’on veut donner au lieu où l’on vend la marchandise.

ABBATÉE. s. f. Terme de Marine. On s’en sert en parlant du mouvement d’un Vaisseau en pane, qui arrive de luy-mesme jusqu’à un certain point, aprés quoy il revient au vent.

ABBAT-FAIM. s. m. Grosse piece de viande, ou piece de resistance qu’on sert au commencement du repas.

ABBATIS. s. m. Il signifie generalement plusieurs choses abbatues ou demolies, & on dit en ce sens, Abbatis d’arbres, abbatis de maisons.

Les experts, en cas de malversation, jugent de la quantité du bois par les Abbatis. C’est aussi le bois qu’on emploie sans être scié, mais seulement équarré, on l’appelle autrement, Bois de brix.

Abbatis. Signifie en termes de chasse les petits chemins que les jeunes loups ont accoûtumé de faire, lorsqu’en allant souvent aux lieux où ils sont nourris, ils abbatent l’herbe. Salnove dans sa


Venerie Royale dit que quand la louve & le loup chassent ensemble, ils font un plus grand abbatis de bestiaux  : ainsi il entend par Abbatis, les bestes tuées par les vieux loups. On dit aussi qu’Un Chasseur a fait un grand abbatis de gibier, pour dire, qu’il en a tué beaucoup.

Les Bouchers appellent Abbatis les cuirs, graisses, tripes & autres menues choses des bêtes qu’ils ont tuées. C’est environ dans le même sens qu’on dit, Faire des potages d’abbatis d’agneau, de poulet d’inde, &c. pour dire, Les faire avec des issues, des bouts d’ailes, des foyes, &c.

Abbatis signifie encore les pierres que ceux qui travaillent aux carrieres détachent & font tomber.

ABBATRE. v. a. On dit, Abbatre un cheval, pour le couper. Abbatre un cochon, pour le ladguyer, ou pour le saigner.

Les Bouchers disent, Abbatre le cuir d’un bœuf ou d’une autre bête, pour dire, Lui ôter, lui enlever le cuir avec un couteau.

Abbatre. Terme de Marine. Deriver. On dit qu’Un Vaisseau abbat, quand la force des courans ou des marées l’écarte de sa vraie route.

On dit aussi d’un Pilote, qu’Il abbat son Vaisseau d’un quart de rumb, lorsque pour changer sa course, il gouverne sur un autre rumb que celui de sa route.

On dit, Faire abbatre un Vaisseau, pour dire, Le faire obéïr au vent lorsqu’il est sur ses voiles, ou qu’il presente trop le devant au lieu d’où vient le vent. Le Vaisseau abbat, c’est-à-dire, Le Vaisseau obéït au vent pour arriver.

On dit aussi, Le Vaisseau abbat, pour dire que L’ancre a quitté le fond, & que le Vaisseau arrive au vent.

On dit encore Abbatre un Vaisseau, pour dire, Le mettre sur le côté lorsqu’il y a quelque chose à faire à la carene ou à quelqu’autre endroit qu’il faut mettre hors de l’eau pour y travailler.

ABBAT-VENT. s. m. Charpente que l’on couvre ordinairement d’ardoise, & que l’on met dans les ouvertures des clochers, afin d’empêcher la pluie d’entrer, d’abbatre le vent, & de renvoyer le son des cloches en bas, qui sans cela se dissiperoit en l’air.

ABBATURES. s. f. p. Terme de Venerie qu’on emploie pour signifier les foulures d’un cerf  ; c’est-à-dire, le menu bois, la fougere & les broussailles que le cerf qui passe abbat du bas de son ventre. On connoît par où le cerf a passé en voyant ses abbatures.

ABBEC. s. m. Viande, ou autre appât que les Pêcheurs attachent à l’hameçon pour attirer les poissons. Il est vieux.

ABBECHER. v. a. Donner la bechée à un oiseau qui ne peut encore manger de luy-même.

On dit aussi en termes de Fauconnerie, Abbecher l’oiseau, pour dire, Le mettre en appetit en lui donnant une partie du past ordinaire, afin de le faire voler un peu aprés.

ABBÉE. s. f. Ce mot n’est en usage que dans quelques Provinces, & signifie l’Ouverture par où l’on fait couler l’eau d’un ruisseau ou d’une riviere, pour faire moudre un moulin, & que l’on ferme pour la détourner quand il n’est plus necessaire que la rouë tourne.

ABD

ABDOMEN. s. m. Ce mot est Latin, & les Medecins s’en servent pour signifier la partie Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/21 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/22 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/23 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/24 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/25 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/26 Page:Corneille - Dictionnaire des arts, 1732, T1, A-L.djvu/27 lierre. Elle porte un fruit que ceux du pays appellent Voachits. Il mûrit au mois de Decembre, de Janvier & de Février, & est gros comme un raisin qui n'a pas encore atteint sa maturité.

ACHOISON. s. f. Vieux mot. Occasion, loisir. On a dit aussi Achaison. Ainsi on trouve dans Patelin,

Vous ne voudriez jamais trouver d'autre Achaison,
De venir boire en ma maison.

Il a signifié aussi, Vexation, tribut injustement imposé.

ACI

ACIDE. s. m. Terme de Physique & de Chimie. Ce mot n’a été pris d’abord que pour signifier une espece de Saveur, telle qu’est celle des Cittrons, des Oranges, des Tamarins, & il vient du Latin Acidus, formé du Grec άκίζ Pointe, parce que cette saveur est celle de toutes qui picque le plus la langue, & conformément à cette sensation, les Physiciens ont imaginé avec beaucoup de vraisemblance que la saveur acide est causée par de petits corps, qui ont des figures longues, roides, pointues & tranchantes, à peu près comme de petites lances. De-là les Chimistes ont transporté le mot d’Acide, à tous les Esprits ou Sels qu’iis ont conçus devoir être de cette figure, & comme ils ont imaginé d’autres sels poreux & spongieux, qu’ils ont nommés Alkali, (Voyez ALKALI) dont les figures disposent les Acides à s’unir avec eux, & que de là on peut tirer le principe de toutes les fermentations, (Voyez FERMENTATION) il y a présentement plusieurs Philosophes qui mettent dans tous les mixtes des Acides ou des AlKali, & qui par leur moyen expliquent une infinité d’effets. Dès que les Acides mis en liqueur rencontrent un corps qui contient des Alkali, ils fermentent avec ces Alkali, & par conséquent dissolvent le corps. On regarde les Acides comme le principe actif, & les Alkalis comme le principe passif de la fermentation. C’est pourquoi les Chimistes appellent l'Acide Suc potentiel & dissolvant. Il y a une infinité d’acides differens & de differens alkali ; car ces deux mots n’ont qu’une idée très-generale, & ne signifient que deux sels qui ont par leurs figures un tel rapport, que l’un agit facilement sur l’autre & s’y unit, ainsi un acide n’est pas l’acide de tout Alkali, ni un AlKali n’ést pas l'AlKali de tout acide, & on prétend même que quelquefois l'Acide d’un Alkali est l'alkali d’un autre Acide. A Acide pris pour une saveur s’oppose acre ou amer, (Voyez SAVEUR) & à Acide pris pour un principe chimérique s’oppose toujours Alkali. Il est vrai que ces deux oppositions n’en font quasi qu’une ; car on pretend que la plupart des sels acres ou amers sont Alkali.

ACIER. s. m. Fer affiné, & celuy de tous les metaux qui est susceptible d'une plus grande dureté. M. Felibien en fait connoître de cinq sortes ; le Soret ou Clameci, l'acier de Piemont, l'acier d'Allemagne, l'acier de Carme & l'acier de grain.

Le petit Acier commun, appellé Soret, le Clameci ou Limosin, se vend par carreaux ou billes de quatre pouces de long, ou environ ; & pour être bon, les carreaux en doivent être nets, sans pailles ni surchauffures, en sorte que dans la casse que l'on en fait par enhaut, il paroisse net, & ait un grain blanc & délié.

L' Acier qui vient de Piémont est un peu plus gros que le Clameci. Il doit être clair & net, &


sans veines noires, avoir le grain menu & blanc, & se casser aisément par le bout qui est trempé, lors qu'on frappe contre quelque piece de fer, ou contre un autre carreau d'acier. Quand il a ces marques de bonté, il est propre à faire des outils pour couper du pain, de la chair, de la corne, du bois, du papier, & autres choses semblables. Il vient aussi de Piémont un Acier artificiel, fait avec de menuës pieces de fer. On les met lit sur lit dans un grand creuset, ou pot de terre, avec un couvercle par dessus, si bien luté, qu'aucune fumée n'en puisse sortir. On met ce pot dans un fourneau qui n'est fait que pour cela, & on se sert d'un charbon de bois pilé & fraischement fait. Il faut affiner deux fois cet acier pour le rendre bon, & alors il est propre à travailler à la terre, & à acerer des marteaux & autres outils dont on travaille avec violence.

L'Acier qui vient d'Allemagne est par petites barres quarrées de sept à huit pieds de long. Quand il est sans pailles, surchauffures, veines noires, fourures de fer, on peut se tenir seur qu'il est bon. On en fait des ressorts de serrures, d'arquebuses, & autres ressorts, des arcs d'arbalestes & des épées.

L'Acier de Carme, ou à la rose, vient encore d'Allemagne. On en apporte aussi de Hongrie. On peut s'asseurer de sa bonté lors qu'il est souple à la main tout le long des barres, sans pailles ny surchauffures, & qu'en le cassant on y découvre une tache presque noire tirant sur le violet, qui traverse presque la barre de tous costez. Il doit encore avoir le grain fort délié & sans pailles ny apparence de fer. Cet acier, qui est le meilleur qu'on employe en France, est propre pour faire des ciseaux à couper le fer à froid, des burins, des ciselets, des faux, des outils à couper la pierre, la corne, le papier, le bois, &c.

L'Acier de grain, autrement Acier de Motte ou de Moudragon, est un Acier par grosses masses en forme de grands pains plats que l'on apporte d'Espagne. Ces masses ont quelquefois plus de dix-huit pouces de diametre, & depuis deux jusqu'à cinq pouces d'épaisseur. Cet Acier est bon, lors qu'en le cassant on voit qu'il est sans veines noires ny apparence de fer, & qu'il a le grain délié & de couleur presque jaune. Estant bien affiné, il est bon à faire des ciseaux pour couper le fer à froid. On en peut aussi acerer des marteaux & autres outils avec lesquels on travaille à des ouvrages penibles, comme à couper le marbre & la pierre.

Outre ces cinq sortes d'Acier, dont parle M. Felibien, il y a encore celuy que l'on appelle Acier de Damas, parce qu'il vient de Damas, ville de Syrie. Son grain est si fin, qu'il coupe le fer sans être trempé.

ACOE

ACOEMETES. s. m. Religieux, dont la Congregation fut instituée à Constantinople en 499. sous l'Episcopat de Gennade. Ce mot est Grec, akoimêtos, & veut dire, Qui ne dort point, de la lettre a, particule privative, & de koimaô, Je dors, ou je fais dormir. Le nom d'Acoemetes leur fut donné, à cause qu'ils avoient estably une priere perpetuelle pendant la nuit, qu'ils passoient entiere à chanter les loüanges de Dieu, en se succedant les uns aux autres dans cette pieuse fonction. Ils s'opposerent avec beaucoup de courage à Acacius de Constantinople, qui par un motif d'ambition s'estoit revolté contre l'Eglise. Dans le sixiéme siecle ils embrasserent les sentimens des