Dictionnaire des antiquités grecques et romaines/ACCUSATOR

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ACCUSATOR. — Les règles relatives au droit d’accusation en matière répressive ont varié aux différentes époques de la législation romaine.

I. Sous la Royauté, les fonctions d’accusateur paraissent avoir appartenu aux deux quaestores parricidii 1, suivant l’opinion de Walter 2 bien que Geib n’ait vu en eux que des juges 3. Mais il est certain que ces quaestores pouvaient convoquer les comices, quand il y avait lieu à poursuite criminelle.

II. Sous la République, avant l’institution des commissions permanentes [quaestio perpétua], en principe, le droit d’accuser d’office ou sur la dénonciation d’un index ne put appartenir qu’à ceux qui étaient admis à réunir les différents comices et à leur faire une proposition [comitia]. Ainsi pour les comices par curies et les comices par centuries, il était réservé aux magistrats du peuple romain, aux dictateurs, aux consuls, puis aux préteurs, même aux quaestores parricidii 5. Les comices par curies perdirent en général leur juridiction criminelle, lorsque la loi des Douze Tables eut décidé qu’une cause capitale ne pourrait être portée que devant le maximus comitiatus 6. Pour les délits légers, les édiles eux-mêmes obtinrent le droit de poursuivre devant cette dernière assemblée, ainsi que cela résulte de plusieurs

ACCUSATOR. 1 Ciccr. i)e rq)u6. II, 35 ; lit. Liv. II, 41 ; fr. 1, Dg. De off ; quaest. 1, 13 ; Joaiin. Lydus, De mnrjist.l, 24 ; Festus, s. v. Parrieidii qnnestores.

2 Geschichte des rôm. /(ec/i(s, 3 « édil. § 21ct59.

3 Criminal Process, p. 50-66.

4 Tit. Liv. II, 4, 5 ; XXXIX, 14 ; Zurapt, Crim. Keclit, l, 1, p. IM et s.

5 Varro, De ling. lat. VI, 90, 91, 92.

6 Polyb. VI, 14 ; Cicer. De legib. III, 19 ; De repub. Il, 3 ; pro

textes’. La création des comices par tribus permit aux tribuns de la plèbe et aux édiles plébéiens de porter une accusation criminelle devant ces comices’; mais ils ne pouvaient en principe que prononcer des amendes, et, en général, pour cause politique. Les tribuns n’avaient pas le droit de saisir directement d’une poursuite les comices par centuries ; mais ils y arrivaient en demandant au préteur de convoquer cette assemblée’. On conçoit du reste que tout particulier était maître de dénoncer un délit au magistrat compétent pour former une accusation’" {multam dicere, perduellionem judicare).

III. Après l’institution des quaestiones perpetuae, ou juridictions perpétuelles permanentes, il fut permis à chaque citoyen de se porter directement accusateur " {delationem nominis postulare), acte suivi de la nominis delatio, puis de la leg’ibus interrorjatio. Depuis la loi Julia dejudiciis, l’acte fondamental de la procédure fut I’inscriptio in crimen, puis la NOMINIS RECEPTio ; poup Ics formes à suivre, nous renvoyons à ces articles spéciaux et à l’article ordo judi-CIORUM.

IV. Il importe, au contraire, de résumer ici les règles relatives à la capacité requise chez l’accusateur, lorsque le droit d’accusation fut reconnu à tous les citoyens ". Les incapacités existaient en partie sous la République ; elles furent régularisées par la loi Jidia de publias judiciis, dont le Digeste nous a gardé des restes. Les femmes et les pupilles, même les mineurs de dix-sept ans, étaient en général considérés comme incapables d’accuser ; il en était de même des militaires, des indigents, c’est-à-dire de ceux qui ne possédaient pas 30 aurei. On excluait ceux qui avaient déjà formé deux accusations non encore terminées par jugement, ou qui avaient reru de l’argent pour accuser ; il en était de même pour les individus reconnus coupables de faux témoignage, ou frappés d’infamie, enfin pour les affranchis à l’égard de leur patron ". Mais on faisait exception à cette prohibition pour le cas où les incapables poursuivaient leur propre injure ou celle de leurs proches ". Sous l’Empire, les esclaves et les affranchis furent admis à intenter une accusation pubUque, excepté contre leur maître ou patron ", quand il y avait crime capital. Toutefois, en matière de crime de lèse-majesté [majes-TAs ], la loi Julia autorisait à cette accusation même les esclaves, les infâmes, les femmes, etc.’". Remarquons enfin que celui qui lui-même était en état d’accusation, in 7’eatu [reus], n’était admis à poursuivre contre un autre qu’une accusation plus grave ". Autrefois les peregrini, ou sujets de l’Empire non citoyens romains, n’étaient pas capables d’intenter une action criminelle ; on les réduisait, en cas de concussion des gouverneurs de province, à faire valoir leurs plaintes deant le sénat par l’intermédiaire d’un patron •’[repetundae pecuniae]. La loi Calpurnia, rendue en COo de Rome, permit aux socii de porter leur action directement devant la quwsiio instituée par cette loi pour ce genre de crime ". La loi Sevvilia de repetundis alla plus loin, en déclarant citoyen romain le

Sext. 30, 34. — IValcr. Max. VI, 1, 7 ; Tit. Liv. VIII, Î2 ; XXV, 2 ; Ciccr. In Verr.l. 12 ; Gell. XIII, 16. — 8 Polyb. VI, 14 ; Tit. Li ». X, 13, 23 ; XXV, 3 ; XXVI, 2, 3 ; XXXVII, 57, 58 ; XLIIl, 8 ; XXXV, 41, — 9 Tit. Liv. XXV, 4 ; XXVI, 3 ; XLl’ll.’l6 ;’ Gell. VU, 9. —^ 10 Quant aui formes de l’accusation, voyez Diei dictio. — Il Valer. Max. VI, 1, 10. — 12 Laboulaye, Lois C7’im. p. 311 et suiv. — 13 Fr. 1 3 9 10. Dig. De aceusat. XLVllI, 2 ; Cicer. Pro Cluent. 43. — 1 » Fr. 11, Dig. eod. C. 8, 10 ; Cod. Jusl. Dehis qui arc. IX, 1. — 15 Plin. Panegyr. iS ; Capilolin. Pertinax, 9 ; Paul. Setrl. recept. V, 13, 3 ; fr. I, § 16, Dig. De qiiaesl. XLVlll, 18. C. ÎO, 21 ; Cod. Just. IX, I. — 16 Fr. :, pr. cl § I et 2 ; fr. 8. Ilig. Ad legem Juliam majestnt. XLVUI, 4. —"CI et 19, Cod. Jusl. De his qui ncc. LV, 1. — 18 Tit. Liv. XLlll, 2 ; Tacit. Anna/. I, 74.— 19 Cicer Divin, n : In Vcrr. Il Cj V, 48, 52. provincial qui aurait fait condamner un magistrat prévaricateur 20[1].

Dès le temps de la République, des avantages avaient été attachés par certaines lois à des accusations pour crimes spéciaux : ainsi notamment il y eut des prakmia pour l’accusation de brigue [ambitus] et de concussion [repetundae pecuniae]. Sous l’Empire, quand l’esprit civique eut disparu, ce système se développa 21[2] ; alors la profession d’accusateur devint un métier lucratif et infâme, qui rendit odieux le nom de delator 22[3]. Cependant il existait des peines contre les auteurs d’accusations calomnieuses [calumnia] ; en outre, l’accusateur devait donner caution de poursuivre l’instance 23[4], ou même se constituer prisonnier avec l’accusé, et l’abandon volontaire de l’action, sans en avoir obtenu l’autorisation judiciaire [abolitio], constituait le délit de tergiversatio 24[5]. Le sénatus-consulte Turpilien, porté sous Néron, en 814 de Rome, punissait non-seulement ce désistement, mais aussi la praevaricatio 25[6]. Toutefois la mort ou un empêchement légitime dispensait l’accusateur de continuer la poursuite, dont l’accusé pouvait alors demander de son côté l’abolition 26[7], afin de ne pas demeurer indéfiniment sous le poids de l’accusation. — Quant aux droits de l’accusateur, relativement à l’instruction, nous renvoyons aux articles probatio, altercatio, quarta accusatio, testis, patronus. Rappelons seulement ce principe que, sous la République, c’était à l’accusateur privé à réunir tous les éléments du procès 27[8] ; cette règle se maintint sous l’Empire, mais la poursuite d’office par certains magistrats 28[9], la dénonciation et l’instruction par des employés des bureaux et des officiers de police devinrent de plus en plus fréquentes [index, irenarcha, curiosus, quadruplator, stationarius]. Dans ces circonstances l’agent était dispensé d’inscriptio in crimen ; toutefois il était tenu de défendre et d’expliquer son rapport 29[10]. G. Humbert.

Bibliographie. Geib, Criminal Process, Leipzig, 1842, p. 104, 107, 294, 257, 533, 579 ; Laboulaye, Essai sur les lois crim. des Rom. Paris, 1845, p. 134, 143, 311, 339 et suiv. ; Walter, Gesch. des romisch. Rechts, 3e édit. Bonn, 1860,


l, n « 59, 120, 138 ; II, nos 847, 848, 854, 855, 860, 861, et la traduction par Péquet-Damesme, Paris, 1863, p. 85 et suiv. ; A. W. Zumpt, Das crimin. Recht der Römer, 2 v. in-8, Berlin, 1865.

  1. 20 Lex Servilia, édit. Klenze, c. 23 ; Cicer. Pro Balbo, c. 24 ; Laboulaye, Lois crimin. p. 241.
  2. 21 Tacit. Annal. IV, 20, 30 ; Suet. Tib. 61 ; Dio Cass. LVIII, 14 ; Joseph. Ant. Jud. XIX, 1, 16 ; C. 5, § 7, Cod. Ad leg. Jul. maj. IX, 8 ; C. 2, Cod. De fals. mon. IX, 24.
  3. 22 Quintil. Instit. orat. V, 13, 2, 3 ; XII, 7 ; XIII, 7, 3 ; Senec. Controv. III, 20.
  4. 23 Fr. 7, § 1, Dig. De ace. XLVIII, 2 ; C. 3, Cod. Just. IX, I ; c. 1, 2, Cod. IX, 2.
  5. 24 Tacit. Annal. XIV, 41 ; Paul. Sent. V, 17, § I ; C. 2, Cod. Just. De abolit. IX, 42.
  6. 25 Fr. 1, § 1 et 6, Dig. XLVIII, 16 ; fr. 1, Dig. XLVII, 15.
  7. 26 Fr. 10, Dig. XLVIII, 16 ; Fr. 3, § 4, Dig. XLVIII, 2.
  8. 27 Laboulaye, Lois crim. p. 348.
  9. 28 C. 7, Cod. Just. IX, 2 ; C. un. Cod. IX, 11.
  10. 29 C. 1, Cod. De car. XII, 23 ; fr. 6, § 3. Dig. XLVIII, 16 ; c. 7, Cod. IX, 2.