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Dictionnaire des mœurs/Texte entier/P

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P

Parasite = Homme qui achete par des baſſeſſes le droit d’entrer dans quelques maiſons : ce droit ne lui ſera pas conteſté, tant qu’il ſouffrira qu’on l’humilie.

Pardon = C’eſt une action qui expoſe le courage au ſoupçon, & qui éleve la vertu à la ſublimité. Elle n’eſt pas toujours auſſi raiſonnable que touchante : la réputation eſt un devoir.

Parjure = Je ne parierois pas, mais je jurerois. Si quelqu’un avoit pu dire cela, ce ſeroit le dernier homme de la ſociété. Mais c’eſt une phraſe de l’eſprit.

Parloir = Lieu où l’eſprit de religion s’évapore, & où la malignité s’exprime.

Parnasse = Lieu où l’on rêve avec eſprit, où l’on loue avec fineſſe, où l’on ment avec audace, & où l’on trouve parmi les fleurs, des ſerpents & des épines dont la piquure ſe fait ſentir toute la vie.

Parodie = Ses fineſſes & ſes applications ſont mieux ſenties dans le grand monde, que par-tout ailleurs. C’eſt où l’on trouve les originaux, que ſont les meilleurs juges.

Passion = C’eſt un tourment que l’on ne plaint point, & un malheur qu’on ne craint pas. L’eſprit prête beaucoup de regrets au cœur accablé de ſes peines, ou agité par ſes deſirs ; mais ce cœur ne voudroit pas devenir indifférent.

Patrie = Ce mot ne ſignifie plus que le lieu de la naiſſance : autrefois il ſignifioit la paſſion de ce lieu.

Pénétration = Qualité de l’eſprit, qu’un très-honnête homme ne deſire qu’avec beaucoup de modération, parce qu’il ſait combien les penchants invitent à en abuſer, & que ſa premiere crainte eſt de devenir injuſte.

Perfidie = Expreſſion commune qui, en amour, prête infiniment à l’exagération des plaintes & à l’injuſtice des reproches. En amitié, la cauſe en eſt horrible, & la conſéquence en eſt affreuſe.

Personnage = Homme qui joue un rôle de héros avec une taille de nain, & dont le faux talent ne peut être intéreſſant que pour des ſots, & applaudi que par des frippons.

Persuader = Le vice ne perſuade pas : il ſéduit, il entraîne. Il faut la vertu, la vérité, le ſentiment pour perſuader. C’eſt un art ſi doux ! un art dont les effets ſont ſi flatteurs ! Pourroit-il être un des plaiſirs du cœur faux, ou de l’eſprit malhonnête ?

Perturbateur = Un homme à la mode, qui n’a ni probité, ni remords ; un homme d’eſprit qui envie les talents, & les juge ; un jaloux qui ſoupçonne la vertu ; un ami de la maiſon qui donne de mauvais conſeils en cachant de mauvais deſſeins, ſont des perturbateurs. Malheureuſement la loi les laiſſe libres, & le mépris leur eſt indifférent.

Perversité = Elle eſt à l’ame ce que la gangrene eſt au corps ; & pour comble de maux, loin de tuer ceux en ſont affectés, elle entretient ſouvent leur exiſtence.

Pétulance = C’eſt une violence continuelle, qui le plus ſouvent a une vertu pour principe. Les vrais pétulants ont la droiture en partage.

Peuple = Souverain dans ſes opinions & dans ſes habitudes, eſclave dans ſes devoirs & dans ſes travaux.

Philosophie = Eſpece de charlatanerie dont les remedes alterent les bons tempéraments, & ruinent les mauvais.

Plaisir = Image fidelle de l’éclair : en la faiſant ſuccéder par l’orage, il ne manquera rien à la comparaiſon.

Police = Elle eſt plus précieuſe que le code des Loix, & elle eſt peut-être plus difficile à faire.

Politique = Elle tient plus au talent qu’à la ſcience.

Postérité = C’eſt la chimere qui s’éloigne le moins de la raiſon, & la paſſion qu’il faut le moins ravir aux hommes : cependant elle expoſe beaucoup de vertus au mépris, & beaucoup de devoirs à l’indifférence.

Pouvoir = C’eſt une arme inſtituée originairement pour la défenſe, & qui ſert très-communément à l’attaque.

Préjugé = Ceux qui abuſent notre eſprit, & ceux dont on abuſe contre lui, forment un bataillon toujours armé contre le bonheur & contre la liberté. Il ne reſte à l’homme, d’autre reſſource que l’habitude de ſes erreurs, & l’indifférence de ſes maux.

Prétexte = Il eſt le beſoin des eſprits foibles, & l’art des eſprits faux. Il exige une tournure d’eſprit & un jeu de phyſionomie, qu’on n’acquiert point ſans une très grande diſpoſition à l’impoſture.

Prévention = Son origine, auſſi ancienne que celle des idées, a produit ſucceſſivement les beſoins, les arts, la ſociété, les Loix, les mœurs, les vertus, les vices, les crimes, les paſſions, les combats. Elle fut donc, & elle eſt encore la ſource des maux, des biens, des peines & des plaiſirs.

Probité = Qualité qui réduit l’eſprit à une ſi grande dépendance dans la conduite, qu’elle l’expoſe même à la manœuvre des ſots. Elle eſt cependant néceſſaire : mais elle doit avoir ſoin de s’éclairer ſans ceſſe. C’eſt manquer involontairement de probité, que de donner lieu à des abus par des ſcrupules.

Procureur = Animal vorace & féroce, renfermé dans le cercle d’une profeſſion, & qui ne fait conſéquemment que la moitié du mal dont il eſt capable.

Projet = Jeu de haſard qui devroit être défendu. L’honnête homme s’y ruine ; le frippon y ruine les autres.

Protecteur = Homme qui n’eſt ſincere qu’avec le vice.

Pudeur = Elle donne un charme à la beauté, & une phyſionomie à la vertu.