Dictionnaire des sciences philosophiques/2e éd., 1875/Ægidius Colonna
par une société de professeurs et de savants
ÆGIDIUS COLONNA, issu de la noble race italienne des Colonna, appelé aussi du lieu de sa naissance Ægidius Romanus (Gilles de Rome), est un philosophe et un théologien célèbre du xive siècle. Il reçut le surnom de Doctor fundatissimus et de Princeps theologorum. Entré, jeune encore, dans l’ordre des ermites de S. Augustin, il vint étudier à Paris, où il suivit surtout les leçons de S. Thomas d’Aquin et celles de S. Bonaventure, devint précepteur du prince qui plus tard porta le nom de Philippe le Bel, enseigna la philosophie et la théologie à l’Université de Paris, fut nommé en 1294 archevêque de Bourges et mourut à Avignon en 1316, après avoir pris parti pour Boniface VIII contre le prince qui avait été son élève et son bienfaiteur.
Outre son commentaire sur le Magister sententiarum de Pierre Lombard, on a de lui deux ouvrages philosophiques dont l’un, sous le titre de Tractatus de esse et essentia, fut imprimé en 1493 ; l’autre, intitulé Quodlibeta, a été publié à Louvain en 1646, et se trouve précédé du de Viris illustribus de Curtius, qui donne des renseignements circonstanciés sur la vie et la réputation littéraire de ce philosophe scolastique. C’est à tort, sans doute, que les Commentationes physicæ et metaphysicæ ont été attribuées à Ægidius ; car non-seulement il y est nommé à la troisième personne, mais on y voit aussi mentionnés des écrivains qui lui sont postérieurs, et le style est d’une latinité plus pure que dans les écrits de notre auteur. Ses recherches philosophiques se rapportent presque toutes à des questions d’ontologie, de théologie et de psychologie rationnelle, à divers problèmes relatifs à l’être, la matière, la forme, l’individualité, etc. Il se rattache strictement sur plusieurs points à la doctrine d’Aristote : par exemple, il considère la matière comme une simple puissance (Potentia pura), qui ne possède aucun caractère, aucune propriété de la forme ou de la réalité. Il ne fait pas seulement dépendre la vérité de la nature des choses, mais encore des lois de l’intelligence : en somme, il peut être regardé comme un réaliste assez conséquent avec lui-même.
Ægidius Romanus n’est pas seulement un philosophe scolastique, c’est aussi un philosophe politique. Sur la demande de son royal élève, il a composé un traité du Gouvernement des princes (de Regimine principum) imité de celui qui a été écrit en partie par S. Thomas d’Aquin, mais beaucoup plus étendu ; et sur la fin de sa vie, probablement pendant la querelle de Boniface VIII et de Philippe le Bel, il a pris la défense du pouvoir temporel du pape dans un traité de la Puissance ecclésiastique (de Ecclesiastica potestate), qui a été découvert et publié assez récemment par M. Jourdain, sous le titre suivant : Un ouvrage inédit de Gilles de Rome, précepteur de Philippe le Bel, en faveur de la papauté, in-8, Paris, 1858. Dans le premier de ces deux ouvrages (in-f°, Augsbourg, 1473), on trouve un traité peu près complet de droit naturel, de droit politique et même d’économie politique, où les idées d’Aristote et de S. Thomas se trouvent unies à quelques principes plus modernes. Le second contient un plaidoyer en faveur des prétentions les plus exagérées de la papauté, telles que les concevait Grégoire VII. — On trouvera une notice étendue sur Gilles de Rome dans les Réformateurs et publicistes de l’Europe de M. Ad. Franck, in-8, Paris, 1864.