Dictionnaire françois-latin de Jean Nicot/1re éd., 1573/Dedicace

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A TRESILLVSTRE


ET TRESMAGNANIME


PRINCE, MONSEIGNEVR GEORGES


IEHAN, CONTE PALATIN DV RHIN,


Duc de la aulte & basse Bauiere, Comte
de Veldentz, &c.


Onseignevr, comme tout le monde tient pour un singulier bienfaict, venant de la prouidence de Dieu, d'auoir de nostre temps suscité infinis gens de bien & de sçauoir pour esclarcir les bonnes lettres & disciplines, par l'iniure du temps, comme plongées en toute obscurité, & qu'il luy ait pleu inspirer plusieurs grands Princes & Seigneurs par toute la Chrestienté pour tenir la main à la restitution & esclarcissement desdictes bonnes lettres : on ne doibt pareillement moins recognoistre venir de la mesme prouidence l'instrument & moyen de faire tous les hommes participants de ce grand bien, qui est l'Imprimerie. Lequel moyen comme il n'a esté trouué à une fois en telle perfection comme nous le uoyons, graces à Dieu, maintenant : außi ceulx qui se sont le plus employez par le passe & ont le plus apporté d'industrie & travail pour l'amener à cette perfection, de laquelle on reçoit l'utilité esperée, doibuent estre grandement estimez & reputez ueritablement comme suscitez de Dieu, duquel, par l'exemple si notoire qui est deuant nos yeulx, & lequel nous touchōs à la main (apres les bienfaicts incomprables cy dessus mentionnez) nous n'eußions peu receuoir un plus grand bien. Lequel bien, comme il a esté espandu par toute la Chrestienté, außi le renom de ceulx, qui en chascune partie d'icelle se sont addonnez à l'aduancer, a pris tel accroissement, qu'il n'y a homme qui ait auec la cognoissance des lettres quelque usage de raison, en la memoire duquel il ne soit conserué. Ie ne parleray pour n'estre trop long, des autres nations. Quant à la France, elle ne peut, qu'elle ne celebre grandement la memoire, comme elle se sent auoir esté ornée par son industrie, de defunct Robert Estienne, lequel peut estre dict, auoir esté le premier qui a faict, que la Frāce pour ce regard ne cede à aulcune autre nation : tant pour les graces qu'il a eu propres pour l'ornement de cet art d'imprimerie, que pour l'amour infini qu'il a porté à l'utilité publique, & le grand labeur & peine qu'il a pris, sans y espargner rien qui en fust en sa puissance, pour l'aduancer & mener à sa perfection : De quoy font foy tant de beaux & excellens liures, & Latins, & Grecs, & Hébrieux, plus encores recerchez auiourd'uy que du uiuant de l'Imprimeur. Et n'eust esté la calamité qui luy suruint, comme à la moytié de son chemin, laquelle luy retrancha une bonne

partie des commoditez desquelles il se seruoit pour cet effect, nous eußions un nombre infini de liures de son impreßion plus que nous n'auons, & de ceulx qu'il auoit desia mis en lumiere, venant principalement de sa diligence, comme de Dictionaires pour soulager la ieunesse, nous en uerrions un bon nombre augmenté & corrigés en infinis endroicts. Entre lesquels il deliberoit mettre le Dictionaire François-Latin des premiers pour nauoir ia rien espargné à le faire reueoir à plusieurs sçauants personnages qui l'auoyent en et endroict infiniment aydé, & nomméement à M. Iean Tierry, omme de grande erudition : & pour sçauoir tresbien que tel qu'il auoit peu sortir de son imprimerie pour la premiere fois, il auoit esté soingneusement recueilly & apporté une utilité grande à tous desirants entendre la proprieté de la langue Françoise : De laquelle on veoit plusieurs estrangers, voire Princes & grands Seigneurs uoisins de la France, auiourd'huy merueilleusement studieux : l'estude desquels & le desir tant honneste ne se pouuoit mieux entretenir ne augmenter que par un tel ayde & support, auquel, lisant és liures François, s'il se presente à eux quelque diction plus obscure & non entendue, ils puissent auoir recours pour trouuer sans grand ennuy ne peine, l'explication & propre intelligence de tous mots, mesmes les plus fascheux de ladicte langue Françoise & esloingnez de l'usage commun. Car ie puis dire qu'il n'y a ne science, ne art, ne mestier, desquels les propres & plus particuliers mots (uulgairement de peu d'aultres, que de ceux qui ont longuement uersé ausdictes sciences, art & mestier, cogneus & entendus) n'y soyēt diligemment & proprement expliquez, comme il sera facile à tout homme qui a cognoissāce de ladicte lāgue, de le iuger à la premiiere ueuë & lecture dudict liure. Chose laquelle estāt de soy tant recommendable & proffitable qu'un cascun sçait, m'a principalement incité à r'imprimer ledict liure, duquel, il y a quelque temps que i'ay recouuré l'exemplaire laissé pae deça par ledict Robert Estienne, auant que partir de Frāce, lequel ie me suis ingeré, monseigneur, de uous dedier tant pour ce que tous liures de telle parure sont en premier lieu escripts pour le soulagement de tout estrangeier, desirant de bien & parfaictement entendre nostre langue, que pour ce que ie sçay qu'en auez bien bōne cognoissance, encores que n'ayez iamais veu la France, ayant esté à ce tresheureusement mené & conduict (oultre le bon esprit & grandes graces qu'il a pleu à Dieu uous depaartir) par M. Iean Pilot, homme de tresgrande erudition & d'une humanité singuliere, qui mesmes a communiqué au public, il y a ia assez long temps, la methode de laquelle il a usé à vous enseigner, grandement recueillie de tous estrangers effectionnez à nostredicte langue, & prisee de tout homme à ce se cognoissant. Il y a plus, monseigneur, que me souvenant de tant de bien & d'hōneur qu'il uous pleut me faire lors qu'estiez à Heydelberg de me receuoir tresbenignement uous faisant la reuerence, & lequel ie reçoys continuellement de uostre tresnoble & tresillustre maison, marchant à seureté, frequentant les foyres de Francfort, sous sa protection par ses terres & Seigneuries, ie serois reputé, comme à bon droict, tresingrat & tresindigne de telle faueur, si se tant telle occasion que cette-ci, ie la laissois passer sans uous faire quelque demonstration, ne pouuant rien plus du singulier desir & deuotion grande que i'ay, s'il plaisoit à Dieu tant me fauoriser que de m'en donner le moyen, de uous faire treshumble seruice, d'außi bon cueur,

Monseignevr, que ie le suppli uous donner
tout heur & prosperité.
Vostre treshumble seruiteur Iaques Dupuys.