Dictionnaire historique, tome 1/AARON

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Dictionnaire historique, critique et bibliographique, contenant les vies des hommes illustres suivi d’un dictionnaire abrégé des mythologies et d’un tableau chronologique des événemens les plus remarquables qui ont eu lieu depuis le commencement du monde (revu) par une société de gens de lettres
Ménard et Desenne (p. 3-5).
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AARON, frère aîné de Moïse, l’un et l’autre fils d’Amram et de Jozabed, de la tribu de Lévi, naquit en Égypte trois ans avant son frère, l’an 1574 avant Jésus-Christ. Moïse, suivant les livres saints, ayant été destiné par Dieu même à la délivrance des Hébreux captifs en Égypte, s’associa pour ce grand ouvrage Aaron, qui s’exprimait avec plus de facilité que lui. Ils se rendirent à la cour de Pharaon, et opérèrent une infinité de prodiges pour toucher le cœur endurci de ce prince. Aaron accompagna toujours Moïse, et porta la parole pour lui, tant au peuple qu’au roi. Ce fut sa verge qui servit à produire les premiers miracles. Elle fut transformée en serpent, fit changer les eaux en sang, remplit l’Égypte de grenouilles et couvrit tout le pays de moucherons. Après le passage de la mer Rouge, Aaron, grand-prêtre, fut le premier pontife et le premier sacrificateur des Juifs. Parmi les vêtemens que lui donna Moïse, le principal était l’éphod. C’était un habit court et sans manches qui se mettait sur tous les autres. Il était tissu d’or et de fin lin retors. On y voyait briller l’or, l’hyacinthe, le pourpre et le cramoisi. Ce mélange de diverses couleurs joint à la richesse de l’or, et à la pureté du lin, marquait la variété et l’union des vertus sacerdotales qui devaient éclater sur le riche fonds de la justice et de l’innocence, et former par leur mélange une vertu parfaite et digne de celui dont le prêtre était le ministre. À l’endroit de l’éphod qui répondait aux épaules du grand-prêtre, il y avait deux grosses pierres précieuses où étaient gravés les noms des douze tribus, six sur chacune ; et à l’endroit où il se croisait sur la poitrine, il y avait un ornement carré nommé rational. La préférence qu’Aaron avait obtenue pour le souverain pontificat, occasionna bien des troubles parmi le peuple. Coré, Dathan et Abiron, jaloux de l’honneur du sacerdoce, se révoltèrent, et furent abîmés avec leur famille dans la terre qui s’entr’ouvrit. Cette terrible punition fut suivie de plusieurs autres non moins effrayantes. Deux cent cinquante hommes, du parti des rebelles, ayant eu la témérité d’offrir de l’encens à l’autel, il en sortit un feu qui les consuma. Comme le peuple murmurait de la mort de tant de personnes, le feu du ciel enveloppa cette multitude, et l’eût exterminée entièrement, si Aaron ne se fût mis, l’encensoir à la main, entre les morts et les vivans pour apaiser la colère de Dieu. Un nouveau miracle confirma son sacerdoce, et fit cesser les murmures du peuple. Moïse ordonna qu’on plaçât dans le tabernacle les douze verges des différentes tribus. On convint de déférer la souveraine sacrificature à la tribu dont la verge fleurirait : Le lendemain, celle de Lévi parut chargée de fleurs et de fruits. Aaron fut donc reconnu grand prêtre. Pour conserver la mémoire de cet événement miraculeux, Dieu voulut que la verge fût mise dans le tabernacle, où elle conserva ses feuilles et ses fruits, pour convaincre à jamais les Juifs du miracle qui s’était opéré…

Toutes les fonctions d’Aaron et de ses enfans se rapportaient au culte de Dieu. La principale et celle qui les occupait le plus dans le ministère du tabernacle, était le sacrifice : ils avaient soin d’entretenir les lampes, et le feu qui devait toujours brûler sur l’autel des holocaustes, de faire brûler, sur l’autel, les parfums qu’ils composoient eux-mêmes, de démonter le tabernacle quand le peuple avait ordre de décamper, et de le dresser quand on était arrivé au lieu du campement. Outre le service du tabernacle, ils étaient chargés d’étudier la loi du Seigneur, et d’en donner au peuple la véritable intelligence, de juger de la lèpre, des causes de divorce, et de ce qui était saint ou profane, pur ou impur. Ils donnaient en public au peuple la bénédiction au nom du Seigneur, et dans la guerre ils portaient l’Arche d’alliance, consultaient le Seigneur, sonnaient des trompettes. Eux seuls avaient le privilége d’entrer dans le tabernacle ; mais aucun d’eux, excepté le grand-prêtre ne pouvait aller au-delà du voile qui fermait le Saint des Saints. C’était une des prérogatives du souverain pontife, encore lui était-il défendu, sous peine de mort, d’y entrer, si ce n’est un seul jour de l’année, qui était celui de l’expiation solennelle. Aaron jouit de tous ces droits. Il soutint, avec Hur, les bras de Moïse, pendant que Josué exterminait les Amalécites. La gloire d’Aaron aurait été sans tache, s’il ne l’avait ternie par la faiblesse qu’il eut de condescendre aux instances que lui fit le peuple d’élever un veau d’or pour l’adorer, pendant que Moïse était sur la montagne de Sinaï. Ces deux illustres frères furent privés du bonheur d’entrer dans la terre promise, en punition de leur défiance, lorsqu’ils frappèrent le rocher dans le désert de Cadès. Aaron mourut l’an 1452 avant J. C., à cent vingt-trois ans, après avoir revêtu des ornemens pontificaux Eléazar, son fils et son successeur dans le sacerdoce. Les Juifs modernes ont mis son nom dans leur calendrier, pour en renouveler la mémoire tous les ans. Les Grecs en font commémoration le premier dimanche de carême. Son culte est ancien chez les Latins, puisqu’il est marqué dans les premiers martyrologes. Les Juifs ont eu quatre vingt-six grands-prêtres depuis Aaron jusqu’à l’entière destruction du temple. La dignité de grand pontife était à vie ; mais lorsque les Romains se furent rendus maîtres de la Judée, les empereurs en disposèrent à leur gré, et la mirent quelquefois à l’encan.