Dictionnaire historique Juigné/6e éd., 1661/Epicure

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Épicure Philosophe athénien très-renommé, contemporain de Xenocrate & d’Aristote, & autheur de la secte qu’on appelle Epicurienne, qui estoit telle contre l’opinion du vulgaire. Il mettoit le fouverain bien en la volupté laquelle il disoit estre le principe & la fin d’une vie bien-heureuse ; mais non pas abfolument en cette volupté qui ne regarde que le chatoüillement de la chair & ses dissolutions & gourmandifes desordonnées ; ains en celle qu’il disoit estre en cette ioye & tranquillité de corps & d’esprit, & en cette soubstraction de ce qui peut caufer & apporter douleur. Et de faict il ne vouloit que l’on suivist toute volupté, ny aussi qu’on rejettast toute douleur, ains qu’il falloit mefurer avec un meur iugement les choses vtiles auec les inutiles, au compas du plaisir & contentement, comme pour exemple, il vouloit que quelquefois l’on fust frugal & fobre, ou bien afin que l’on iouist du plaisir de la santé, ou bien afin que l’on vacquast plus à l’aife à d’autres exercices, ou enfin, afin qu’en cas de necessité l’on se passait avec moins de douleur des choses superfluës ; mais rapportoit tout à la volupté, faifant pour iuge & modératrice la prudence en l’eslite & suite des choses ou opinions qui pouvoient troubler ou altérer nostre contentement ; & partant aussi, bien qu’il establit la volupté pour souverain bien, il ne reiettoit pour cela la vertu, ains le requeroit en fon disciple, mais fubfidiaircment ; difant qu’elle estoit desirable comme la medecine pour la fanté, non pour elle-même, mais en tant qu’elle donnoit du plaisir ; ainsi conioignoit-il la volupté du corps avec celle de l’ame, l’appellant toute la félicité à une vie ioyeufe. Et sur ce fondement il reiettoit tous les arts liberaux comme apportans du trouble a nostre ame, & diminuans nos contentemens. Reiettoit la prouidence divine & nioit l’immortalité des âmes lesquelles il disoit estre corporelles. Plutarque réfute ses opinions en un traicté qu’il a fait expres. Ses sectateurs l’auoient en telle reuerence qu’ils celebroient sa naissance par une feste chaque 20. du mois, & portoient son pourtraict dans des anneaux. Alex. d’Alex. liv. 3. chap. 8. Lucrece le dit avoir obscurcy la lumiere de tous les autres Philosophes, comme le Soleil celle des autres


astres. Mourut à Athènes âgé de 92 ans, & iaçoit qu’il fust fort fobre & abftinent pource qu’il mettoit le souverain bien en la volupté, l’on a appellé de son nom les hommes charnels & dissolus, Epicuriens. Diog. Laerce liv. 20. De la vie des Philosophes.