Dictionnaire historique d’argot /Édition Dentu/1881/Supplément, E
ÉBOUFFER (s’) : Rire aux éclats. (Delvau.) — Abrév. du vieux mot : s’ébouffer de rire (de bouffer : Souffler, enfler).
ÉCACHER : Écraser. (Id.). — Vieux mot.
ÉCARBOUILLER : Aplatir. (Id.) — On dit plus souvent écrabouiller.
* ÉCARBOUILLER (s’) : Se sauver. Acception étendue du verbe précédent. On s’aplatit, on se réduit à rien pour mieux se dérober.
ÉCHAUDÉ (être) : Être exploité par un marchand. (Delvau.) Son synonyme être écorché est une image du même genre.
ÉCHINEUR : Journaliste échinant d’habitude. V. Échiner, p. 149.
ÉCHOPPE : Atelier. V. Sabourin.
ÉCLUSER : Pisser. (Delvau.) — Pour lâcher l’écluse (p. 214), bien qu’il ait par le fait un sens contraire, car écluser, c’est retenir l’eau dans certaines conditions.
ÉCOPAGE : Choc, coup, réprimande, petit profit, art d’arriver tard dans une maison pour s’y faire inviter à dîner. (Rigaud.)
* ÉCOPER, ÉCOPPER : Avoir la mauvaise part. — Allusion à l’ennui causé par la corvée de canotage qui consiste à écoper (vider l’eau d’un bateau au moyen d’une écope).
ÉCOPER : Boire. (Rigaud.) — Le gosier joue ici le rôle de l’écope.
* ÉCORNÉ : On appelle ainsi l’inculpé parce qu’il est maltraité (écorné) par le ministère public (écorneur).
ÉCORNER LES BOUCARDS : Fracturer les vitres de boutiques. (Halbert.)
ÉCOUTE S’IL PLEUT : Silence ! (Rigaud.) — Quand on écoute, on ne peut faire aucun bruit.
ÉCRACHE : Passeport. (Delvau.) Pour escrache. V. p. 159.
ÉCRACHER : Exhiber son passeport. (Id.) — Nous avons vu que escracher signifiait demander le passeport.
ÉCRASER DES TOMATES : Avoir ses menstrues. (Id.)
ÉCREVISSE : Cardinal. Argot de voleurs. (Id.) — Allusion à un costume que les voleurs ont bien peu occasion de rencontrer. Aussi était-ce un mot de la bonne société du xviiie siècle ; M. Fr. Michel en donne un exemple. Il va sans dire que l’écrevisse était cuite, comme le cardinal des mers si injustement reproché à J. Janin, qui ne pensait qu’au homard cuit.
ÉCURER LE CHAUDRON : Aller à confesse. (Id.) Mot à mot : Nettoyer son for intérieur.
ÉDREDON (faire l’) : Voler un étranger. Argot des filles. (Rigaud.) — Mot à mot : exploiter le lit sur lequel on attire la victime.
EF : Effet. — Abrév. — Faire de l’ef : Briller. (Delvau.)
EFFACER un plat, une bouteille : manger un plat, boire une bouteille. (Rigaud.) — Mot à mot : effacer ce qui les colorait.
EFFET DE BICEPS : Exhibition de force musculaire. (Delvau.)
EFFETS DE POCHE : Étalage d’argent. (Id.) — L’argent se tire de la poche.
ÉGNAFER : Écraser de surprise, émerveiller. Jargon des ouvriers. (Rigaud.) — Ce doit être une ironie à l’adresse des gniafs (p. 193).
ÉGYPTIEN : Mauvais acteur. — Ironie à l’adresse des troupes dramatiques de l’Orient. (Id.)
ÉLIXIR DE HUSSARD : Eau-de-vie. (Michel.) — Eau-de-vie inférieure. (Delvau.)
EMBALLEUR : Agent de police. (Rigaud.) — Il vous arrête (V. p. 151).
EMBALLEUR DE REFROIDIS : Croque-morts. (Id.) — Mot à mot : metteur de morts en bière.
EMBALUCHONNER : Empaqueter. (Delvau.)
EMBAUDER : Prendre de force. Argot de voleur. (Id.) — Pour emblauder. De embler : voler (vieux français).
EMBOUCANER : Sentir mauvais. (Rigaud.) — Mot à mot : sentir la viande boucanée.
EMBROUILLARDER (s’), S’EMBROUILLER : Sentir les premiers effets de l’ivresse. (Delvau.)
EMMAILLOTER UN MÔME : Combiner un vol. Variante de nourrir un poupard. (Rigaud.)
EMMAILLOTEUR : Tailleur. (Id.) — Ironie.
EMMASTOQUER : Se bien nourrir. Mot à mot : se rendre mastoc, s’engraisser. (Delvau.)
* EMMERDEMENT : « Gervaise si gonflée d’emmerdement qu’elle se serait volontiers allongée sous les roues d’un omnibus. » (Zola.)
EMPÊCHEUR DE DANSE EN ROND : Trouble fête. Mot à mot : qui empêche les rondes, c’est-à-dire les danses auxquelles tout le monde prend part. — « Un empêcheur de danse en rond, l’expert, prétend que le tranchelard est postérieur. » (Tintamarre, 76.) — Je ne crois pas le mot ancien, car il a commencé à circuler vers 1860.
EMPEREUR : Vieux soulier. Du nom du savetier qui les revendait près des Halles. (Rigaud.)
EMPLÂTRE : Portée de cartes glissée par le grec au baccarat ou au lansquenet ; — cravate longue. (Id.)
EMPOISONNEUR : Marchand de vins frelatés, gargotier. (Id.) — Le mot est de Boileau.
* ENCARADE : Porte d’entrée. (Michel.)
ENCEINTRER : Rendre enceinte. (Delvau.) Abrév. d’enceinturer qui se disait au xviiie siècle. (V. le dict. de Leroux.)
ENCLOUÉ : Mou, sans énergie, pédéraste. (Rigaud.)
ENDOS : Échine. Argot des voyous. (Delvau.)
ENDOSSE : Épaule. (Michel.)
ENFIGNEUR : Pédéraste. (Rigaud.) — De fignard.
ENFILER DES BRIQUES (s’) : Jeûner. (Id.)
ENFILER DES PERLES : Travailler avec nonchalance. (Id.)
ENFLANELLER DE (s’) : Boire chaud. (Id.) — C’est une flanelle liquide qu’une boisson chaude.
ENFLAQUER : Revêtir, endosser. (Delvau.) Mot à mot : se flaquer dans.
ENFLÉE : Vessie. (Michel.)
ENFLER : Boire.
ENGUEULAGE : Série d’injures. (Rigaud.)
ENGUEULEUR : Homme ayant l’habitude d’engueuler.
ENLEVER (s’) : Souffrir de la faim. (Colombey.) — S’enlever, c’est être léger, c’est-à-dire n’avoir rien dans le corps.
ENMOUTARDER : Enm-der. On saisit l’allusion. — « Qu’est-ce qui nous enmoutarde donc, celui-là, avec sa cloche. » (Le Sublime.)
ENPLAQUE (la rousse) : La police vient. (A. Pierre.) — Pour la rousse emplanque. V. p. 152.
ENRAYER : Renoncer à l’amour. V. Dételer.
ENRHUMER : Ennuyer. (Rigaud.)
ENROSSER : Dissimuler les vices d’un cheval. (Delvau.) — Repasser un mauvais cheval. On dit il m’a enrossé.
ENTERREMENT : Morceau de viande ou de charcuterie enterré dans un morceau de pain, sandwich populaire. (Delvau.)
ENTERREMENT : Ouvrage abîmé par un ouvrier. (Rigaud.)
ENTERREMENT DE PREMIÈRE CLASSE : Critique faite sur le ton d’un faux attendrissement. (Id.)
ENTIÈRE : Lentille. (Michel.) Elle sort souvent comme elle rentre, sans être digérée.
ENTIFFER : Enjôler. (Delvau.) — Forme d’antiffer (page 12).
ENTONNOIR : Gosier. (Id.) — Ne se dit que pour les grands buveurs. (Quel entonnoir !)
ENTORTILLÉ : Maladroit. — Quand on est entortillé, on n’a pas les mouvements bien libres. — « Je lui garde un chien de ma chienne, à votre entortillé de singe (patron). » (Le Sublime.)
ENTORTILLÉ : Pédéraste, polisson. (Rigaud.)
ENTRAÎNEMENT : « L’entraînement a pour but de développer, chez le cheval, des qualités extraordinaires de vitesse et de fond. » (Carnet des courses, 77.)
ENTRAVERSE : Aux travaux forcés à perpétuité. (Michel.) — Pour en traverse, V. p. 350. Ce mot doit venir de la traverse à laquelle les pieds des forçats sont attachés pendant la nuit. — On dit aussi en traverse à perte de vue.
ENTRECÔTE DE BRODEUSE : Morceau de fromage de Brie. (Delvau.) — ENTRECÔTE DE LINGÈRE : (Idem.) (Rigaud.) — Même plaisanterie que dans Bifteck de chamarreuse, côtelette de perruquier, etc.
ENTRELARDÉ (un) : Un morceau de bœuf maigre avec un peu de gras. On dit de même un maigre et un gras dans l’argot des bouillons et des crèmeries.
ENTRER AUX QUINZE-VINGTS : Dormir, c’est-à-dire fermer les yeux, comme les aveugles des Quinze-Vingts. (Delvau.)
ENTRE-SORT : Baraque, théâtre de foire. Allusion aux fournées de spectateurs qui s’y succèdent. (Rigaud.)
ENVOYÉ : Bien dit, bien répliqué. Se dit surtout d’un propos contenant une allusion. — « On applaudit, on cria bravo, c’était envoyé. » (Zola.)
ENVOYER À CHAILLOT : Envoyer paître, repousser. Voir Chaillot, p. 90. — « S’il me fiche un abattage, je l’envoie à Chaillot. » (Zola.)
ÉPATAROUFLER : Augmentatif de épater. — « Voici la chose. C’est machiavélique autant qu’épatarouflant. » (Tam-Tam, 75.)
ÉPILER LA PÊCHE : Raser. (Rigaud.) — Allusion à la rondeur et au duvet de la pêche.
ÉPINARDS (aller aux) : Recevoir de l’argent d’une fille publique. (Id.) — Jeu de mots.
ÉPINARDS (Plat d’) : Paysage verdoyant et mal peint. (Id.) — Allusion de couleur.
ÉPITONNER (s’) : Avoir du chagrin. (Id.) — Pour se pistonner.
* ÉPONGE : « Tiens, que je te fasse voir mon éponge, poursuivit-il en tirant à lui Céline.» (Huysmans, 79.) V. Linge.
ÉPONGE : Ivrogne. (Delvau.) — Il absorbe comme elle les liquides. Scarron donne déjà cette image.
ÉPOQUES (avoir ses) : Avoir ses menstrues. (Id.)
ÉPOUSER LA CAMARDE : Mourir. Mot à mot : épouser la mort. — ÉPOUSER LA VEUVE : Être guillotiné. (Colombey.) Mot à mot : épouser la guillotine.
ERGOT (se fendre l’) : Fuir. (Michel.) — Animalisme.
ERNEST : Communiqué officiel. Argot de journaliste. (Id.)
ESBALONER (s’) : S’évader. Mot à mot : s’en aller en ballon. V. p. 13 de l’Introduction.
ESBROUFFE (vol à) : Vol commis dans la rue sur le gousset d’un passant qu’on feint de heurter par mégarde. (Rigaud.)
ESBROUFFEUR : Voleur à l’esbrouffe. (Id.)
ESBROUFFEUR, ESBROUFFEUSE : Qui fait de l’esbrouffe (V. page 158.) — « D… est un homme important, un esbrouffeur. » (V. Bouton.)
ESCAFFE : Coup de pied au derrière. Vieux mot. (Michel.)
ESCAFFER : Donner un coup de pied. (Id.)
ESCAFIGNON : Soulier. (Id.)
ESCANNER : Fuir. — À l’escanne : Fuyons. (Id.)
ESCARE : Contre-temps. — ESCARRER : Empêcher. (Rigaud.) — Halbert donne escaver.
ESCARGOT : Lampion, sergent de ville. (Id.) Homme vilain d’aspect. (Delvau.) — Comme l’escargot, l’agent passe le long des murs.
ESCARPINS DE CUIR DE BROUETTE, DE LIMOUSIN : Sabot. (Delvau.) — Facéties. La dernière fait allusion aux maçons que le Limousin envoie chaque année à Paris.
ESCARPIN RENIFLEUR : Soulier prenant l’eau. (Rigaud.) — Allusion au bruit de son aspiration.
ESCARPOLETTE : Charge. Argot de théâtre. (Delvau.) — C’est une variante de balançoire.
* ESCRACHER : Exhiber le passeport, montrer ses papiers. (Rigaud.)
ESPADRILLE : Soulier de n’importe quelle forme. (A. Pierre.) — Extension du sens connu.
ESPAGNOL : Pou. (Michel.) — L’Espagne passait pour être trop bien partagée sous ce rapport.
ESQUINTE : Abîme. Argot de voleur. (Delvau.) — Il me semblerait plus rationnel de lire ici esquinté : abîmé. Il doit y avoir une faute d’impression donnée d’abord par M. F. Michel, et reproduite après par ses successeurs.
ESSENCE DE CHAUSSETTES : Sueur de pieds. (Id.)
ESTABLE : Poule. (Rigaud.) — Forme de estaphle.
ESTAFFIER : Chat. (Rigaud.)
ESTAFFION : Chat, taloche. (Michel.) — Notre mot d’estafilade semble bien près de celui-là, de toutes façons, car le chat est un maître estafileur.
ESTAPHE : Taloche. (Id.)
ESTAPHLE : Poule. Jargon de voleur. (Id.) — V. Estafon, p. 160.
ESTOMAC : Courage. (Id.) — Il a de l’estomac : il est hardi au baccarat, à la Bourse, etc. On sait que la peur influe défavorablement sur l’estomac. Donc avoir bon estomac, c’est être courageux. V. Foirer, p. 179.
ESTROPIER : Manger. (Delvau.) — C’est-à-dire manger cuisse ou aile.
ÉTATS (être dans tous ses) : Être fort surexcité. (M. Tourneux.)
ÉTOUFFAGE : Action d’étouffer. (Rigaud.)
ÉTOUFFER : Forme d’estouffer, V. p. 160.
ÉTOUFFEUR : qui pratique l’étouffage. — Éditeur manquant la vente de ses livres, faute de réclames. (Rigaud.)
ÉTOURDISSEMENT : Demande de service. (Id.)
ÉTOURDISSEUR : Solliciteur. (Michel.)
EXAM : Examen. — Argot des écoles.
EXCELLENT BON : Jeune gandin. — Superlatif de bon jeune homme. Voir ce mot. — « Ne vous laissez pas distraire par la foule des excellents bons qui sont debout dans les portes, ne dansent jamais, gênent tout le monde, s’ennuient à périr. » (Vie parisienne, avril 77.)