Dictionnaire historique de Feller/Nlle éd., Pérennès, 1848/Préface

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PRÉFACE DE L’ÉDITEUR.

Les écrivains qui nous ont transmis les souvenirs des temps passes, ont envisagé l’humanité sous deux points de vue bien différens : les uns nous ont peint les hommes dans leur vie publique et dans leurs rapports avec les événemens célèbres ; les autres nous les ont montrés dans leur vie individuelle et dans l'accomplissement de leurs propres destinées. Sans doute, les vastes scènes que l'histoire générale déroule sous nos yeux, offrent un intérêt et une utilité incontestables. Ces drames immenses dont le théâtre est une partie considérable du monde, et où figurent ces hommes privilégiés qui semblent décider du sort des nations et entraîner à leur suite l’humanité entière , ont le pouvoir de nous plaire et de nous attacher. Mais quelque jouissance qu'il y ait pour notre orgueil à voir l’homme ainsi ennobli par le rôle magnifique qu'il est appelé à jouer ici-bas, nous sentons qu'il y a dans cette pompe dont l'histoire l’environne, quelque chose de factice et de théâtral. Souvent la grandeur apparente du héros tient au piédestal sur lequel il est placé, et sa puissance à des combinaisons d’événemens, à d’heureux hasards, à des ressorts cachés, ménagés par l’invisible ordonnateur des choses humaines. Nous voudrions que l’écrivain nous montrât le héros descendu de la scène et dégagé du prestige des événemens : qu’il nous fut permis de le voir de près, de surprendre ses pensées intimes, ses habitudes familières, et de constater enfin qu’il participe par quelque côté aux faiblesses de notre nature. Voilà le charme et l’intérêt particulier des biographies. — Les anciens, tout en peignant le tableau général des événemens, ne négligeaient aucun des traits qui pouvaient faire connaître sous ses aspects les plus familiers, le héros dont ils racontaient les grandes actions ; et c’est là une des principales causes de cet intérêt puissant qu’ils ont su répandre sur l’histoire : ils ont composé d’ailleurs plusieurs écrits spécialement consacrés à raconter dans ses détails la vie des hommes célèbres. Tel est l’ouvrage de Plutarque, un des meilleurs livres, sans contredit, que l’antiquité nous ait laissés.

Les historiens modernes se sont attachés davantage à peindre l’esprit et les mœurs des nations et des siècles divers, la marche des événemens, et leur enchaînement dans l’ordre général du monde ; et dans l’immensité de ce point de vue tout philosophique, les individus disparaissent pour ne laisser voir que le développement progressif des sociétés, et les lois invariables qui y président. Cette lacune de notre histoire a fait sentir le besoin d’ouvrages spéciaux où l’on pût trouver sur les hommes célèbres ces détails personnels que réclame le curieux intérêt qu’excite leur renommée. Depuis la renaissance des lettres, plusieurs livres de ce genre ont été composés par des écrivains distingués : mais, pour satisfaire complètement le goût public, il fallait une biographie générale qui fût en quelque sorte la contrepartie de l’histoire universelle, et qui nous fît connaître les hommes avec leurs qualités bonnes ou mauvaises, leur esprit, leurs actions et leurs ouvrages, comme celle-ci nous fait connaître les peuples, avec leurs lois et leurs mœurs, leurs prospérités et leurs revers, leurs progrès et leur décadence. C’est là ce que, après des essais plus ou moins heureux, tentés par d’autres écrivains, l’auteur de ce Dictionnaire historique a exécuté avec un succès suffisamment attesté par le grand nombre d’éditions qui ont été faites de son ouvrage. Celle que nous publions aujourd’hui est un nouvel hommage rendu à sa mémoire. Nous nous sommes fait une loi de conserver religieusement le texte primitif, tout en nous réservant de rectifier dans des notes placées au bas des pages, les inexactitudes qui auraient pu s’y glisser. En profitant des supplémens déjà publiés, nous les avons soumis à une révision sévère, tant sous le rapport des faits que sous celui de la rédaction ; et nous les avons modifiés toutes les fois que nous avons cru y reconnaître quelque erreur ou quelque inconvenance. Dans les additions que le temps a rendues nécessaires, nous nous sommes efforcés de rester fidèles à cet esprit de piété et d’impartialité qui animait l’Abbé de Feller. Tous les articles relatifs au clergé ont passé sous les yeux de deux ecclésiastiques aussi distingués par leurs lumières que par leur piété. Les nombreuses et importantes additions faites à ce premier volume, peuvent faire juger des soins qui présideront à notre travail dans toute la suite de cet ouvrage. La dernière livraison sera suivie de la publication d’un tableau général, contenant par ordre de siècles les noms de tous les hommes célèbres avec l’indication de leur profession, et la date de leur mort. Ce tableau qui se vendra séparément sera, pour ainsi dire, un résumé du Dictionnaire, et offrira l’avantage de présenter rapprochées dans un même cadre toutes les illustrations, qui, dans des genres divers, ont brillé à une même époque. Nous venons de rappeler en peu de mots les principale » améliorations que nous apportions au Dictionnaire de Feller, et les garanties que nous offrions au public. Puisse-t-il y voir un titre à ses suffrages !