Dictionnaire historique de l’ancien langage françois/1re éd., 1875/Aatir
Aatir, verbe. Hâter, presser. Disputer, combattre. Provoquer, défier. Courroucer, irriter. Comparer. Préférer. Avancer, mettre en avant, proposer. Arranger, disposer.
Aatir, qu’on a écrit aussi Ahatir, a pu s’être formé de Aha, aspiration d’effort et de hâte ; comme Ahaner qu’on verra ci-après, peiner, fatiguer, labourer, s’est formé d’ahan exclamation de plainte et de travail. Le premier sens qu’offre ce mot, paroit être le sens primitif ; il s’est conservé dans le mot subsistant hâter, qui semble être le même que aatir : d’ailleurs tous les autres sens peuvent en dériver sans effort. On trouve souvent Aatir dans cette première signification. Phil. Mouskes dit des trois Rois qui quittent Hérode pour aller à Bethléem :
Illec fiert[3] moult aatis.
De là, on a dit s’ahatir pour s’empresser, s’avancer l’un contre l’autre, s’attaquer, se disputer, se battre, etc. Dans toutes ces nuances on retrouve toujours l’empreinte de la signification primitive, l’ardeur, l’empressement, l’effort. (Voy. ci-devant Aatie.)
« Tant se sont combatus qu’il n’y a cellui qui ne soit las et travaillé. Le Chevalier a si grand chault que à peu qu’il ne meurt d’angoisse ([4] ; car Hector ahaste si durement, qu’il lui convient perdre la place. » (Voy. Lancelot du Lac, T. II, fol. 54, R° col. 1.)
Les tors ([6]) haï, s’ama les drois,
N’ainc ([7]) volentiers ne combati
Ne vers autrui ne s’aati.
Par une autre façon d’étendre la première acception, hâter, presser, le mot aatir a signifié défier, provoquer.
Des acceptions de provoquer et de combattre, a pu naître l’acception prochaine de courroucer, irriter, que nous trouvons au mot Aatir.
Q’il ot faite la traïson,
Et Pinabiaus s’en aati,
Et jura qu’il avoit menti, etc.
De l’acception provoquer, s’est formée celle de comparer, mettre en parallèle ; idée voisine de la première.
N’en doit-on nule aatir
D’Espaigne jusqu’en Baviere.
Volés con ([9]) tot bon espoir aatir.
K’autre joie ne s’i puet aatir.
En étendant ce sens, Aatir s’est employé non-seulement pour comparer, mais pour préférer la chose comparée ; peut-être même doit-on dériver cette acception directement de l’acception primitive du mot hâter, pris dans le sens d’avancer, mettre devant, préférer.
Qui bien passé aatist au présent.
Aatir ayant signifié hâter, presser, on a dit aussi Aatir, pour mettre en avant, proposer de faire quelque chose.
Q’i ([11]) feront feste novelle.
Peut-être a-t-on dit encore de-là Aatir, pour préparer d’avance, arranger, disposer.
Peut-être aussi doit-on dériver en ce sens le mot Aatir du Latin aptare, disposer, préparer.
Il ne seroit pas impossible de démêler encore quelques nuances dans les acceptions du verbe aatir sous ses différentes orthographes ; mais ce ne sont que des applications figurées des acceptions principales que nous avons marquées, et dans lesquelles elles rentrent d’elles-mêmes ; de sorte que nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire de les distinguer. Voy. cependant Atiser, ci-après.
Les mots Aatie et Atir, sous cette orthographe et autres semblables, ne se trouvent guère que dans les Poëtes ; sous celle d’Ataine ou d’Athaine, et autres pareilles, ils se rencontrent également dans les Ecrivains en prose et en vers.
VARIANTES :
AATIR. Ph. Mousk. MS. p. 124 et pass. - Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1007 et 1023.
Aactier. Lanc. du Lac, t. I, fol. 126, R° col. 2.
Aastir. Chr. de B. du Guesc. dans du Cange, Gloss. Lat. au mot Atia.
Ahastir. Chans. MSS. du C. Thib. p. 53.
Ahater. Ph. Mousk. MS. p. 192.
Ahatir. Ph. Mousk. MS. p. 191, 588. etc.
Astir. Ger. de Rouss. MS. p. 54.
Atahina. Mot Breton. dans du Cange, Glossaire Latin au mot Atia.
Atainer. G. Guiart, dans du Cange, Gloss. Lat. au mot Atia, et Gloss. du Rom. de la Rose.
Atayna. Mot Breton. dans du Cange, Glossaire Latin au mot Atia.
Athir. Modus et Racio. MS. fol. 303, V°.
Atiner. Dans du Cange. Gloss. Lat. au mot Atia.
Atir. Athis, MS. fol. 105, R° col. 1.
Attainer. Alain Chartier, Poës. p. 574.
Attiner. Nicot, Oudin, Cotgrave. Dict.
Haster. Lanc. du Lac, t. II, fol. 54, R° col. 1.