Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Abaris 1

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ABARIS, Scythe de nation (A), et fils de Seuthus. On en débitait tant de choses fabuleuses, qu’il semble qu’Hérodote même se fit un scrupule de les rapporter, et de s’en bien informer. Il se contenta de dire[a] qu’on disait que ce barbare avait porté une flèche par tout le monde, et ne mangeait rien. C’est n’avoir pas su la chose par son merveilleux ; car ceux qui l’ont sue de ce côté-là ont prétendu qu’Abaris était porté sur sa flèche au travers de l’air (B), comme sur un cheval Pégase ; et qu’ainsi les rivières, les mers et les lieux inaccessibles aux autres hommes ne lui causaient nul retardement. Cette flèche avait appartenu à Apollon ; et c’était apparemment avec celle-là qu’il avait tué les Cyclopes, fabricateurs de la foudre dont Jupiter s’était servi contre le pauvre Esculape[b]. Apollon, après cette tuerie, ayant caché son dard sous une montagne, au pays des Hyperboréens, le recouvra d’une façon toute merveilleuse ; car les vents le lui reportèrent dès que Jupiter se fut apaisé envers lui[c]. Ce n’est pas une petite affaire que de savoir en quel temps Abaris vivait (C) : il y a là-dessus une grande variété de sentimens qui a fait broncher quelques modernes (D). Il semble qu’il y ait moins de discorde sur l’occasion qui l’engagea à sortir de sa patrie, afin de voyager par le monde. Une grande peste, dit-on[d], ravageant toute la terre, on n’eut point d’autre réponse d’Apollon, si ce n’est que les Athéniens feraient des vœux pour toutes les autres nations. Cela fit que divers peuples envoyèrent des ambassadeurs à Athènes, et que l’Hyperboréen Abaris fut un de ces ambassadeurs. Il était déjà assez vieux ; et, comme il s’en retourna en son pays afin de consacrer à Apollon l’Hyperboréen, dont il était prêtre, l’or qu’il avait ramassé[e], on pourrait prétendre qu’une collecte pieuse fut l’un des motifs de son voyage de Grèce. Il renouvela, pendant ce voyage, l’alliance des Hyperboréens et des habitans de l’île de Délos[f]. Il se mêlait de prédire l’avenir ; et comme il semait ses prophéties partout où sa vie vagabonde le conduisait, on aurait pu l’appeler un oracle ambulatoire (E). Quelques-uns disent que ce fut lui qui fabriqua le Palladium (F), ce gage fatal de la conservation des villes qui le possédaient, et qu’il le vendit aux Troyens. Il le fit des os d’un homme[g], matière dont je ne pense pas que les faiseurs de talismans se servent jamais. On prétend qu’il pouvait prédire les tremblemens de terre, chasser la peste, et apaiser les tempêtes (G) ; et qu’il fit des sacrifices dans Lacédémone qui eurent tant d’efficace, que ce pays-là, fort exposé à la peste, n’en fut depuis jamais affligé[h]. Il composa beaucoup de livres[i] ; l’Arrivée d’Apollon au pays des Hyperboréens ; les Noces du fleuve Hébrus ; une Théogonie où il expliquait la génération des dieux ; un Recueil d’Oracles, et un autre de Conjurations, ou d’exorcismes, ou, si l’on aime mieux[j], de prières expiatoires. Tous ces ouvrages étaient en prose, excepté le premier. Ceux qui auraient toute la harangue du sophiste Himérius, de laquelle Photius nous a conservé un morceau[k], connaîtraient mieux qu’on ne le peut faire par ce fragment-là, si les grands éloges que ce sophiste donne à quelqu’un s’adressent à Abaris. Du moins est-il indubitable qu’il le loue d’avoir parlé bon grec [l]. D’autres assurent que ses manières aisées et simples, et sa probité, le rendirent recommandable à toute la Grèce[m]. Je n’ai point trouvé que Callimaque et Lucien parlent de lui, quoiqu’un grand critique l’assure[n]. Si sa flèche avait eu le don qu’on attribue à la baguette de Jacques Aymar (H), il aurait pu faire de grands biens au monde, et ne pas craindre le reproche d’inutilité qu’Origène lui a fait[o]. Mais on vient[p] d’apprendre (I) que le règne de cette baguette a été fort court, et qu’il a enfin trouvé son heure fatale à l’hôtel de Condé, à Paris.

  1. Herodot., lib. IV, cap. XXXVI.
  2. Hygin. Astr. Poët., lib. II, cap. XV, pag. 386.
  3. Id. ib.
  4. Harpocration, au mot Ἄϐαρις.
  5. Jamblichi Vita Pythag., cap. XIX, Spanheimii Notæ in Callimach., pag. 490.
  6. Diodor. Sicul., lib. II, cap. XLVII, pag. 126.
  7. Savoir, de Pélops.
  8. Jamblich. ubi suprà, cap. XIX, pag. 93 ; et cap. XXVIII, pag. 131. Appollonius, etiam ubi suprà.
  9. Suidas, au mot Ἄϐαρις.
  10. Le mot grec dans Suidas est ϰαθασμούς.
  11. Photii Bibliotheca, pag. 1136.
  12. Voyez la remarque (C), vers la fin.
  13. Strabo, lib. VII, pag. 208.
  14. Casauboni Notæ in Strabon., lib. VII, pag. 1137.
  15. Origenes contra Celsum, lib. III, pag. 129.
  16. On écrit ceci l’an 1693.

(A) Scythe de nation. ] C’est Suïdas qui lui donne cette qualité, et qui remarque fort distinctement qu’il vint de Scythe en Grèce, et qu’avec la flèche dont Apollon lui fit présent, il vola de Grèce jusques au pays des Scythes hyperboréens. Τοῦτου ὁ μυθολογούμενος ὁϊςὸς τοῦ πετομένου ἀπὸ τῆς Ἑλλάδος μέχρι τῶς Ὑπερϐορέων Σκυθῶν. Ἐδόθη δὲ αὐτῷ παρὰ τοῦ Ἀπόλλωνος[1]. Hujus illa fabulis celebrate sagitta volantis ex Græciâ, (et non pas ex Scythiâ, comme on lit dans la traduction ordinaire) usque ad hyperboreos Scythas. Eusèbe le fait aussi venir de Scythie en Grèce[2]. Si l’article d’Abaris n’était pas en désordre dans Suïdas, on en pourrait légitimement conclure que l’auteur y a désigné trois sortes de régions : la Scythie, où Abaris était né ; la Grèce, où il alla faire un voyage ; et une autre Scythie, où il fit aussi un voyage ; c’était celle des Hyperboréens. On pourrait d’ailleurs en conclure qu’il ne se servit du vol de sa flèche que dans son second voyage, et par conséquent que ce fut en Grèce qu’Apollon la lui donna. Toutes ces conséquences seraient justes si l’on avait affaire à un écrivain exact, ou si l’on était assuré qu’il a dit les choses telles qu’on les voit aujourd’hui dans ses ouvrages ; et alors il faudrait dire que Suïdas a suivi une opinion très-particulière ; car presque tous les auteurs qui nous parlent d’Abaris assurent qu’il était Hyperboréen[3], et que, lorsqu’il fit le voyage de Grèce, il était parti du pays des Hyperboréens ; et s’ils parlent de sa flèche volante, ils ne manquent pas de dire qu’il l’avait avant que d’aller en Grèce.

(B) Était porté sur sa flèche au travers de l’air. ] Les paroles de Jamblique expriment cela fort nettement. Ὀϊςῷ τοῦ ἐν Ὑπερϐορέοις Ἀπόλλωνος δωρηθέντι αὐτῷ ὲπoχούμενος, ποταμούς τε καὶ πελάγη καὶ τὰ ἄϐατα διέϐαινεν ἀεροϐατῶν τρόπον τινα[4]. Cùm Apollini, ejus qui ab Hyperboreis colebatur, jaculo sibi donato inequitaret, fluvios et maria, ac loca inaccessa per aërem quodammodò incedens permeabat. M. Petit, en rapportant ce qui concerne cette flèche, s’est souvenu de ce qu’on débite ordinairement, que les sorcières vont au sabbat à cheval sur un bâton [5]. L’un des journalistes, en faisant l’extrait du livre de M. Petit, n’oublia pas les vers de Villon, où un sorcier est appelé un chevaucheur d’escouvettes [6]. Je rapporterai tout le passage, parce qu’il donne lieu à une petite observation. M. Petit nous allègue les ravissemens d’Élie, le transport d’Habacuc, celui de Pythagoras, et le dard qu’Apollon l’Hyperboréen avait donné à Abaris. C’était un dard merveilleux et fort semblable à ce manche de balai qui sert de cheval aux sorcières, à ce qu’on dit, pour s’en aller entre deux airs à l’assemblée sabbatique [7]. Avant que la petite observation paraisse, il faut que je rapporte ce passage d’un autre journal. M. Petit raconte, après Jamblichus, l’histoire ou la fable d’Abaris Hyperboréen, à qui Apollon avait donné le pouvoir de voler dans les airs, porté par une flèche, comme nos sorcières vont au sabbat à califourchon sur un balai[8]. Ces paroles sont l’explication de ce texte de M. Petit : Auctor est Jamblichus, in Vitâ Pythagoræ, cap. XXVIII, id munus Abaridi Hyperboreo ab Apolline concessum fuisse, ut per aërem quocunquè vellet cursum, magico invectus jaculo, tendere posset[9]. Chacun voit que l’épithète Hyperboreo se peut rapporter ou au mot Abaridi qui précède, où au mot Apolline qui suit. La langue latine est toute pleine de ces équivoques ; mais il est sûr, par les paroles de Jamblique [10], qui sont citées là même [11], que c’est seulement Apollon qui est traité d’hyperboréen. Ce serait une chicane tout-à-fait vaine que de critiquer sur cela le journaliste ; puisqu’outre qu’Abaris a pu être chargé de cette épithète, comme on l’a vu dans la première remarque, on sait bien que les auteurs des journaux sont dispensés de la servitude rigoureuse d’une traduction. Je ne dois pas oublier que la flèche d’Abaris était d’or, et qu’elle lui était si nécessaire pour se conduire, qu’il fut obligé d’avouer que sans elle il ne pouvait pas discerner les chemins qu’il devait tenir[12]. Pythagore lui arracha cet aveu en lui faisant une petite malice ; il lui déroba cette flèche, et il fallut alors qu’Abaris, étonné comme un aveugle qui a perdu son bâton, confessât ses nécessités. Cela me fait souvenir de certaines gens qui se vantent de trouver avec leur baguette les chemins perdus. Si tout ce que l’on en dit était véritable, je ne crois point que, toutes compensations faites, leur bâton fût moins merveilleux que la flèche d’Abaris ; car, si d’un côté il n’a point la force de les faire voler, il découvre d’ailleurs, non-seulement les trésors, les métaux, les bornes des champs, les larrons et les homicides ; mais aussi les adultères de l’un et de l’autre sexe. Un grand philosophe, consulté sur une partie de ces faits en 1689, répondit que rien de cela ne se pouvait faire sans le secours de l’action d’une cause intelligente, et que cette cause ne pouvait être autre que le démon[13]. En écrivant ceci, j’apprends que le principal de ces devins à la baguette[14], ayant fait l’été dernier[15] à Lyon des épreuves surprenantes de son art, a été mandé à Paris, et que sur ce grand théâtre il a fait tant de découvertes, qu’il a obligé bien des gens à dire que nous voilà plus en état qu’on n’y fut jamais, de décider, par des phénomènes incontestables, que les démons produisent cent choses, pourvu qu’on les y détermine par le jeu de quelques causes occasionelles, comme est l’application d’un certain bâton[16]. Cela pourrait être d’une efficace rétroactive en faveur du dard d’Abaris ; car pourquoi n’y aurait-il pas eu anciennement une flèche comme celle-là, s’il se trouve aujourd’hui un bâton qui fasse ce que l’on conte de l’homme de Dauphiné ? Ce serait une matière à recherches métaphysiques que cette affectation du bâton ; car l’ancien proverbe, virgula divina, notre phrase commune, le tour du bâton, et ce que les joueurs de gobelets disent à tous coups, par la vertu de ma petite baguette, semblent tirer leur origine de l’usage fréquent que la tradition commune donne au bâton dans les sortiléges. Quelles vertus n’attribuait-on point anciennement à la verge de Mercure ? Les ailes d’or qu’il mettait à ses talons n’étaient point tellement le principe de son vol, que sa verge n’y concourût aussi avec une vertu très-puissante, et il semble même qu’elle lui ait servi de cheval :

Et primùm pedibus talaria nectit
Aurea, quæ sublimem alis, sive æquora suprà,

Seu terram, rapido pariter cum flamine portant.
Tum virgam capit : hâc animas ille evocat Orco
Pallentes, alias sub tristia Tartara mittit,
Dat somnos, adimitque, et lumina morte resignat.
Illâ fretus, agit ventos, et turbida tranat
Nubila[17].

Si nous avions le Traité sur la verge de Mercure, que Barthius avait promis [18], on y verrait assurément une compilation bien curieuse, et peut-être plus instructive que le Traité du cynique Antisthènes sur le bâton de Minerve. Cette déesse avait aussi son bâton, avec quoi elle faisait paraître les gens ou jeunes ou vieux, selon l’exigence des cas[19]. La sorcière Circé faisait bien plus que tout cela avec le sien[20], puisque, d’un seul petit coup de sa baguette, elle transformait les hommes en bêtes, et les bêtes en hommes. Érasme, qui joint à tous ces exemples la verge avec laquelle Moïse fit tant de choses miraculeuses [21], devait remarquer que le démon, le singe des œuvres de Dieu, a pris son modèle là-dessus pour ériger le bâton en l’une de ses principales causes occasionelles. M. Huet prétend que ce que les poëtes ont chanté de la verge de Mercure, etc., a son origine dans la verge de Moïse [22]. Notez que le diable fut bien prompt à imiter ; car les magiciens de Pharaon firent par le moyen de leurs verges quelques miracles qui ressemblaient à ceux du vrai Dieu[23]. N’oublions point les brachmanes, qui portaient toujours un anneau et un bâton, auxquels ils attribuaient de grandes vertus[24]. J’en dirai peut-être davantage sous le mot Rabdomantie[* 1].

(C) En quel temps Abaris vivait. ] Son ambassade d’Athènes est placée par quelques-uns sous la 21e. olympiade ; par Hippostrate sous la 3e., et par Pindare au temps du roi Crésus [25]. Eusèbe s’était rangé à ce dernier sentiment, puisqu’il avait situé le voyage d’Abaris et le commencement du règne de Crésus sous la seconde année de la 54e. olympiade ; mais il donna peu après dans une honteuse variation ; car il fit fleurir ce devin la dernière année de la 82e. olympiade. Abaris hyperboranus hariolus agnoscitur[26]. M. de Valois semble préférer à tout autre sentiment celui de Porphyre et de Jamblique[27], selon lequel Abaris aura vécu l’an 2 de la 54e. olympiade, contemporain de Pythagore. On infère cela de ce que Porphyre et Jamblique rapportent que Pythagore montra sa cuisse d’or à Abaris, prêtre d’Apollon l’Hyperboréen. Si les lettres qui courent sous le nom de Phalaris n’étaient pas un ouvrage fait à plaisir, on devrait être assuré qu’Abaris a vécu en même temps que ce tyran ; mais il n’y a nulle apparence qu’ils se soient jamais écrit les lettres qu’on trouve dans ce recueil. Cependant c’est une raison à alléguer pour montrer qu’Abaris et Phalaris ont été contemporains ; car il y a quelque sorte de présomption que celui qui a supposé ces lettres à Phalaris a observé la chronologie, afin que ses fictions eussent plus de vraisemblance. Suïdas met la tyrannie de Phalaris sous la 52e. olympiade. Le sentiment d’Hippostrate pourrait être fortifié par la raison que voici. Suïdas observe qu’en la 5e. olympiade les Athéniens firent pour tous les Grecs les sacrifices qu’on nommait Προηροσίαι [28]. Ils se faisaient avant que l’on labourât la terre, et dans la vue d’obtenir la bénédiction divine sur la prochaine moisson. Or, le Scoliaste d’Aristophane rapporte que, quand les Athéniens firent pour tout le monde le sacrifice nommé Προηροσία, il y avait eu une famine, ou même aussi une peste par toute la terre, qui avait obligé les peuples à recourir à l’oracle, et que l’oracle avait répondu que, si les Athéniens offraient un tel sacrifice, le mal cesserait[29]. Ce fut donc alors que tant d’ambassades furent envoyées à Athènes, et qu’Abaris y fut envoyé de la part du peuple hyperboréen. Hippostrate ne se serait donc guère éloigné de la vérité en mettant ce voyage d’Abaris sous la 3e. olympiade. Si les conjectures de Scaliger sur un passage de Firmicus Maternus, concernant le Palladium, sont bonnes, il y a eu des auteurs qui ont fait remonter prodigieusement le temps d’Abaris ; il faudrait, selon cela, qu’il eût vécu long-temps avant la prise de Troie. Nous verrons bientôt ce que c’est. D’autres l’ont fait redescendre jusques au siècle d’Alexandre-le-Grand ; il est vrai que ce n’est que par un enthousiasme d’orateur, à quoi si nous voulions prendre garde, nous nous taillerions trop de besogne. La description que le sophiste Himérius nous a laissée[30] de l’équipage avec lequel Abaris se présenta aux Athéniens, convient merveilleusement à un barbare ; mais il n’était Scythe, dit-il, que dans son habit ; sa langue était grecque, et dès qu’il la remuait, on croyait entendre un discours sorti du milieu de l’académie ou du lycée. Quelle absurdité ! Platon et Aristote avaient-ils déjà fondé des écoles au temps d’Abaris ? Quelqu’un[31] a voulu concilier ces difficultés en supposant qu’il y a eu deux Abaris : Mais sa supposition est insuffisante ; il en faudrait cinq ou six pour bien réussir ; deux n’ôtent pas les divisions : ce n’est pas la peine.

(D) Variété de sentimens qui a fait broncher quelques modernes. ] Vossius préfère à tout autre sentiment l’opinion de ceux qui font fleurir Abaris entre la 30e. et la 38e. olympiade. Ce temps-là dit-il[32], est, selon Eusèbe, celui de la tyrannie de Phalaris ; Phalaris tyrannidem exercuit ab olympiadis XXX (il fallait dire XXXI) an. II, usque ad olympiadis XXXVIII an. II, teste Eusebio : or Abaris a été contemporain de ce tyran. Il réfute par cette hypothèse ceux qui disent qu’Abaris a été disciple de Pythagore ; car il observe que Pythagore fleurit l’an 1er. de la 60e. olympiade, et mourut vers la fin de la 70e. Il remarque qu’un disciple de Pythagore n’a pu écrire des lettres à Phalaris. Enfin il assure que tous les anciens ont fait Abaris antérieur non-seulement à Pythagore, mais aussi à Solon. Antiqui omnes de Abari loquuntur ut non Pythagora modò, sed Solone etiam antiquiori[33]. Il n’y a guère de solidité dans ces remarques de Vossius ; car le même Eusèbe, qui en est le fondement, a situé, en un autre lieu, Phalanis sous l’an 3 de la 53e. olympiade, et le voyage d’Abaris sous l’an 2 de la 54e. Vossius devait prendre garde à cela, et se souvenir que le passage d’Eusèbe, qu’il ne cite pas, a été préféré par Scaliger[34] à celui qu’il cite. Scaliger se fonde sur ce que le commencement de la tyrannie de Phalaris a été placé par Suïdas sous l’olympiade 52, outre qu’Orose remarque que Cyrus et ce tyran ont été contemporains[35]. Il est donc visible que les conséquences que Vossius a tirées de ce qu’Abaris et Phalaris ont vécu en même temps ne sont guère bonnes ; car Abaris aurait pu écrire à Phalaris après l’olympiade 52, et voir Pythagore après l’olympiade 60[36]. Quoi qu’il en soit, on n’a pas dû dire que, suivant tous les anciens, Solon a vécu après Abaris ; car nous savons qu’il donna ses lois aux Athéniens en la 46e. olympiade[37], et qu’Eusèbe met Abaris sous la 82°[38].

M. Moréri s’est mal servi des observations de Vossius. Il trouve de l’opposition en ceux qui disent qu’Abaris vivait avant Solon, et ceux qui disent que c’était du temps de Tullus Hostilius, où d’Ancus Martius, roi des Romains. Ce ne sont pas deux sentimens différens ; il n’y a point de chronologie qui voulût se faire un scrupule d’assurer que ces deux rois ont précédé Solon. Ce passage de Vossius, fuerit igitur (Phalaris) temporibus Tulli Hostilii et Anci Martii[39], et le précédent, ont trompé M. Moréri. Disons en passant qu’il s’est laissé abuser par ces paroles de Cœlius Rhodiginus : hujus (Abaridis) et Gregorius theologus commeminit in epitaphio ad magnum Basilium[40]. Il a cru que saint Grégoire parle d’Abaris dans une épitaphe qu’il adresse à saint Basile-le-Grand [41]. Je n’ai rien trouvé touchant Abaris dans les vers de saint Grégoire de Nazianze sur la mort de saint Basile. J’espérais d’y rencontrer les cinq ou six lignes que le Giraldi rapporte comme tirées ex Monodiâ in divum Basilium[42]. Le mot de monodia est une adresse vers une pièce de poésie ; mais ici c’est une adresse trompeuse. Je me suis tourné vers la prose de ce grand théologien, c’est-à-dire, vers son oraison funèbre de saint Basile, et je n’y ai pas trouvé le quart de la citation du Giraldi. Il y a une erreur particulière, en ce que M. Moréri s’est exprimé comme si cette épitaphe n’eût point été faite pour saint Basile.

(E) Un oracle ambulatoire. ] Clément d’Alexandrie met Abaris entre ceux qui se mêlaient de prédire l’avenir. Προγνώσει δὲ καὶ Πυθαγόρας ὁ μέγας προσανεῖχεν αὶεὶ, Ἀϐαρις τε ὁ ̓Υπερϐόρεος [43]. Præscientiæ autem Pythagoras quoque magnus semper mentem adhibuit, et Abaris Hyberboreus. Nous avons déjà rapporté[44] l’épithète d’hariolus, dont on le régale dans la Chronique d’Eusèbe. Un commentateur de saint Grégoire de Nazianze a rapporté qu’Abaris parcourut toute la Grèce, et y rendit des oracles[45]. Apollonius assure le même fait ; et il dit de plus que ces oracles subsistaient encore. Ἐγραϕε δὲ καὶ χρησμοὺς ταῖς χώραις περιερχόμενος, οἵ εἰσι μέχρι τοῦ νῦν ὑπάρχόντες[46]. Scripsit autem et oracula regionibus quas observans lustrabat, quæ ad hoc usque tempus extant. Le Scoliaste d’Aristophane [47] dit aussi qu’on les avait de son temps. Abaris n’était pas le seul de son métier qui errât ainsi par le monde, et qui semât de toutes parts ses prédictions à tour de bras : c’était le propre des devins ; et c’est pourquoi Artémidore prétend que, lorsqu’on songe qu’on devient prophète, c’est le plus souvent une marque qu’on voyagera, et qu’on se tracassera ; car, ajoute-t-il, les devins ont accoutumé de mener une vie vagabonde. Φέρει δὲ καὶ ἀποδημίας πολλάκις καὶ κινήσεις τῷ ἰδόντι τὸν ὄνειρον. διὰ τὸ τοὺς μάντεις περινοςεῖν : Portendit sæpè etiam peregrinationes et motus hoc somnium ei qui vidit, proptereâ quòd vates vitam errabundam agunt[48]. Ils avaient cela de commun avec les joueurs de gobelets, et avec toutes sortes de charlatans. Abaris faisait plus que des prédictions : on prétend qu’il bâtissait des temples ; celui de Proserpine du Salut. Κόρης Σωτείρας, dans Lacédémone, fut son ouvrage[49]. Platon en fait un vrai charlatan, ou plutôt un enchanteur qui se mêlait de guérir les maladies avec des paroles[50].

(F) Qui fabrique le Palladium. ] On doit cette découverte au grand Scaliger. Il a corrigé en deux endroits avarus par Abaris[51], dans un passage de Julius Firmicus Maternus[52]. Voici ce passage ainsi corrigé : Palladii etiam quid sit numen audite. Simulacrum est ex ossibus Pelopis factum. Hoc Abaris Scytha fecisse perhibetur ; jam quale sit considerate quod Scytha barbarus consecravit. Est ne aliquid apud Scythas humanâ ratione compositum, et illa effera gens et crudeli atque inhumanâ semper atrocitate grassata, un constituendis religionibus rectum aliquid potuit invenire ? Simulacrum hoc Trojanis Abaris vendidit, stultis hominibus vana promittens. Scaliger a corrigé deux fautes presque semblables dans un passage du Scoliaste d’Aristophane [53]. Au lieu de βάριν, il fait lire Ἄϐαριν ; et, au lieu de ϐάριδας, il fait lire Ἀϐάριδος ; ce qui fait un sens beaucoup plus intelligible. Ὅτε δὴ καὶ Ἄϐαριν ϕασὶ τὸν Ὑπερϐόρειον ἐλθόντα ϑεωρὸν εἰς τὴν Ἑλλάδα Ἀπόλλωνι ϑητεῦσαι, καὶ οὕτω συγγράψαι τοὺς χρησμοὺς τοὺς νῦν προσαγορευομένος Ἀϐάριδος. Le sens est, qu’Abaris, étant allé dans la Grèce, pour consulter Apollon, ou pour lui faire des offrandes, s’arrêta à son service, et écrivit les oracles qui portaient encore le nom d’Abaris. M. de Valois corrige[54] de son côté un endroit de Proclus[55], où Pythagore est cité ἐν τῷ πρὸς Ἄϐαρος λόγω ; il croit qu’il faut lire Ἄϐαριν. Ainsi il y aurait eu un ouvrage de Pythagore[56] adressé à notre Abaris. Ce qu’il y a de certain, c’est que Pythagore, si l’on en croit Jamblique[57], expliqua son Traité de la Nature, et son Livre des Dieux à cet Hyperboréen. Plutarque fait mention d’un livre intitulé Abaris, et composé par Héraclide[58], où l’on voyait, je pense, toutes les aventures vraies ou romanesques de ce fameux hyperboréen. Au reste, Je m’étonne que Scaliger, qui était en si bonne humeur de nous découvrir des fautes, nous ait renvoyés au Giraldi, comme à une source de docte instruction touchant Abaris : car, quelque savant que soit le Giraldi, il n’a pas été fort exact sur cet article [59]. Il dit que Valérius Harpocration a parlé des merveilles de la flèche ; et qu’au rapport d’Hérodote, elle fit voler Abaris jusque sur les terres des Hyperboréens. Mais il est sûr qu’Harpocration ne parle point de la flèche, et qu’Hérodote ne parle point du vol d’Abaris, ni ne désigne aucun lieu particulier où cet homme fût allé. Charles Étienne et Moreri ont commis cette dernière faute : Legatus Athenas veniens ad suos Hyperboreos rediit nihil comedens, dit Charles Étienne ; retournant de Grèce en Scythie, il fit ce long voyage sans manger, dit Moréri ; et elle est plus digne d’excuse que la précipitation qui a poussé le premier à dire que nous avons encore les oracles d’Abaris. C’est avoir copié sans jugement, et sans considérer que depuis le temps qu’on pouvait parler ainsi ces oracles ont été perdus. Nous ferons ailleurs[60] une réflexion générale sur les bévues qui naissent de ce principe.

(G) Prédire les tremblemens de terre, etc. ] Porphyre attribue cette vertu à Pythagore, comme aussi celle de chasser la peste, et d’arrêter la grêle, de calmer les orages, et de faire cesser les tempêtes sur la mer et sur les fleuves, pour procurer à ses amis un heureux trajet[61]. Il ajoute qu’Empédocle, Épiménide et Abaris, ayant appris cela de Pythagore, le pratiquèrent en plusieurs rencontres, πολλαχῆ ἐπιτετελεκέναι τοιαῦτα. Un auteur moderne[62], ayant rapporté que Phérécyde, précepteur de Pythagore [63], et qu’Anaximandre et Abaris [64], prédisaient les tremblemens de terre, fait cette demande assez plaisamment : N’est-ce point, dit-il, qu’à considérer la terre comme un grand animal, ils avaient l’art de lui tâter le pouls et de reconnaître par-là les convulsions qui lui devaient arriver ? Or, soit que la flèche d’Abaris fût l’instrument avec lequel il exploitait tant de merveilles, soit qu’elle n’y contribuât pas, il est sûr que les voyages de cet homme-là pourvaient être d’une grande utilité au genre humain. Voyez la remarque suivante.

(H) Qu’on attribue à la baguette de Jacques Aymar[65]. ] Jamais chose ne fit plus de bruit et ne donna occasion à tant de livres. Je viens d’apprendre que ceux qui s’en promettaient tant d’avantages et tant de victoires sur les mécréans, se trouvent bien loin de leur compte. La seule histoire de tout ceci mériterait un article ; et peut-être en toucherons-nous quelque chose sous le mot de Rabdomantie[* 2], ou en quelque autre occasion. Mais, quoi qu’il en soit, je ne me dédirai pas de ce que j’avance concernant l’utilité de cette baguette. Entre les mains d’un aussi grand voyageur qu’Abaris, elle eût porté la réformation des mœurs par tout le monde, beaucoup plus efficacement que ne l’ont pu faire tout ce qu’il y a jamais eu de missionnaires et de prédicateurs. Car, si un tel homme revenait au monde, la jalousie, ce fléau de tant de maris, en serait bientôt chassée. Les Italiens et les peuples orientaux n’auraient que faire de donner des geôliers à leurs femmes, ou d’être eux-mêmes leurs propres Argus. Chacun s’en fierait à leur bonne foi : on n’aurait qu’à les recommander à la baguette. Et non-seulement les hommes se délivreraient d’un soin pénible[66] et qui ne sert quelquefois qu’à hâter leur infortune ; mais ils se verraient eux-mêmes dans la nécessité de garder la foi conjugale, lorsqu’ils auraient besoin de cette réputation. La tenue des grands jours jetterait moins de terreur dans l’âme des criminels que l’arrivée d’un Abaris. Le plus grand nombre des crimes, les péchés les plus dangereux, savoir, ceux qui se commettent dans l’espérance que le public n’en saura rien, cesseraient entièrement au souvenir de la baguette ; et ce serait alors que l’on pourrait dire :

Tutus bos etenim prata perambulat,
Nutrit rura Ceres, almaque Faustitas.
.........................
Culpari metuit Fides,
Nullis polluitur casta domus stupris.
.........................
Laudantur simili prole puerperæ.
Culpam pœna premit comes.[67].

J’avoue qu’il est difficile de comprendre que le démon, l’ennemi juré du genre humain, ait choisi de telles lois d’engagement avec l’homme ; et c’est à quoi ne prennent pas assez garde ceux qui ne sauraient souffrir, ni qu’on révoque en doute les vertus de la baguette, ni qu’on les explique mécaniquement.

(I) Le règne de cette baguette a été fort court. ] À peine a-t-il duré dans Paris autant de temps qu’il en a fallu pour composer et pour imprimer un article de ce Dictionnaire. M. le prince de Condé, dont les lumières ne peuvent être que fatales aux imposteurs et aux crédules, vu l’éducation d’où il les a prises, a renversé tous les trophées des partisans de Jacques Aymar. Ce pauvre homme a échoué d’une manière si pitoyable dans les essais qu’on a voulu faire de ses forces à l’hôtel de Condé, qu’il y a perdu toute sa réputation[68]. Le public a su comment les choses s’y étaient passées : il n’y a plus de lieu à chicaner sur l’incertitude ; puisque c’est par l’ordre de ce grand prince que le monde a été informé de ce détail. Aussi ne se retranche-t-on point dans cet asile ; on tâche seulement de donner quelque raison de ces infortunes de la baguette, comme je le dirai ci-dessous. Ceux qui ont dit que les fauteurs de ces devins avaient mal choisi leur temps, et que ce n’est pas dans un siècle aussi philosophe que celui-ci qu’il faut produire ces gens-là, ont eu, à certains égards, quelque sorte de raison ; mais, tout bien compté, ils ne raisonnaient pas juste. Il y a plus de particuliers présentement qu’autrefois qui sont capables de résister au torrent et de combattre les illusions, je l’avoue ; mais, à cela près, je vous réponds que notre siècle est aussi dupe que les autres : et, après ce que nous avons vu au sujet d’une explication de l’Apocalypse, qu’on ne nous vienne plus dire, le monde n’est plus grue. Il l’est autant que jamais ; toutes les impostures qui flattent ses passions lui plaisent ; il n’a point de honte d’être convaincu qu’on l’avait trompé ; il n’en respecte pas moins le trompeur ; il n’en crie pas moins contre la foi de ceux qui n’ont pas été trompés. Voici ce qu’un de nos nouvellistes[69] vient de nous apprendre en confirmation de cela : « Les témoignages d’un grand prince et la lettre d’un des premiers magistrats du Châtelet sont de si fortes preuves contre Jacques Aymar, qu’aucun de ceux qui ajoutent foi aux effets prétendus de la baguette n’a osé les contredire. Mais ce qui fait voir le ridicule des esprits crédules, c’est qu’il n’y en a presque aucun qui se soit rendu. M. Vallemont, qui vient de publier un traité de la physique occulte de la baguette divinatoire, prétend expliquer comment le paysan de Dauphiné a pu se tromper dans les épreuves que lui a fait faire M. le prince, quoiqu’il ait véritablement la vertu et les talens dont il se vante. Ces sortes de philosophes, de même que les explicateurs de prophéties, car ce sont des gens assez d’une même trempe, sont des manières de visionnaires qui ne veulent jamais avoir tort, et qui, encore que convaincus de la fausseté des choses qu’ils ont avancées, traitent d’esprits forts les gens de bon sens qui ne donnent pas dans leurs chimères. »

Depuis l’impression de ce que je viens de dire, trois ou quatre années s’écoulèrent sans que j’entendisse parler de Jacques Aymar. Nos nouvellistes l’avaient perdu de vue, et l’avaient abandonné dans sa retraite : mais enfin ils le remirent sur leur théâtre, au mois d’avril 1697, et cela pour lui faire jouer un rôle bien divertissant, et qui d’ailleurs pourrait être d’une merveilleuse utilité, si le conte qu’ils rapportent était véritable. Il y a quelque temps, disent-ils[70], que le prieur des chartreux de Villeneuve-des- Avignon passa par Orange avec Jacques Aymar, par le moyen duquel il prétendait découvrir quelques bornes perdues. Mais, par occasion, on l’employa à un autre usage. On avait exposé depuis trois jours un enfant à la porte du couvent des capucins : le recteur de l’hôpital requit Jacques Aymar d’en découvrir l’auteur, Celui-ci y consentit ; se transporte à la porte des capucins, où l’on avait rapporté l’enfant ; et, à la vue d’une foule de peuple, il suivit le chemin que le mouvement de sa baguette lui indiquait ; et alla tout droit lire un village du Comtat Venaissin, nommé Camaret ; et de là dans une métairie, qu’il assura être le lieu où l’enfant était né. J’oubliais de dire qu’en chemin faisant il rencontra un homme à cheval ; et que, par le mouvement de sa même baguette, il reconnut que c’était le père de l’enfant exposé. Le juge du lieu, ou de son propre mouvement, ou à la sollicitation des personnes intéressées, pria Jacques Aymar et ceux qui le faisaient agir, de ne plus faire de recherche ; et qu’il ferait reprendre l’enfant ; ce qui a été exécuté. Je fais trois observations sur ce récit. La première, qu’il n’est pas certain que ce ne soit pas une fable ; car combien y-a-t-il de gens qui se divertissent à forger des contes, qu’ils font insérer dans les nouvelles publiques ! ils les envoient à un auteur, sans se nommer ; ils choisissent une scène un peu éloignée ; et, après tout, ils savent que peu de gens feront des informations. Ma seconde observation est que, quand même tout ce qu’on rapporte dans le Mercure historique serait véritable, on ne pourrait pas faire taire les incrédules. Jacques Aymar, diraient-ils, savait la route qu’il fallait prendre : un faux-frère, parmi ceux qui connaissaient l’intrigue de l’accouchement, fut ravi de donner l’alarme, et d’ouvrir un beau champ de causerie. En tout cas, il serait un homme à excepter de la règle, Nul prophète en son pays : la honte qu’il essuya dans la capitale du royaume ; cette suite, dis-je, de mauvais succès dont M. Buissière[71] a publié une relation exacte, ne l’eût pas décrédité dans sa province. Je remarque, en troisième lieu, que cette propriété de la baguette aurait de très-bons usages dans le monde. Elle déchargerait le public des fondations qu’il a fallu faire pour l’entretien des enfans trouvés ; car elle ferait connaître ceux qui les ont mis au monde, et on les obligerait à les nourrir. De plus, elle augmenterait la crainte des suites, qui est un frein de l’incontinence, sans lequel les désordres de l’impureté seraient beaucoup plus fréquens et plus scandaleux. Le sexe féminin, plus souvent bridé par cette crainte que l’autre, et quelquefois moins, garderait mieux le dépôt. Choisir à l’écart une petite maison, pour y accoucher ; y faire venir une sage-femme les yeux bandés, et par une route détournée ; faire porter l’enfant au milieu des rues, pendant les ténèbres de la nuit ; cela, et le reste des précautions, serait inutile, en cas que la baguette eût la vertu dont on parle. Elle marquerait le chemin jusqu’à la chambre de l’accouchement, mieux qu’un chien ne suit la piste d’un lièvre jusqu’au gîte. Elle mettrait fin à tant de parjures[72] qui se commettent par ceux qui ne veulent pas se charger de la nourriture d’un bâtard, comme la mère les y voudrait obliger, en se présentant pour cela sans aucune honte devant les juges.

Comme rien n’est aussi capable de détromper les crédules que de faire voir que Jacques Aymar est tombé d’accord lui-même de sa fourberie, je veux mettre ici ce fait-là dans la dernière évidence. J’ai là-dessus une preuve plus positive que le témoignage de M. Robert, procureur du roi au Châtelet de Paris. La lettre[73] qu’il écrivit au père Chevigni, assistant du père général de l’Oratoire, contient seulement quelques-uns des mauvais succès de la baguette, et puis ces paroles : « J’ai ouï dire que depuis, en plusieurs autres expériences faites à Versailles et à Chantilly, sa baguette n’avait pas été plus heureuse ; que même il avait été convaincu de supposition, et l’avait avoué : mais je ne le sais que par le bruit commun, n’ayant pas cru devoir prendre aucun soin d’une pareille fadaise, qui marque combien les hommes sont faciles à donner croyance aux choses nouvelles, et qui leur paraissent si extraordinaires. » Voici plus de précision. M. Buissière m’a fait l’honneur de m’écrire que MM. Dodard et Sauveur, membres de l’académie des sciences, l’ont sollicité à donner une seconde édition de sa lettre, et à s’y nommer ; qu’il la fera donc réimprimer et qu’il y mettra son nom, puisque monseigneur le prince de Condé veut bien qu’il le fasse, par son ordre, pour désabuser les partisans de la baguette ; qu’il y joindra la relation de la recherche[74] que fit Jacques Aymar des meurtriers qui avaient assassiné un archer du guet dans la rue Saint-Denis, et qu’afin que les partisans de la baguette soient entièrement désabusés, il y joindra encore la confession faite à M. le prince de Condé par Jacques Aymar, qu’il ne savait rien de tout ce qu’on lui avait attribué, et que ce qu’il avait fait jusqu’ici n’avait été que pour gagner sa vie. Cet aveu sincère lui attira un présent de trente louis d’or, que S. A. S. lui fit donner, afin qu’il se retirât le plus promptement qu’il pourrait dans son village, parce que, n’étant plus sous sa protection, les personnes qu’il avait accusées à faux l’eussent fait arrêter. M. Robert m’a dit, c’est M. Buissière qui parle, que, si on l’avait mis entre ses mains, pour en faire justice, il l’aurait fait condamner aux galères, la preuve étant sans réplique. La même lettre m’apprend qu’un garçon de quatorze ans, qu’on avait instruit, avait déjà abusé beaucoup de personnes ; mais, comme cela était trop près des faits de Jacques Aymar, il trouva les esprits en garde. Le petit garçon échoua, à la confusion du gentilhomme qui l’avait produit. M. Buissière fut chargé de l’examiner ; il le trouva assez rusé pour son âge : on le tint enfermé quelques jours, sans aucune communication au gentilhomme ; un peu d’argent, quelques promesses de l’établir, et quelques menaces, firent qu’il avoua tout. Cette lettre de M. Buissière est datée de Paris, le 25 de juillet 1698. Joignons à cela l’extrait d’une lettre de M. Leibnitz, que l’auteur voulut bien que l’on publiât dans le journal de M. Tenzelius, l’an 1694, avec celle[75] de M. Robert. Il assure qu’il a ouï dire à madame la duchesse d’Hanovre, belle-sœur de M. le prince de Condé, qu’elle avait reconnu dans son hôtel, à Paris, les impostures de Jacques Aymar, et qu’elle opina conformément à ce prince, qu’il valait mieux faire connaître au public la fausseté de ces choses que de la laisser inconnue, sous prétexte que la persuasion de la baguette avait fait peur à quantité de scélérats et procuré la restitution de quelques vols. Elle déclara que Jacques Aymar avait enfin avoué la fraude, et qu’il en avait demandé pardon, et qu’il avait dit pour ses excuses, que sa hardiesse avait moins contribué à la conduite qu’il avait tenue que la crédulité d’autrui.[76] Is (princeps Condæus) Aymarum Lugduno accersiverat indaginis causâ : excussum multis modis homuncionem et deprehensum tandem ad confessionem fraudis adegit ; quam sibi ignosci petiit supplex, et graviora metuens, causatus non tam propriâ audaciâ quam alienâ credulitate hominum falli volentium, et velut obtrudentium sibi, quæ alioqui ne jactare ausus fuisset, sese in hæc impulsum eò tandem pervenisse, undè pedem commodè non potuerit referre. Facilè condonavit homini magnanimus princeps ; sed erant, qui suaderent dissimulari comperta, et conservari famam hominis vel artis, utili dolo, quòd constaret, furibus aliisque malis hominibus magnum metum fuisse injectum, et ob famam adventantis alicubi rerum furtivarum pretia fuisse relata : sed ducissæ pariter nostræ ac principis egregii sententia fuit, potiorem habendum rationem veritatis. M. Leibnitz a joint à cela une réflexion très-digne de lui, qu’il vaudrait bien mieux examiner de quelle manière tant de personnes de mérite avaient pu être trompées à Lyon, que de rechercher les causes physiques de la prétendue vertu de la baguette.[77] Et scripsi nuper Parisios, utilius, et examine dignius, mihi videri problema morale vel logicum, quomodô tot viri insignes Lugduni in fraudem ducti fuerint, quàm illud pseudo-physicum quod tractavit Vallemontius, meliori materiâ dignus, quomodò virga corylacea tot miracula operetur ? Nam moralis illa quæstio, excussa pro dignitate, multorum errorum popularium origines sæpè speciosas aperiret. Je m’imagine que, si les magistrats de Lyon, qui firent prendre le meurtrier que Jacques Aymar avait découvert à Beaucaire, eussent menacé de faire brûler tout vif, comme un malheureux magicien, l’auteur de la découverte, et qu’ils lui eussent présenté le bourreau avec tous les instrumens de la question, ils lui eussent fait avouer comment il avait appris tout le secret de l’assassinat, et qu’il trouverait à Beaucaire, en tel et tel lieu, l’un des assassins. Il est très-apparent que des personnes qui voulaient le mettre en réputation, afin de partager avec lui le profit de la baguette, lui firent jouer ce rôle. M. Buissière remarque dans son imprimé [78] que cet homme avait une cabale de gens qui le prônaient partout à Paris, et qui firent mettre dans Le Mercure Galant du mois de février 1693 qu’il avait trouvé ceci et cela ; et il n’y eut jamais rien de plus faux. La prévention était telle, qu’il aurait gagné des sommes immenses s’il avait pu se maintenir. Jugez si ses partisans n’avaient pas de fortes raisons de le seconder. « Il n’y eut jamais d’imposture plus accréditée que celle-là [79] : on était si prévenu en faveur de ce personnage, qu’on lui faisait faire des choses à quoi il n’avait jamais pensé, et qu’on lui cherchait des raisons pour l’excuser quand il ne réussissait pas. Il imposait par un air simple et grossier en apparence, et en ne parlant que le patois de son pays ; mais, au fond, il n’était rien moins que ce qu’il paraissait. Le mouvement de sa baguette faisait illusion ; on voyait tourner entre ses mains un morceau de bois fourché si adroitement, qu’on ne s’apercevait point du mouvement insensible de son poignet, qui le déterminait à tourner avec vitesse et avec force, par le ressort qu’il faisait faire à sa baguette. Outre sa naïveté apparente, il affectait fort d’être dévot, d’aller souvent à confesse, tous les jours à la messe, et autres marques extérieures d’une grande catholicité ; et de dire qu’il avait soigneusement gardé son pucelage, sans lequel, disait-il, il ne pourrait réussir avec la baguette. Il ne voulait point aller pendant le jour dans les rues, crainte, disait-il, d’être assommé par les voleurs et les filous. Mais tout cela n’était qu’afin que la nuit lui servît de voile pour mieux cacher toutes ses ruses. Quelque ridicules que fussent toutes ses manières, elles ne laissaient pas de trouver des approbateurs, et par conséquent des prôneurs. Que si on n’avait pas eu le soin de l’empêcher de sortir de l’hôtel de Condé, parce que monseigneur le prince, qui l’avait fait venir à Paris, pour satisfaire sa curiosité, voulait lui faire faire les épreuves qu’il avait méditées, avant que le public l’eût mis en pratique, il aurait été accablé par la multitude qui courait en foule pour l’aller consulter. L’un lui demandait si on ne pourrait pas découvrir les voleurs qui avaient fuit un tel vol, en un tel temps, en tel lieu, etc. Un autre lui venait demander, si un tel saint n’était pas le véritable, plutôt que celui de cette paroisse qui se vantait de le posséder aussi. D’autres lui apportaient des reliques pour savoir si elles étaient les vraies d’un tel saint. J’ai vu un jeune accordé, ouvrier en soie, assez idiot, lui donner deux écus pour savoir si son accordée avait son pucelage. Ceux qui avaient part au gâteau avaient soin de faire venir l’eau au moulin, et de faire payer la consulte par avance, si on en voulait avoir une bonne issue. »

Un tel homme aurait été dans Paris un fonds assuré de gain et une mine inépuisable pour ceux qui auraient eu part au profit. Les personnes soupçonnantes et les personnes soupçonnées l’auraient payé à qui mieux mieux ; il eût tiré de l’argent, et des maris et des femmes, et des galans et des maîtresses : la baguette n’aurait pas tourné ou aurait tourné, selon qu’il eût plus reçu des uns que des autres. Je crois que, si l’on pouvait découvrir tout le mystère de ces sortes de prétendus prodiges, on y trouverait un complot de gens qui cherchent à s’enrichir : les uns se vantent d’un talent extraordinaire ; les autres travaillent sous main à établir la persuasion. Mais je crois qu’il y a des charlatans qui n’ont pas besoin d’émissaires ; la crédulité du public leur prépare suffisamment les voies de l’imposture. Il n’y a pas long-temps qu’il a couru par les villes de Hollande je ne sais quels Allemands qui se vantaient de guérir toutes sortes de malades sans leur donner aucun remède. Il ne faut, disaient-ils, que nous envoyer de leur urine. On ne parlait que de leurs succès : chacun en contait des circonstances merveilleuses ; leur logis était comme le lavoir de Bethesda, plein et entouré d’infirmes. Je ne pense pas que ceux qui prônaient le plus la drogue de ces gens-là, fussent de l’intelligence pour partager le profit. Les uns se plaisaient à recommander la chose, parce qu’elle tenait du prodige ; les autres y pouvaient trouver quelque agrément, à cause que l’inutilité des remèdes ordinaires les mettait de mauvaise humeur à l’égard des médecins. L’illusion ne fut point longue : un mois ou deux en firent raison. On réfuta cette chimère[80] : et il y eut tant de gens qui s’y trouvèrent trompés, qu’ils passèrent de l’approbation au dernier mépris.

Notons que M. Leibnitz observa, avec beaucoup de raison, que, si l’on n’avait pas pu opposer aux esprits crédules ce qui se passa chez M. le prince de Condé, il aurait fallu encore tirer au bâton avec ces gens-là. Mais il est à craindre que l’on n’oublie bientôt la déroute de Jacques Aymar, et que l’on ne soit trop disposé à recevoir la même scène, si de semblables motifs la font revenir dans sept ou huit ans. Nisi princeps Condæus cognoscendæ rei tantùm studii imò et sumptùs impendisset, laboraremus adhuc et conflictaremur cum quibusdam ingeniis, quibus gratius est per mira falli, quàm nudæ veritatis simplicitati acquiescere[81].

  1. * Bayle n’a jamais donné d’article Rabdomantie
  2. * Voyez la note *, pag. 10.
  1. Suïdas, au mot Ἀϐαρις.
  2. Eusebii Chronic. n. 1454.
  3. Herodot. lib. IV, cap. XXXVI ; Diod. Sicul., lib. III, cap. XI ; Apollonii Admir. Histor., sect. IV ; Jamblichi Vita Pythagoræ, cap. XXVIII, pag. 127 et seq. ; Harpocration, au mot Ἀϐαρις. Scholiastes Aristophan. in Equit. ; Eusebius, n. 1568, etc.
  4. Jamblich, Vita Pythagoræ, pag. 128.
  5. Petitus, de Sibyllâ, lib. II, cap. VII, pag. 200.
  6. Non est, le deust-on vif brusler,
    Comme un chevaucheur d’escouvettes.

  7. Nouvel. de la Répub. des Lett. octob. 1686, art. 1.
  8. Bibliot Univers., tome II, pag. 132.
  9. Petit, ubi suprà, pag. 108.
  10. Voyez-les ci-dessus, citation (4).
  11. À la page 199 de M. Petit.
  12. Jamblichus, ubi suprà, pag. 131
  13. Le P. Malebranche, dans le Mercure Galant du mois de janv. 1693.
  14. Jacques Aymar, paysan de Saint-Véran en Dauphiné.
  15. En 1692.
  16. Voyez ci-après la remarque (G).
  17. Virgile, Énéid., liv. IV, v. 239. Voyez aussi Homère, Iliad. et Odyss., liv. dern. ; Ovide, Métam. liv. I, v. 75, au sujet d’Argus ; Horace, ode X, v. 18, et XXIV, v. 16 du liv. I ; Stace, Thebaïd. liv. I.
  18. De Virgæ Mercurialis potestate el potentiâ peculiarem tractationem satis mysterioden damus in Superstitionum magno Commentario. Barthius in Stat. Tom. II, pag. 291.
  19. Homer., Odyss. Ν. et Π.
  20. Ibid. Κ.
  21. Sur le proverbe virgula divina. Chil. 1, centur. 1., n. 97.
  22. Haetii Demonstr. Evang. Propos. IV, pag. 258.
  23. Voyez les chapitres VII et VIII de l’Exode
  24. Philostrat. Vita Apoll. Lib. III.
  25. Apud Harpocrationem.
  26. Eusebii Chron. n. 1668.
  27. Henr. Valesii Notæ in notas Maussaci in Harpocrat. pag. 83.
  28. Au mot Προηροσίαι.
  29. Scholiast. Aristophan. in Equit.
  30. Apud Photium, pag. 1136.
  31. Edward. Simsonius, apud Konig. Bibl. Vet. et Nov., pag. 1
  32. Vossius, de Poëtis Græcis, cap. III, p. 16.
  33. Id. ibid.
  34. Scaligeri Animadv. in Eusebium, n. 1452, pag. 84.
  35. Id. ib. n. 1390, pag. 94.
  36. Notez qu’Abaris, selon Jamblique, était vieux, quand il fut instruit par Pythagore.
  37. Scaliger ubi suprà, n. 1422, pag. 86.
  38. Voyez la remarque précédente, citation (26).
  39. Vossius, ubi suprà.
  40. Cœlii Rhodig. Antiq. Lect. Lib. XVI, cap. XXII, pag. 881.
  41. Cette faute n’est point dans les éditions de Hollande.
  42. Giraldus de Poëtis, Dialogo III, circa init. p. 119.
  43. Stromat. Lib. I, pag. 334.
  44. Ci-dessus, citation (26).
  45. Nicetas in Orat. XX. Gregor. Nazianz. pag. 774.
  46. Apollon. Admir. Hist. Sect. IV.
  47. In Equit.
  48. Artemidor, Lib. III, cap. XXI.
  49. Pausanias. Lib. III, pag. 94. Il dit aussi que d’autres en attribuaient la construction à Orphée.
  50. Plato in Charm. pag. 465.
  51. Scaligeri Notæ in Euseb. n. 1454.
  52. De Errore Profan. Relig.
  53. In Equit.
  54. Valesii Notæ in notas Mauss. in Harpocration., pag. 83.
  55. In Timæum Platonis, pag. 141.
  56. Confer quæ Jamblich. ubi suprà, cap XIX, pag. 92.
  57. Jambl. ibid.
  58. Plut. Quomodò audiendi Poët. initio.
  59. Voyez la remarque (D) vers la fin.
  60. Dans la remarque sur l’article Balbus (Jean), à la fin.
  61. In Vitâ Pythagor.
  62. La Mothe le Vayer, tome XI, pag. 127.
  63. Il cite Diog. Laert. in Phercecyd. Ciceron P. de Divin.
  64. Touchant Abaris, il cite Apollonius, surnommé Dyscole, cap. V. C’est le même que j’ai cité ci-dessus.
  65. Voyez ci-dessus la remarque (B).
  66. Pœnæque graves in cœlibe vitâ,
    Et gravior cautis custodia vana maritis.
    Ausonii idyll. XV.

  67. Horatii Od. V., lib. IV.
  68. Voyez Lettres Historiques, et le Mercure Politique du mois de mai 1693.
  69. Mercure Historique du mois de mai 1693, pag. 565.
  70. Mercure Historique et Politique, mois d’avril 1697, pag. 440, 441.
  71. M. Buissière, apothicaire de M. le prince de Condé, est l’auteur du livre qui a pour titre, Lettre à M. l’abbé D. L. sur les véritables effets de la baguette de Jacques Aymar, par P. B. à Paris, chez Louis Lucas, 1694.
  72. Le conte porte que Jacques Aymar reconnut qu’un cavalier qui passait était le père de cet enfant exposé.
  73. Elle est imprimée avec celle de M. Buissière, citée ci-dessus.
  74. M. Robert en a parlé dans sa lettre.
  75. M. Pasch, à la page 778 de l’ouvrage cité ci-dessus, nomme Cheulgni le père, à qui cette lettre fut écrite. C’est apparemment une faute d’impression, pour Chevigni.
  76. Leibnizius apud Tenzelii Collog. menstr. anni 1694. Je rapporte ceci comme je le trouve dans l’ouvrage de M. Pasch, docte professeur en philosophie à Kiel, de Inventis novantiquis, pag. 779, édit. 1700.
  77. Leibnizius apud Tenzelii Colloq. menstr. anni 1694, page 779.
  78. Lettres sur les véritables Effets de la Baguette, pages 13 et 14.
  79. M. Buissière, dans la lettre qu’il me fit l’honneur de m’écrire le 15 de juillet 1698.
  80. Lufnen, un très-habile médecin de Rotterdam, publia un petit traité là-dessus, en flamand et en français, pour montrer la vanité et le ridicule de cette pratique. Voyez l’Histoire des Ouvrages des Savans, mai 1697, p. 408 et suivantes, et le Journal des Savans du 13 de Janvier 1698, p. 30, édit. de Hollande.
  81. Leibnizius, apud Tenzelii Colloq. menstr. anni 1694, page 780.

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